Chapitre 7
Les heures s’étirent, lourdes et interminables. Je suis allongée sur le lit, attachée comme un simple morceau de viande, la peau marquée par les liens serrés autour de mes poignets. Je n’ai pas bougé depuis qu’ils sont partis. Le silence est oppressant. Je pourrais presque entendre mes pensées crier contre moi, mais il n’y a personne pour les entendre. Juste moi, dans cette chambre froide, dans cet espace qui me semble si étranger, un endroit que je n’ai jamais imaginé occuper.
Les murs sont pâles, presque dénués de vie, tout comme moi, dans cette pièce, en attendant que le temps passe. Mes yeux scrutent chaque détail de l’endroit, cherchant quelque chose à quoi me raccrocher, mais il n’y a rien. À part les murs, le plafond, et une fenêtre étroite, trop haute pour que je puisse voir à travers.
Puis, la porte s’ouvre brusquement. Une femme entre sans un regard, sans une parole. Elle porte des vêtements sombres, sa silhouette est imposante et marquée par la froideur. Ses pas ne font aucun bruit, et pourtant, je la sens, cette présence qui me glace le sang. Elle ne me prête même pas attention, comme si je n’étais rien de plus qu’un meuble dans cette pièce. Elle se dirige vers un coin de la chambre, sans jamais croiser mon regard.
Je la fixe, le souffle coupé. Qui est-elle ? Que fait-elle ici ? Est-ce une de ces femmes qui servent Alek ? Est-ce que… elle est là pour m’aider ? Est-ce que quelqu’un peut m’aider ?
Je ne peux pas supporter l’idée de rester ici sans rien faire, sans rien savoir. La terreur commence à m’envahir, mes pensées s’embrouillent. Je ne peux pas rester dans cette inactivité, dans cette incertitude. Je dois savoir, comprendre.
— Tu… tu sais où je suis ? Est-ce que tu peux… m’aider ? Ma voix tremble, mais je m’efforce de la rendre ferme. J’ai besoin de réponses. De quelque chose. De tout. N’importe quoi.
La femme ne répond pas tout de suite, continuant de se déplacer dans la pièce avec cette même froideur qui me fait frissonner. Je tente de m’assoir, mes poignets encore douloureux sous les liens, mais je n’arrive qu’à me replier, le corps tendu par la douleur. Mon regard se fixe sur elle, et j’insiste, un peu plus fort cette fois.
— Tu sais ce qu’il va m’arriver, n’est-ce pas ? Tu… tu peux m’aider, non ?
Elle s’arrête enfin, se tournant lentement vers moi. Ses yeux noirs et impassibles m’observent, et il y a quelque chose dans son regard qui me fait frissonner encore plus, comme si elle me jugeait, comme si elle savait déjà tout de moi. Ses lèvres s’entrouvrent, mais sa voix reste aussi glaciale que l’air autour de moi.
— Tu ferais mieux de ne pas poser trop de questions.
Il n’y a aucune pitié dans ses paroles, aucune empathie. Elle a l’air aussi vide que ce lieu. Elle se rapproche lentement, sa démarche calculée, comme si elle mesurait chacun de ses pas.
— Tu es ici pour une raison. Une raison que tu ne comprends probablement pas encore. Mais peu importe combien tu essaies, rien de ce que tu feras ici ne changera ta situation.
Je la fixe, le cœur battant. C’est comme si chaque mot qu’elle prononçait me laissait sans air, comme si cette femme avait été façonnée par la même ombre que celui qui m’a capturée. Alek. Je le sens. C’est de lui qu’elle parle. Elle est là pour lui. Tout comme moi.
Elle fait un pas en arrière, et je me sens à nouveau abandonnée, invisible. Je fronce les sourcils.
— Tu… tu ne peux pas être comme lui. Tu n’es pas comme lui, n’est-ce pas ?
Elle ne répond pas immédiatement, puis, finalement, elle soupire, une sorte de bruit qui semble provenir d’un endroit très lointain.
— Je ne suis pas comme lui. Elle marque une pause. Mais je fais ce qu’on me dit. Et toi, tu ferais bien de faire de même.
Je comprends alors. Je suis encore dans ce piège. Je suis entourée de personnes qui n’ont aucune pitié. Alek est le centre de ce monde. Et je suis juste une marionnette dans ce jeu. Mais... peut-être qu’il y a encore une chance. Peut-être qu’il y a quelqu’un qui m’aidera à sortir de ce cauchemar. Mais pas cette femme. Elle est aussi perdue que moi, coincée dans son propre réseau.
Je me laisse tomber contre le lit, épuisée. J’ai encore beaucoup à comprendre. Mais chaque minute ici me rapproche un peu plus de la vérité.
Je me sens totalement démunie dans cette pièce, ma tête encore pleine de tout ce qui s’est passé, mais mes pensées se sont assombries dès l’instant où la femme a franchi la porte. Elle est froide, distante, comme un mur de glace qui me sépare de la réalité. Quand elle me fixe, j’ai l’impression d’être observée, jugée même, mais il n’y a aucune émotion dans son regard. Aucun sentiment.
Je n’arrive pas à comprendre ce qu’elle veut de moi, mais je sais que je dois essayer de gagner un peu de terrain.
— Tu… tu peux me dire ton nom ? Je m’avance légèrement, mon corps encore tendu par les liens, mes mots pourtant clairs. Il faut que je sache. J’ai besoin de comprendre à qui je parle, surtout dans cet endroit où tout semble se jouer à un fil.
Elle me fixe sans bouger. Quelques secondes passent, et je peux sentir son regard glacial peser sur moi. Puis, finalement, d’une voix qui résonne comme une sentence, elle répond.
— Je m’appelle Irina.
Elle ne m’adresse pas un sourire, juste un regard froid, sans aucune chaleur.
Sans que je ne m’y attende, elle commence à défaire lentement les liens autour de mes poignets. Un frisson d’appréhension m’envahit à chaque mouvement qu’elle fait. Je veux dire quelque chose, mais je n’en trouve pas la force. Puis, dans un murmure presque imperceptible, elle ajoute :
— Si tu essaies quoi que ce soit, l’homme derrière cette porte te tranchera la gorge avant même que tu puisses bouger. Compris ?
Je reste là, pétrifiée. Je déglutis, ma gorge se serre, et bien que je sois libérée, une terreur soudaine m’envahit. Je sais que je n’ai aucune chance ici. L’homme derrière la porte… je n’ose même pas imaginer qui cela pourrait être. Mais je sais qu’il n’hésiterait pas à m’éliminer en un instant.
Irina ne m’adresse toujours aucun regard, mais sa voix est nette, claire, sans place pour la discussion. Elle se tourne ensuite pour déposer un vêtement sur le lit : une robe noire en soie, à fines bretelles, d’une coupe élégante, mais qui semble à des années-lumière de tout ce que je pourrais porter. Il n’y a aucune logique, aucune raison à ce vêtement dans ce contexte. Mon regard se fixe sur la robe, confuse, ne comprenant pas.
Je lève les yeux vers Irina, un éclat de doute dans le regard.
— Qu’est-ce que c’est ? Pourquoi… Pourquoi une robe ? Mon esprit est embrouillé, et je ne comprends pas ce qui se passe.
Elle se tourne lentement vers moi, toujours aussi froide, comme une silhouette qui semble sortir de l’ombre.
— C’est ce que tu vas porter ce soir. Pour sortir avec Sacha.
Je la regarde, interloquée.
— Sacha ? Je n’ai jamais entendu ce nom. J’ai l’impression que le sol sous mes pieds tremble, comme si une brèche venait de s’ouvrir devant moi, et je ne savais pas si j’étais prête à y tomber.
Irina me fixe un instant, avant de laisser échapper un soupir imperceptible.
— Sacha… C’est l’homme qui t’a kidnappée.
La révélation me frappe comme un coup de tonnerre. Sacha… C’est lui, Alek. Cet homme froid, distant, celui qui m’a capturée, celui qui semble diriger tout ce qui m’entoure. Je le sens en moi, cette présence omniprésente. Et pourtant, j’étais incapable de mettre un nom sur cette silhouette menaçante, cet homme qui faisait naître en moi une terreur inexplicable.
Un silence lourd envahit la pièce alors que je digère l’information.
— Sacha… Je répète son nom, essayant de l’apprivoiser, de l’intégrer à cette réalité qui m’est imposée. Mais il est encore flou dans mon esprit, comme une silhouette irréelle. Et pourtant, tout en moi me dit que je n’ai aucune chance de m’échapper de son emprise.
Irina attend un moment, comme si elle s’assurait que je comprenne bien. Mais le poids du nom, de cette réalité qui se forme autour de moi, me fait vaciller. Je me sens de plus en plus emprisonnée dans ce monde que je n’ai jamais voulu connaître.
Je regarde la robe une dernière fois, ne sachant toujours pas si je dois la prendre ou la rejeter. Mais je sais que l’heure n’est plus aux choix.
Irina me regarde un instant, son regard vide de toute émotion, avant de se tourner vers la robe noire qu’elle a posée sur le lit. Elle prend son temps, arrangeant le tissu délicatement, comme si chaque geste avait un but précis, comme si chaque mouvement était dicté par une logique qui m’échappe.
Le bruit des tissus froissés me parvient à travers l’épaisse brume qui envahit mon esprit. Je ne suis plus sûre de l’heure, ni même du jour. Tout semble se confondre dans un tourbillon d’angoisse et de confusion. Cela fait des jours, ou des semaines, je ne sais plus, que je suis enfermée ici, dans cette pièce froide et inhospitalière. Un jour m’est passé après l’autre sans que je puisse discerner une quelconque ligne de temps, comme si la réalité elle-même s’était figée dans ce lieu. Je suis prise dans cette boucle sans fin, chaque heure glissant sur moi comme une vague, sans jamais m’offrir de répit.
Les heures sont devenues des ombres. Il y a eu des nuits, des moments où je me suis retrouvée seule dans la chambre, à me demander si je rêvais ou si c’était la réalité. La seule chose qui restait claire, c’était le froid qui régnait ici, et la présence d’Aleksandr. Ou devrais-je dire, Sacha. Parce qu’il est devenu le centre de mon univers, cette force incontrôlable qui me fait frissonner même quand il est loin.
Je me souviens d’un soir particulier, il n’y a pas si longtemps. Je n’avais pas réussi à dormir, l’angoisse me rongeant, l’esprit en proie à des tourments incessants. J’étais allongée, figée sous les couvertures, tentant de repousser cette sensation de vulnérabilité qui me rongeait. Et puis, soudain, je l’ai entendu entrer dans la chambre, son pas lent, assuré. Sans dire un mot, il s’est approché de moi. J’ai cru que mon cœur allait s’arrêter quand il a posé sa main sur mes cheveux, les touchant doucement, presque comme s’il était en train de m’examiner. Je n’avais pas bougé. Je ne voulais pas lui montrer que j’étais effrayée. Mais à l’intérieur, chaque fibre de mon être hurlait.
Je n’avais pas réagi. Je n’avais pas protesté. Je n’avais rien dit. Parce que je savais qu’il ne me laisserait pas de choix.
Le contact de sa main dans mes cheveux me faisait frissonner, mais je suis restée immobile, à lui offrir une façade calme, une façade de contrôle. Même si à l’intérieur de moi, je me sentais comme une proie sous ses doigts. C’était ça, le piège. Il savait que j’avais peur, il savait que j’étais brisée, mais il voulait que je l’admette, que je m’incline, que je lui donne ce qu’il voulait. Et je savais que si je montrais le moindre signe de faiblesse, il aurait un contrôle total sur moi.
— Tu n’es qu’un petit diable, n’est-ce pas ? m’avait-il dit, un rictus amusé dans la voix, avant de se retirer sans un mot de plus. C’était comme une mise en garde, un avertissement. Comme s’il jouait à un jeu dont les règles n’étaient écrites nulle part, sauf dans sa tête.
Irina me tire brusquement de mes pensées. Elle m’observe, froide et distante, attendant que je réagisse. Elle veut que je m’habille. Elle veut que je me prépare. Mais pour quoi ? Pour Sacha, pour ce monstre, cet homme qui me manipule à sa guise. La robe sur le lit semble me narguer. Cette robe en soie noire, si délicate, si… féminine. Comme si je pouvais prétendre être une femme libre, comme si tout était encore sous mon contrôle.
Mais je sais bien que ce n’est pas le cas. Je n’ai aucun contrôle sur rien ici. Je suis une marionnette, et Sacha tire les ficelles.
Irina s’approche, et sans un mot, elle m’aide à m’habiller. Le tissu glisse sur ma peau, me caressant d’une manière que je n’arrive même pas à apprécier. Chaque mouvement est calculé, presque clinique. Elle attache la robe avec une précision glaciale, comme si elle était habituée à manipuler des objets sans âme. Mais moi, je suis un corps, une simple enveloppe vide. Je me sens comme un spectre, vide de tout ce qui me rendait humaine.
Je veux crier. Je veux fuir. Mais je sais que tout cela est futile. Alors, je me tais.
Irina termine le dernier ajustement de la robe, et je me sens encore plus étrangère dans ma propre peau. Elle me fixe un instant, puis ses yeux se posent sur la porte, et elle recule légèrement, me laissant seule avec mes pensées.
Et je suis là, dans cette chambre, me demandant où tout cela va me mener. Où est la fin de cette folie ? Et Sacha… Ce nom m’hante. Je ne sais pas si je vais pouvoir y échapper, mais j’ai bien l’intention de me battre, même si cela semble impossible.
La porte s’ouvre dans un bruit léger, presque indifférent, et Aleksandr entre dans la pièce avec une nonchalance qui dégage une aura presque insupportable. Il n’est même pas pressé de poser les gestes de son entrée. Il ajuste les boutons de sa chemise, chacun d’eux se fixant sur le tissu d’un cliquetis froid. Son regard glisse sur moi, me scrutant de haut en bas, comme si chaque détail était un puzzle qu’il s’efforçait de résoudre. Il prend son temps, un léger sourire se dessinant sur ses lèvres, un sourire qui, je le sais, cache bien plus de choses que je n’aimerais imaginer.
Un frisson d’inquiétude me traverse. Mon corps réagit bien avant mon esprit. Automatiquement, je fais un pas en arrière, une impulsion, une tentative futile de me préserver, de maintenir une distance, mais je sais que c’est inutile. Il le sait aussi. Il me connaît déjà trop bien pour ça. Il le perçoit dans le moindre de mes mouvements, chaque battement de mon cœur, chaque souffle.
— Je veux que tu te lisses les cheveux. Sa voix est calme, presque nonchalante, mais il y a une autorité derrière chaque mot. Il me regarde, un sourire insidieux flottant sur ses lèvres. Je t’ai dit de le faire.
Je le fixe un instant, cherchant dans mes pensées une manière de lui répondre, de lui faire comprendre que je ne suis pas une de ses petites poupées à manipuler à sa guise. Un instant, je me surprends à vouloir le provoquer davantage. J’ai l’impression que, de toute façon, tout ce que je fais est une illusion. Je suis prise au piège dans un filet invisible, tissée par ses propres mains.
Et la réponse fuse, acide, sans retenue.
— Je ne lisserai jamais mes cheveux pour toi. Jamais. Mes mots résonnent dans la pièce, perçant le silence lourd qui m’entoure. Je me dis que peut-être, juste peut-être, il y a une part de moi qui veut lui prouver qu’il ne m’atteindra pas, que je suis plus que ce qu’il croit.
Mais ses yeux se durcissent, une lueur différente scintille dans son regard. Ce n’est plus de l’indifférence. C’est quelque chose d’autre, quelque chose de dangereux.
Il s’avance d’un pas lent, mes mots ne l’atteignant pas. Chaque mouvement est précis, et je ne peux pas m’empêcher de me sentir petite sous son regard.
— Tu es vraiment en train de me défier, Milena ? Sa voix devient plus basse, plus froide, comme un serpent prêt à mordre.
Je suis sur le point de répliquer, mais avant que je puisse ouvrir la bouche, Irina, silencieuse jusque-là, croise mes yeux. Je vois dans son regard une imploration silencieuse, presque désespérée. Elle m’encourage, ou du moins, c’est l’impression que j’ai. Elle ne veut pas que je le contrarie davantage. Pas ici, pas maintenant.
Mais je suis déjà trop loin dans ma défiance. Je lève la tête, un rictus amer sur les lèvres.
— Qu’est-ce que tu vas faire ? Me forcer à te plaire ? J’essaie de garder une apparence de contrôle, mais je sais que ce n’est qu’une façade. J’ai l’impression que mes mots ne suffiront jamais à apaiser la tension qui m’étouffe.
Aleksandr me fixe un instant, un sourire qui frôle le mépris étirant ses lèvres. Il avance d’un autre pas, son regard s’intensifiant.
— Ne me tente pas. Tu n’as aucune idée de ce que je peux faire.
Il fait une pause, et je vois la froideur dans ses yeux.
— Mais peut-être que tu veux vraiment me pousser à bout. C’est ce que tu préfères, n’est-ce pas ? Il s’arrête juste devant moi, assez proche pour que je puisse sentir sa chaleur, mais pas encore assez pour qu’il me touche.
Je veux lui répliquer, mais un frisson me parcourt. Pourquoi est-ce qu’il a ce pouvoir sur moi, sur mes réactions ? Je me force à garder mon calme, mais c’est comme si chaque mot que je prononçais l’encourageait à me briser un peu plus.
Irina prend alors une lente inspiration et se rapproche de moi. Elle tend la brosse, presque timidement, comme si elle savait que je pourrais la repousser.
— Tu ferais mieux de l’écouter, Milena. Ce n’est pas un homme avec qui il faut jouer. Sa voix est douce, presque comme un avertissement.
Je la fixe un instant, sentant une vague de frustration me submerger. Je veux repousser cette brosse, leur montrer que je ne vais pas me laisser faire.
— Je n’ai pas peur de lui. Mais même en prononçant ces mots, je sais qu’ils ne sont pas vrais. La peur est là, tapie au fond de moi, et c’est exactement ce qu’il attend.
— Alors prouve-le, murmure Aleksandr, ses yeux ne me quittant pas, analysant chaque mouvement, chaque inflexion de ma voix. Il attend, me laissant une chance, mais je sens qu’il est déjà à deux doigts de m’effacer si je me montre encore plus rebelle.
Je fais un pas en arrière, mais Irina s’interpose entre nous. Elle insiste une fois de plus,
— Tu ferais mieux de l’écouter.
Je lui jette un regard désespéré, sentant la pression monter. Pourtant, je ne peux m’empêcher de m’arrêter un instant, son regard déterminé m’implorant silencieusement.
Un lourd silence s’installe, et je finis par céder, ma résistance se fissurant lentement.
— Très bien. Mon ton est à peine audible, mais c’est un abandon à contrecœur. Je vais les lisser.
Tout au long de la séance, mes yeux restent fixés sur le miroir, capturant le reflet d’Aleksandr qui ne me quitte pas du regard. Je ne peux pas détacher mes prunelles des siennes, observant dans l’angle du miroir la manière dont il se tient, son visage impassible, comme toujours. Je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi je suis ici, dans cette pièce, à me laisser faire. Pourquoi je me laisse préparer, comme une marionnette prête à être présentée sur scène. Chaque mouvement d’Irina me semble plus mécanique, plus étranger. Ses gestes sont d’une douceur presque inquiétante, chaque coup de brosse sur mes cheveux me laissant un goût amer.
Qu’est-ce que je fais ici ?
Mon esprit tourne en boucle alors qu’Irina me coiffe, me lissant les cheveux avec une application presque trop parfaite. Une partie de moi se demande si cela a encore un sens, si ça en a jamais eu un. Pourquoi suis-je censée sortir avec Aleksandr ce soir ? Il m’a kidnappée, m’a enfermée dans cette chambre, et maintenant il veut m’amener ailleurs. Où ? Pourquoi ? Est-ce que tout ça est un jeu pour lui ? Est-ce qu’il me fait ça pour me briser, ou bien est-ce qu’il me réserve un sort pire encore ? La pensée qu’il puisse me prostituer me traverse l’esprit, aussi brutale et déshumanisante que cela puisse être.
Je frissonne malgré moi, mais je ne laisse rien paraître. Le regard que j’échange avec lui dans le miroir reste froid, distant. Aucune émotion, aucun signe de faiblesse, bien que mon cœur batte plus vite, que ma respiration soit plus saccadée. Il m’observe, cette lueur dans ses yeux qui me transperce. Il doit savoir que je suis perdue dans mes pensées, mais il ne bouge pas. Il ne dit rien.
Mais, à mesure que les cheveux tombent sous les coups de brosse d’Irina, un autre sentiment me traverse. La révolte. Pourquoi devrais-je me soumettre à lui ? Qu’est-ce qu’il attend de moi, vraiment ? Ses intentions sont aussi opaques que ses regards. Je m’interroge. Peut-être qu’il veut me briser, me soumettre totalement. Ou peut-être qu’il cherche quelque chose d’autre. De plus tordu. Un autre genre de domination, un autre genre de pouvoir. Le fait de me voir prête à sortir avec lui pourrait-il être le moyen pour lui d’affirmer une victoire sur moi, de m’humilier encore plus ?
Irina termine, et je me rends compte qu’aucune de mes pensées n’a trouvé de réponse. Je reste là, figée, fixant le miroir sans vraiment y être. Je suis à la fois présente et distante. Qu’est-ce qu’il attend de cette soirée ? Va-t-il me montrer ce qu’il veut vraiment, ou tout cela n’est-il qu’une étape de plus pour assouvir un pouvoir qu’il ne veut partager avec personne ?
Tout semble flou, mais la question reste la même : pourquoi moi ?
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