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Dans cet orphelinat, la Maison, nous n’étions pas nombreux à être sans aucune famille. La plupart avaient encore au moins un parent, ou un oncle, une cousine, chez lesquels ils pouvaient se rendre de temps en temps. Dans leur majorité, ils étaient très abimés dans la tête ou dans le corps. Ne pas avoir de parents amoche salement ! Ou peut-être étaient-ce les parents qui les avaient démolis ? On ne parlait pas de cela entre nous. Notre histoire à chacun, il valait mieux l’oublier.

Pour compenser, pour se débattre, ils étaient souvent bêtes ou méchants, ou les deux à la fois. Il fallait vraiment se défendre dans cette brutalité. C’était ma vie, notre vie. Tidiane était comme moi, abandonné de tous, lui depuis toujours, moi deux fois.

Heureusement, nous étions aussi une bande de copains. L’amitié à la vie, à la mort qui nous lie s’est forgée dans des moments de survie. Notre existence était plutôt douce, mais soudain elle pouvait être complètement remise en cause. L’aide que l’on trouvait alors nous soudait à jamais.

Jo était plus âgé que moi de deux ans. Il était grand, costaud et m’avait impressionné dès que je l’avais vu. Peut-être étaient-ce ses yeux très bleus et ses taches de rousseur. Il m’avait souri, je m’étais approché de lui et nous sommes devenus copains. Il jouait le rôle de grand frère et comptait énormément pour moi.

Mon autre ami était Alex. C’était le seul autre de la Maison à réussir en classe, presque aussi bien que moi. Il avait un an de plus et on travaillait souvent ensemble, car nous étions dans le même niveau. C’était un garçon agréable avec lequel je pouvais parler intelligemment. Très doux, légèrement efféminé, il aurait pu être la risée et le souffre-douleur de cette communauté de jeunes coqs. Il avait une façon de réagir, méprisant et ignorant les remarques et les coups, qui désarmait ses agresseurs. Il paraissait bien vivre sa condition dans ce milieu de brutes. Il me dira, plus tard, que c’était un enfer invivable : j’étais un des rares à ne pas le harceler.

Tim avait également un an de plus que moi. C’était le cinquième de notre groupe, de notre confraternité. J’ai trouvé des garçons fragiles, déchirés et cassés, mais au cœur d’une générosité absolue et infinie. Avec eux et Tidiane, j’avais un cocon chaud et rassurant.

Tidiane venait du Cameroun, Tim était Kosovar, un peu muslim sur les bords, Jo était un Gaulois, Alex avait des origines marocaines. Moi, je venais de nulle part, sans doute d’une rive de la Méditerranée, mais je m’en foutais. Cela était devenu sans importance.

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