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Parallèlement, ce qui me compliquait la compréhension de ce monde sensuel, je tombais amoureux des filles du collège, des plus belles, mais elles l’étaient toutes ! Plusieurs partageaient cette attirance. Je me laissais faire. Nous étions quelques-uns à venir de l’orphelinat. Ce n’était pas un secret et j’en étais fier maintenant. Je pus échanger quelques baisers, quelques caresses. Jamais une aventure sentimentale ne put s’établir. J’avais un blocage, n’osant pas me livrer à ce monde extérieur, craignant d’être à nouveau abandonné dès que ça deviendrait sérieux. J’étais toujours sincère, car incapable d’aborder une fille sans la respecter. Je crois que c’était une de mes faiblesses. Sans doute avais-je été traité trop souvent comme un dossier, un cas, un numéro. Chaque fois naissait une liaison profonde, leur laissant rêver à un grand amour. Dès qu’elle parlait de futur, d’engagement, je déraillais, je fuyais. Pourtant, nous n’étions que des enfants encore, apprenant à jouer avec les sentiments. Les miens étaient incontrôlables, à vif, prêts à s’enflammer et à me bruler.

Régulièrement, je rompais avec la plus jolie et la plus douce, la plus charmante, pour notre malheur réciproque. J’épuisais mon chagrin dans les bras de mon frère, avant de retomber amoureux.

Mon respect et ma douceur me valaient une bonne réputation auprès des filles, tranchant avec mes rapports plus conflictuels avec les garçons, même si je ne me battais plus. Ces petits mâles arrogants percevaient très bien que ma violence n’était pas loin, et que leur courage avait des limites. Les filles m’adoraient, car elles savaient que ça n’allait pas durer avec celle en cour et que leur chance viendrait après, sûres de réussir, elles, de m’agripper sérieusement.

Avec ces occupations, ma colère immense s’assoupit doucement. Ma douleur intérieure couvait.

Tidiane avait changé. Il avait forci, devenant un adolescent aux traits réguliers. On devinait déjà le géant musclé qu’il serait, lui le petit malingre ! Son sourire, rare et exclusivement à mon intention, était chaleureux. Sa peau noir-acajou ajoutait à son charme. Que j’aimais ce garnement qui grandissait sans fin !

Nous dormions toujours ensemble, même si le lit diminuait de taille avec notre croissance. Nous ne nous sommes jamais touchés. Nous nous livrions, abandonnions totalement à l’autre. Seule la tendresse nous liait, infinie dans le réconfort qu'elle nous apportait.

Des nuits, sans raison, je pleurais. Je sentais sa pression plus forte et je pouvais alors laisser sortir ma désolation inépuisable. D’autres nuits, c’était Tidiane qui s’effondrait. Sans les bras du frère, nous serions devenus fous. Nous nous endormions enlacés, incapables de franchir seuls le seuil du sommeil. Écrasé par sa masse, je rejoignais mon lit dans la nuit.

Ce n’était pas de l’amour, encore moins du sexe. Juste une confiance absolue, réciproque. Il n’y a pas de mot pour ce sentiment.

Nous résonnions profondément, je ressentais chacune de ses émotions, il savait les miennes. Nous ne parlions que de nous. Un jour, je me suis rendu compte que, finalement, je ne le connaissais pas. Jamais nous n’échangions sur d’autres sujets. À quoi s’intéressait-il ? Qu’aimait-il ? Je l'ignorais. Depuis que nous étions frères, je l’aidais dans ses devoirs. Je voyais qu’il avait du mal. Il n’était pas bête, mais il n’a jamais compris l'utilité de ces enseignements, ni leur pourquoi. Cela ne le concernait pas. En revanche, il avait une intuition des choses et des personnes étonnantes. Nos cœurs ne faisaient qu’un, mais nos esprits ne communiquaient pas. Cela me désola, un peu, mais notre lien était si fort, si indispensable, si vital, que rien d’autre n’avait d’importance.

Il se découvrit une passion pour le pain et la pâtisserie. Quand il commencera son CAP, il trouvera son bonheur dans ces malaxages et ces préparations.

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