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J'avais évité d'ennuyer Tidiane avec mes ennuis d’argent ou du vol. À chaque appel, Jo me répétait que vivre dans la misère n’était pas une vie. Il avait calculé que sa Ferrari représentait dix ans de travail, malgré son prix dérisoire d’achat. Ce n’était pas possible. Il avait trouvé une solution : il complétait son petit salaire grâce à des « amis » riches qui aimaient passer des nuits avec de beaux et jeunes garçons. Des « amis de passage ». Il me dit comment il les rencontrait sur internet. En plus, lui qui préfèrerait les hommes, ça le défoulait. Il m'annonça avec amusement combien il demandait et ce que ça lui rapportait. C’était énorme ! Quand je raccrochais, je l’enviais et, pour la première fois, il me décevait. Se vendre ! Se prostituer ! Quelle déchéance ! C’était bien la preuve de notre valeur : nulle. De la chair à refoulés. Enfin, pas si nulle, la valeur. Lui voulait sa Ferrari. Moi, je devais pouvoir payer un loyer pour vivre avec Tidiane. Sans y réfléchir, j’ai fait le calcul : deux passes par semaine suffiraient, une troisième permettrait de ne plus être dans la gêne. C’était facile, c’était tentant. C’était dégueulasse, avilissant. Jamais je ne m’abaisserai à une telle solution. De plus, les sexes des mecs, j’en avais assez vu. Aucun intérêt.

Cette idée me révulsait d’autant plus que je la savais inévitable. Nous ne pourrions jamais vivre ensemble. Tidiane allait quitter la Maison et c’était à moi de le prendre en charge. Il travaillerait, en tant qu’apprenti, mais c’était moi son grand frère.

La fois suivante, Jo reprit ses conseils, déjà certain que j’allais le faire.

Il me détaillait la meilleure manière pour rédiger la publication sur le site de rencontre. Si je voulais, je pouvais m’offrir aux femmes, il y avait des offres dans ce sens. Pour lui, c’était plus facile et plus rémunérateur avec les hommes. Il me conseillait, me disant de me protéger : jamais chez le mec, toujours à l’hôtel, et le préservatif pour tout. Il recommençait, me racontant ses derniers coups. Ces ressassements finirent par me faire paraitre possible ce que j’exécrais. Quand il me demanda si j’avais préparé mon annonce, j’ai arrêté de l’appeler.

J’avais besoin d’un PC plus puissant. C’était complètement hors de mes moyens. Tidiane allait arriver dans quelques mois. Je n’avais plus le choix. Deux passes suffiraient, deux fois une heure, même pas. J’avais vécu pire. Je ne craignais rien : je savais me défendre.

Voilà comment j’ai commencé ! Il fallait juste remballer sa fierté. Sinon, quelle différence ? Je refusais un client sur deux, une cliente sur cinq. Je fus plus précis dans mes messages. Ce n’était pas si difficile ensuite, quand on évitait les plus tordus ou les plus lourdes. Rapidement, j’ai eu des habitués. L’un d’eux me saoulait avec ses histoires de famille, avant de me faire des éloges sur mon corps. J’appréciais ses compliments, tellement j’en avais été frustré. Tout n’était pas pourri…

Avec un soir par semaine d’activités nocturnes, je doublais ma bourse. Le plus dur était de pour ne rien laisser paraitre à mes amis et au travail. Robin ne m’a posé aucune question quand j’ai déballé le must en la matière de PC. David a eu un regard interrogateur.

En quelques mois, j’ai pu accumuler une belle somme. Je pouvais accueillir mon petit frère.

C’était devenu une routine. Je n’y faisais plus attention. Certains soirs, en revenant, un dégoût absolu de moi me prenait. Je passais alors des heures sous la douche, sans pouvoir laver mon âme.

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