Chapitre 7. Aphrodite

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Encore un plan qui tombait à l'eau. Et pour une déesse qui n'échouait jamais, c'était excessivement frustrant. Après le désastre du solstice d'été, elle s'était rabattue sur Arès. Le dieu de la guerre avait la concentration d'un concombre de mer, mais au moins, il désirait ardemment Aphrodite. D'autant plus depuis qu'elle était mariée à Héphaïstos. Arès n'appréciait pas trop qu'on lui pique ses jouets, comme l'enfant gâté qu'il était, Athéna ne pouvait qu'en être témoin.

Dans une alcôve de l'Olympe, adossés à une colonne, les deux amants s'échangeaient baisers et caresses. Aphrodite ne ressentait aucun frisson de plaisir, mais bon, ça avait le mérite de ne pas être aussi désagréable qu'avec le cyclope. De toute façon, ses forces s'amenuisaient et Arès était, à l'heure actuelle, le choix le plus judicieux. Et puis, elle avait une idée derrière la tête. Alors qu'il tirait les cheveux d'Aphrodite en arrière pour avoir accès à son cou, elle simula des petits cris d'excitation. Arès adorait avoir une domination sur les autres. Penser qu'il pouvait faire gémir de plaisir la déesse de l'amour gonflait son ego. Et pas que...

Aphrodite l'avait suffisamment fait mûrir, elle posa deux doigts sur les lèvres du dieu pour contrer ses embrassades.

Comment faire tourner la tête d'un dieu ? Rien de plus facile.

1. Plaquez votre corps contre le sien, d'autant plus si vous avez une poitrine aussi volumineuse que celle d'Aphrodite.

2. Faites attention d'être plus petite que lui. Si vous êtes plus grande, trouvez un moyen d'arriver juste en dessous de sa tête.

3. Placez vos mains sur son torse.

4. Lancez-lui un regard de biche apeurée, tout en battant des cils.

5. Et le coup de grâce, mordillez-vous les lèvres.

Et voilà, vous aurez un dieu cuit à point.

  • Arès, mon cœur, murmura Aphrodite. Tu ne penses pas que tu pourrais mettre fin à toutes ces guerres. Juste le temps que les affaires reprennent.
  • Tu sais que c'est pas possible, Aphrodite. Les humains se battent n'importe où, n'importe quand. Ils n'ont même pas besoin de nous pour commencer leurs guerres.
  • Oh Arès, s'il le plait. Pour moi, supplia-t-elle en passant ses bras autour du cou de son amant.

Arès lui vola un baiser avant de se détacher d'elle.

  • Je suis pas seul décisionnaire, ma chérie. Et puis on a tous besoin de travailler, déclara-t-il en levant les épaules.
  • Justement ! Moi aussi, j'en ai besoin, et bien plus que toi. J'ai l'impression que mon état n'effraie personne ! accusa-t-elle en repoussant Arès.
  • Voyons, Aphrodite. Comme si l'amour et le désir pouvaient disparaître. Regarde-toi, t'es plus belle que jamais, dit-il en posant ses mains sur les hanches de la déesse. Bon, on devrait rejoindre les autres, sinon ils vont se poser des questions.

Sur ces mots, il agrippa la ceinture d'or et de pierres que portait Aphrodite. Il la ramena à lui d'un coup sec et déposa un dernier baiser sur ses lèvres inertes, avant de repartir vers le buffet.

-§-

Et maintenant, elle était assise sur son lit, à côté d'Héphaïstos.

  • Je croyais que tu ne fabriquais que des armes, indiqua Aphrodite.

Elle s'était confortablement installée contre les coussins, étalant ses jambes de toutes leurs longueurs. Ennuyée par tant d'échecs, elle tournait une de ses mèches de cheveux entre ses doigts.

Héphaïstos, lui, avait posé ses fesses le plus au bord du matelas. Si ses jambes le lui permettaient, Aphrodite était certaine qu'il ferait la chaise. La tête baissée, il jouait avec un fil de fer, qu'il tordait et retordait pour lui donner différentes formes.

Bon, ce plan non plus n'avait pas marché. Pourtant, la déesse avait eu de l'espoir en constatant l'état dans lequel elle mettait Héphaïstos. S'il n'avait pas prêté attention aux charmes de sa femme les premières semaines après leur mariage, elle avait bien vu aujourd'hui qu'il n'était pas hermétique pour autant. Et lorsqu'elle avait senti sa bosse, une fois au-dessus de lui, elle s'était dit que le plus dur était fait. Sans mauvais jeu de mot.

Surtout avec le pouvoir de sa ceinture. Sa fameuse arme secrète. Une fois porté, elle donne à son propriétaire un pouvoir de séduction irrésistible. C'était comme se tartiner le corps de miel pour attirer les abeilles.

Mais encore une fois, un échec. Si même le dieu le plus moche de l'Olympe repoussait Aphrodite, alors c'est que la déesse était encore plus en danger qu'elle ne l'imaginait.

  • C'est parce qu'ils ne me commandent que des armes, finit par répondre le forgeron. Quand j'ai commencé à fabriquer des trucs, au départ, c'étaient des jouets. Quand j'étais petit, j'avais construit un superbe pégase en bois. Avec suffisamment d'élan, il était capable de planer sur une dizaine de mètres, se remémora-t-il béatement. Ensuite, je me suis mis à faire des bijoux pour Téthys et , pour les remercier. Mais maintenant, on ne me demande que des armes. Alors, je ne fais que des armes, termina-t-il avec amertume.

Aphrodite ne rêvait pas. Héphaïstos, le dieu créateur des éclairs de Zeus, du char d'Apollon, des ailes d'Hermès, des flèches d'Artémis, du bouclier d'Athéna et même de la ceinture d'Aphrodite se lamentait sur son sort. C'était étrange d'entendre quelqu'un d'autre se plaindre, elle n'avait que ses propres angoisses en tête depuis plus d'un siècle. Visiblement, elle n'était pas seule à souffrir de son travail.

De dos, les larges épaules tombantes d'Héphaïstos cachaient sa tête baissée. Il ressemblait à une montagne comme ça.

  • J'ai toujours cru que c'était un cadeau de Zeus, poursuivit Aphrodite à propos de sa ceinture.
  • C'est un cadeau de Zeus. Mais c'est moi qui l'ai fabriqué.
  • J'aurais dû m'en douter, siffla Aphrodite entre ses dents.
  • C'est sûr. Zeus ne l'aurait jamais décoré de cette façon. Tu aurais dû voir le croquis qu'il m'avait donné. C'était terrible et très moche. Ça ne te ressemblait pas.

Aphrodite avait l'habitude des compliments, c'est ce qui lui donnait le teint lumineux. Mais en recevoir aussi facilement d'Héphaïstos lui procura une tout autre sensation. Ce n'était pas déplaisant, à vrai dire.

  • Il y avait un éclair énorme sur l'avant et il voulait qu'en appuyant au centre, ta ceinture lance des jets de lumière. C'était ridicule, continua-t-il, un rire dans la voix.

En imaginant la scène, Aphrodite se mit à rire à son tour. Elle aurait eu l'air fine, la déesse de la beauté, à envoyer des éclairs avec son nombril.

  • Qu'est-ce qu'il lui a fait changer d'avis ? demanda-t-elle, à présent curieuse sur la confection de son arme.
  • Rien. Les dieux peuvent me demander de fabriquer tout ce qu'ils veulent, à condition que rien n'est ni repris ni échangé. J'ai simplement créé une ceinture à ton image et l'ai donnée à Zeus. Il n'avait pas le choix de la prendre. C'était soit ça. Soit, il n'avait pas de cadeau. Mais je me rends compte en te connaissant un peu mieux maintenant que j'aurais dû mettre une aigue-marine à la place de la pierre de lune.
  • Pourquoi ça ?
  • La teinte correspond mieux à la couleur de tes yeux.

C'était bien la première fois, qu'Aphrodite n'avait rien à répondre. Son regard traversa la chambre qu'elle occupait depuis maintenant plusieurs nuits. Des roses, des perles, des coquillages. Pas vraiment le style du dieu du feu. Comme pour la ceinture, avait-il décoré la pièce avec ce qu'il pensait qu'elle aimerait ?

Finalement, ses yeux se posèrent sur le bouquet offert un peu plus tôt par Héphaïstos. Le cadeau ressemblait à un bric-à-brac de métaux et de fils de fer recourbés et entremêlés. En s'y penchant de plus près, les métaux prenaient en réalité la forme de fines tiges de platine surmontées de fleurs des champs en or. Les feuilles étaient découpées dans de l'argent et clairsemées d'éclats de turquoise. Une chose est sûre, il était doué de ses mains.

  • Je... Je vais y aller, lança Héphaïstos. J'ai l'impression que tu as eu une dure journée. Tu as l'air fatiguée. Enfin, non, pas que tu sois moins belle que d'habitude. Je veux dire... Tu es très jolie. Non, tu es magnifique, hein. Comme d'habitude. C'est juste que c'est une impression... balbutia-t-il gêné. Tout ça pour dire, bonne nuit !

Aphrodite l'avait déjà remarqué tout à l'heure, mais ne l'avait pas relevé : lorsque Héphaïstos rougissait ou était embarrassé, les marques sur son corps rougeoyaient. C'était comme si son corps entier était un volcan et que de la lave coulait dans ses veines. Une fois qu'il reprenait le contrôle de ses émotions, les stries s'assombrissaient jusqu'à redevenir noires.

Et c'est drôle comme il avait des difficultés à garder son calme. Aphrodite se demanda si son corps était brûlant dans cet état. Elle l'embêterait plus à l'avenir pour le découvrir.

  • Merci, pour le bouquet, déclara Aphrodite avant qu'il ne passe le pas de la porte. Sincèrement.

Le dieu, soutenu par sa canne, parti de la chambre de sa femme, un sourire non dissimulé sur les lèvres. 

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