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Je ne sais pas d’où je viens. Je suis un enfant trouvé. Ça existe encore. C’est ce que l’on m’a fait croire, c’est ce que j’ai cru. C’est stupide, car on ne trouve pas un enfant.

Mes plus vieux souvenirs remontent à mes trois ou quatre ans. Je vis dans une famille, avec un papa, une maman et une petite sœur. Je suis entouré chaleureusement, mais je pleure souvent. J’ai mal, très mal. Mon cœur n’en peut plus. Cela ne s’oublie pas, même si je suis incapable de dire le pourquoi.

J’étale des photos de cette époque. Elles montrent un enfant souriant, gai, avec mes « parents ». Je savais déjà que j’étais un enfant adopté. C’est tout. Pour ce qui s'était passé avant, c'était le vide. Cela valait peut-être mieux pour un gamin de quatre ans. Ce trou, quelque part, me blessait. Un seul mot me vient pour le début de ma vie : coupure.

Julie, ma petite sœur, est née quand j’avais cinq ans. Papa et maman m’avaient adopté parce qu’ils ne pouvaient pas avoir d’enfant. Résultat : un an après mon adoption, Julie est arrivée, avec ses cheveux blonds, son sourire, ses yeux bleus. Une vraie poupée. Sur le coup, leur besoin d’avoir une fille en plus de moi m'a anéanti. Surtout qu’ils s’étaient démenés pour m’avoir. Ils m’ont expliqué, à leur façon pour que je comprenne, leur désir d'enfant, les difficultés pour pouvoir m'adopter, la naissance de Julie qui survenait tel un cadeau inespéré. Leurs justifications étaient inutiles, car elle me faisait de grands sourires et je l’ai aimée tout de suite. Quand je la regardais, j’avais moins mal.

À l’école, j’étais le premier. J'assimilais beaucoup de choses pour mon âge, avec facilité et avidité. En revanche, je me battais sans arrêt. J’étais puni, souvent, pour cela. Par exemple, je ne supportais pas qu’on m’appelle « Riri », mais toutes les raisons étaient bonnes. J’étais constamment à vif. Je suis allé voir plein de psys. Rien à faire : j’avais été traumatisé dans ma petite enfance. Leurs sciences s'avéraient impuissantes pour me soulager. Leur solution était d'attendre et de me contenir. Mes parents s’occupaient beaucoup de moi. Jamais ils ne me grondaient. Ils essayaient de me comprendre, de m’apaiser. J’étais un garçon perdu dans des malheurs trop grands pour lui, même avec leur amour. Ils étaient mes parents, mais ce n’étaient pas mes parents !

Au fur et à mesure que je grandissais, je me pacifiais un peu. Julie était collée à moi, malgré la différence d'âge. J’étais fier dans mon rôle de grand frère. Je voulais qu’elle soit heureuse, tout le temps. Cela aurait pu continuer.

Cet été-là, à la plage, alors que maman se baignait, elle a eu un malaise. Papa m’a crié de surveiller Julie et il est parti en courant pour l'aider. Ils sont morts, noyés tous les deux. En quelques minutes, ils ont été morts.

Julie est restée vivre chez ses grands-parents paternels. Je dis « ses », parce qu’ils ne m’ont jamais aimé. Je n’étais pas leur petit-fils. Ils m’ont laissé de côté. Maman ayant perdu ses parents, personne n’a voulu de moi, à cause de ma réputation, et, peut-être, de ma tête d’Arabe.

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