Prologue

3 minutes de lecture
  • Tu vas bien, Jean ? Tu m'as l'air un peu perdu... D'un seul coup.

Jean ne répondit pas tout de suite. Il lui fallut réfléchir quelques secondes avant de trouver les mots pour la rassurer.

  • Je vais bien, oui. Je vais bien. Ne t'inquiète pas comme cela.

Recroquevillée sous la couverture, blottie contre lui, Marie retrouva son sourire qui s'était égaré l'espace d'un instant. Machinalement, elle glissa sa main dans sa chevelure brune, les ramenant sur le côté, dévoilant ainsi son visage et ses expressions à Jean, qui pouvait maintenant l'observer attentivement alors qu'elle s'apprêtait à parler.

  • Bon bah alors... Bonne année, mon bébé...

Elle l'embrassa fougueusement et goulûment à tel point que Jean ayant un léger mouvement de recul, se cogna légèrement sa tête sur le rebord du canapé. Il jeta un œil sur la pendule du salon. Elle indiquait minuit passé d'une minute, le premier janvier deux mille douze.

  • Ça me fait bizarre... fit-elle.

Jean regardait ailleurs, perdu dans ses pensées mais il avait entendu l'affirmation et répondit quasiment du tac au tac.

  • Qu'est-ce qui te fait bizarre ?

Marie colla sa tête contre son épaule et poursuivit :

  • Bah, je ne sais pas exactement... Un peu tout. Je crois que c'est la première fois que je passe le réveillon en tête à tête avec quelqu'un. D'habitude, je le passe en soirée avec des amis et on sort en boîte. Cette année... Je le passe avec toi et...
  • Et quoi ?
  • Et je crois que j'avais un peu peur. Au début...
  • Tu avais peur de quoi ? De moi ?...
  • Nan... Bêta... Non mais je ne sais pas... C'est étrange nan ? Ce n'est pas la majorité des gens qui fêtent le nouvel an comme cela, non ? Tu crois que cela veut dire quelque chose ?
  • Que cela veut dire quelque chose ? Mais comme quoi ?... Je ne vois pas où tu veux en venir...

Marie se redressa un peu et souffla sur la mèche qui lui tombait en travers du visage.

  • Bah, je me dis que ça marque le passage à quelque chose d'autre... Qu'il y a peut-être... Que c'est un truc comme un signe du destin ou un machin-chose dans le genre... Tu vois ?

Jean fut obligé de sourire.

  • Non, je ne vois pas. Enfin si, je comprends ce que tu veux dire mais je ne crois pas à ce genre de signe.

Marie fit la moue.

  • Tu pourrais me dire oui pour une fois. Tu pourrais entrer dans mon trip. Parfois, je me dis que tu ne crois en rien. Je ne sais pas comment tu anticipes l'avenir mais souvent, je me dis que tu n'envisages rien. Comme si pour toi, demain n'existait pas. Et pour tout te dire, moi... Ça me fait flipper, rien que d'y penser.
  • Et pourtant, tu es là, non ?

Marie s'extirpa des bras de Jean et se renversa sur le canapé en l'entourant avec ses jambes.

  • Ouais... Je suis là...

Elle attrapa son paquet de cigarettes posé sur le rebord et s'alluma une clope.

  • Ouais, je suis là, fit-elle en appuyant sur chaque syllabe. Et mon petit doigt me dit que tu pourrais en profiter plutôt que de me laisser palabrer dans des discussions philosophiques à deux balles !

Jean regarda Marie. Il ne savait pas quoi lui répondre. Il se retrouvait coupable sans n'avoir rien fait. Mais ce n'était pas important. Elle était tout ce qu'il n'était pas. Expansive mais timide en fin de compte. Absolument angoissée par tout ce qu'elle pouvait entreprendre à moins de l'avoir planifié six mois à l'avance. Elle ne vivait jamais les événements de sa vie en direct. Elle déroulait un plan qu'elle avait élaboré et dont elle avait étudié toutes les hypothèses. Et elle ne s'en sortait pas trop mal au bout du compte.

  • J'ai envie que tu me fasses un enfant... fit-elle.
  • Là, tout de suite ?
  • Et pourquoi pas ?

Avait-elle préparé son coup ? Était-elle en train d'improviser pour l'une des premières fois de sa vie ? Elle écrasa son mégot dans le cendrier. Jean se laissa tenter, d'autant qu'il n'avait aucun réel argument pour se refuser. Pourquoi pas ? C'était la phrase-clef.

  • Alors... Vos désirs sont des ordres, Majesté...

Alors ils se jetèrent l'un sur l'autre comme s'ils s'étaient déclarés la guerre pendant qu'au travers de la fenêtre du salon, le feu d'artifice engageait légèrement en retard le bouquet final qui laissait de larges traînées rouges ruisselantes de lumière incandescentes sur un fond de ciel profondément sombre.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 8 versions.

Vous aimez lire Eric Laugier ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0