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Même s’ils se disaient tous respectueux de la religion, c’étaient avant tout de jeunes mâles, aux sentiments malmenés, tourmentés par les vagues d’hormones qui les travaillaient. Leurs principales préoccupations étaient les histoires de cul, entre eux, qui se réglaient à la dure. Je ne me sentais pas concerné, immature, mais déjà intrigué par les filles du collège.

Il devait être insupportable pour certains de voir deux mecs ensemble, faire leur travail scolaire et réussir où ils étaient tous largués. Un soir, ils se sont pointés à six. Ils nous ont déshabillés et, pendant que deux tenaient Alex, ils m’ont violé. J’avais douze ans. La porte ouverte permettait à d’autres fêlés d’assister à ce spectacle excitant. Je me suis débattu. La douleur était ignoble. Je ne pouvais pas bouger. Humilié, détruit, je me suis laissé faire. Se méprenant, ils ont relâché leurs contraintes. Profitant d’un changement de bourreaux, je me suis libéré à coups de pied et de poing. Ils étaient ridicules, leur pantalon sur les pieds, leur nudité dressée, leur air stupide. Je levais le poing quand j’entendis :

— Arrête ! Ou je casse le cou de ta copine.

Alex avait la tête renversée en arrière et j'ai cru qu’il l’aurait vraiment tué. J’ai abandonné. Ils m’ont repris, ont recommencé, avant de s’en prendre, plus méchamment encore, à Alex.

Ils nous ont jetés par terre, dans la merde, le sang, le sperme. Ils sont sortis, contents de leur exploit. Nous avons longtemps pleuré, avant de nous relever.

Deux jours après, l’un de nos agresseurs se rompait les os en tombant dans l’escalier. Ensuite, deux de ses copains se prirent un profond coup de fourchette, l'un dans la jambe et l'autre dans le ventre. Les éducateurs ne comprenaient pas cette suite d’accidents. Un quatrième se fit éclater un testicule. Les deux derniers eurent également leur lot de blessures. Jo, à qui j’avais tout raconté, m’a aidé. Ils devaient payer, pour moi, pour Alex, pour m’avoir repris, pour l’avoir fait devant les autres. Ils allaient recommencer. Je devais nous protéger. Tant mieux s’ils sont restés marqués à vie. Ils méritaient pire !

L’affaire fit beaucoup de bruits, car tous savaient que c’était un règlement de comptes sévère, sans pouvoir identifier les acteurs concernés.

Le calme revint ensuite. Tous les jeunes étaient au courant et je fus sollicité par des condisciples en recherche d'affection physique, me pensant converti à ces pratiques. Le mépris que je leur lançai les empêchait d’insister, car ils se doutaient qu’un coup suivrait immédiatement.

Ma vengeance avait effacé le viol. Rapidement, il disparut de ma mémoire.

Avec Alex, ce fut terrible. Avant l’agression, il adorait me caresser furtivement les bras, la figure. Je le laissais faire, car il avait des gestes doux et, surtout, je ressentais son immense appel de tendresse, auquel j’étais incapable de répondre. Il a complètement cessé après l’attaque, me repoussant quand je tentais d’approcher ma main. Enfermé dans une armure qui me déchirait, jamais je ne parvins pas à le consoler. Il ne se remit pas de cet épisode, qu’il refusait d’aborder. Il a dérivé dans des relations de souffrances, d’humiliations, de mutilations. Je suis certain que son suicide, des années plus tard, est la conséquence de son viol, quand ils l’ont tué.

Durant cette période, Jo m’a beaucoup soutenu. Non seulement il m’a prêté mainforte, mais il m’a expliqué les causes de cette agression. Il est le premier à m’avoir parlé de la sexualité, de celle entre garçons et filles et de celles entre garçons qui ravageaient ces pubertaires mal construits.

Une loi existait, interdisant de toucher les petits. Ces six imbéciles l’avaient transgressée. Voilà pourquoi un silence approbateur avait accompagné la répression.

Tout ceci était très loin de mes préoccupations. L’attitude d’Alex me désespérait, mais je n’avais qu’une envie : oublier cette violence. Cependant, Jo revenait toujours sur ce sujet, dès que nous n’étions que tous les deux. Il me détaillait comment faire l’amour, selon ses termes. Il avait, apparemment, une connaissance approfondie de ces comportements. Ces détails et ces répétitions parvinrent à exciter ma curiosité, car il mélangeait souvent les actes entre filles et garçons et uniquement entre garçons.

Il avançait doucement. J’ai fini par ressentir son désir, car il me disait plein de choses gentilles sur moi, sur mon physique, me trouvant beau. Je n’avais jamais pensé à mon corps. Ses regards envieux et admiratifs me poussèrent à me regarder dans un miroir. Je ne voyais plus un détritus, même si je restais jaloux de sa peau blanche couverte de rousseur, de ces poils blonds partout. J’ignorais tout, à part les câlins de Tidiane, les caresses d’Alex, la douleur de l’agression. Je confondais tout. Il était mon grand frère. Je l’ai laissé faire, lui faisant confiance, voulant lui offrir du plaisir. Je suis devenu l’amant de Jo, sans vraiment le décider. Il y mettait beaucoup de gentillesse, d’attention, de compliments, car il espérait gommer la violence que j’avais subie en me montrant les jouissances possibles. Pourtant, ce n’était pas mon truc. Sa déception me faisait mal, mais nous avons rapidement arrêté. Il m’a toujours considéré comme son premier amour, en me portant une dévotion trop forte pour moi.

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