Mirage

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Je suis seul. Trois mots. Et rien qu'un souffle pour les dire. Et un cri pour maudire le ciel ! Mais à qui donc, là-haut, est-il destiné ? Puisqu'il est seul à présent que les émissaires de la mort, les vautours, et le reste sur le rivage ont tous décidé finalement (à la nage pour certains – mais noyés finirent la plupart – ou sur le dos des oiseaux pour d'autres) de gagner l'Arche, quelque part au loin.

Un océan de sable dont les vagues de poussières ondulent à la surface du reflet solaire et rien d'autre qu'un silence balayé de temps en temps par une rafale de vent. Et le temps qui passe déroulant une barbe si longue qu'elle s'en mêle ce matin dans ses pieds et sa chute si régulière l'après-midi qu'elle élève toujours plus haut sa volonté d'en finir enfin au crépuscule.

Sous le regard d'un dieu imaginé, au bord d'une falaise pas plus réelle, il joua à faire semblant pour donner de l'importance à ce qu'il restait de sa vie. Élan, saut. Élan, saut. Élan, saut. Puis, plus rien : il se sentit ridicule de faire « comme si », et le jeu s'arrêta. Nuit sans obscurité, nuit rouge. Il regarda, allongé, la tête en direction du ciel, ce qu'il imagina pour le plaisir être l'élu parmi les élus : un grain de poussière qui, au milieu de millions de petites larves également poussiéreuses et convulsant dans un surplace à hauteur de pygmée, déploya ses ailes et s'envola atteindre l'image du beau et grand papillon à jamais éternel !

Ainsi, le petit être volant l'accompagnait à chaque instant, tant qu'il le désirait. Il ne fut plus vraiment seul. Mais ici, et en dépit de l’œuvre ailée de son imaginaire, dans ce présent-ci, il n'avait plus la force de se relever.

Le désert le clouait encore et toujours à son lit de sable. Jusqu'à ce qu'un cri, quelques lunes après le sien peut-être, retentît et le réveillât pareil au chant du coq, et le surprît à se mettre aussitôt debout. Un quelque chose de toujours plus aigu, mais nulle silhouette ne se dessinait à l'horizon. Juste une plainte froide, métallique, à intervalles réguliers, rafraîchissant ainsi ses sens accablés par ce soleil-chasseur qui poursuit sans relâche son gibier.

Les nuits passèrent et l'absence de silhouette, par cela même que le cri à chaque apparition du jour le tira de ses cauchemars, finit par devenir pour lui, présence ici comme ailleurs. Il résolut, on ne sait comment, de voir ce que les yeux ne peuvent voir. Mirage qu'il savait, au fond, qu'il était tel. Mais ce n'était pas grave. Il l'accepta. Et ainsi, le jeu se rejoua. Et c'est au nom d'une force d'autant plus grande qu'inconnue qu'il cessa enfin d'essayer de défier le soleil comme son regard se détourna enfin de la folie qui consiste à faire croire qu'il est bon de fixer droit dans les yeux la mort elle-même ! Il reprit goût à la vie.

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