Chapitre 9
Milena
Mon cœur tambourine dans ma poitrine alors que je fixe l’homme devant moi, mes mains tremblant légèrement, malgré mes efforts pour les garder immobiles. Il vient de prononcer les mots qui me foudroient sur place, un coup de tonnerre dans ma tête, une vague de déni qui se heurte violemment contre la réalité. « Elle sera mon épouse. »
Je veux protester, hurler, fuir, mais rien ne sort. Mon corps, mon esprit sont paralysés par l’ampleur de l’annonce. J’avais pensé que j’avais tout vu, tout ressenti, que la peur était ma seule compagne dans ce piège infernal. Mais là, tout change. Il vient de me réduire à un rôle que je n’ai jamais choisi. Une position qui me brûle, qui me consume de l’intérieur.
Les applaudissements autour de la table résonnent comme un écho lointain, un bruit sourd qui s’impose à mes oreilles alors que je reste là, immobile. Je ne peux même pas tourner la tête pour les affronter. Tout ce que je ressens, c’est l’étau de la situation qui se resserre autour de moi. Je n’ai plus aucune place pour respirer, aucune échappatoire. La pièce semble se rétrécir, les murs se rapprocher, et moi, je reste là, figée, avec la sensation que tout ce que je croyais savoir sur ce monde est en train de s’effondrer sous mes pieds.
Je n’ose pas regarder Aleksandr. Je sais que ses yeux sont braqués sur moi, mais je n’arrive pas à lui faire face. Mes pensées se bousculent dans ma tête, comme un tourbillon incontrôlable. Comment ai-je pu en arriver là ? Qu’est-ce que je fais ici ? Et pourquoi moi ?
Tout ce que j’avais tenté de me convaincre d’accepter, tout ce que j’avais essayé d’effacer, fait place à une seule pensée : j’ai échoué. Il n’y a pas de retour en arrière. La douleur du moment se fait plus vive, plus présente à chaque seconde qui passe. Mais ce qui me glace, ce n’est pas seulement la peur de ce qu’il vient de dire. C’est ce qu’il est. Lui. Ce monstre sans âme, sans émotion, qui m’a choisi, qui a décidé de me soumettre à sa volonté. Et je sais qu’il ne fait pas cela pour une simple question de pouvoir ou de contrôle. Il aime cela. Il aime me briser, me rendre insignifiante dans son monde.
Je ferme les yeux un instant, non pas pour fuir, mais pour rassembler ce qu’il me reste de lucidité. Quand je les ouvre à nouveau, je vois ses yeux sur moi. Un regard lourd de sens, lourd de contrôle. Il ne sourit pas, il n’a aucune réaction apparente. C’est pire que tout. Il n’a pas besoin de montrer sa supériorité, il la vit, il la fait vivre. Et il sait que je n’ai pas d’issue.
Tout autour de moi, ils applaudissent encore. Des félicitations, des saluts, des gestes de soumission. Mais je n’y prête aucune attention. Je suis trop absorbée par ce qu’il m’a dit, par le sentiment de ne plus être qu’un simple objet. Il m’a choisie, il m’a fait sienne, et il m’a réduite à cette position. Je suis son épouse ? Cela n’a aucun sens. Comment pourrais-je le devenir ? Une femme, une personne, réduite à ce rôle pour servir son empire. Mais je sais au fond de moi que tout cela ne fait que commencer. C’est lui qui décide.
Alors, je garde le silence. Je serre les dents. Il veut me voir réagir, je le sais. Mais je ne le ferai pas. Pas maintenant. Je suis toujours en vie, et tant que je le suis, je n’ai pas fini de me battre. Mais ce combat n’est plus contre lui, il est contre ce qu’il veut que je devienne.
Je restais là, figée, mes pensées encore enroulées autour de l’incident. Tout dans la pièce semblait avoir changé, l’air plus lourd, les regards plus acérés. La scène se déroulait en slow motion dans ma tête. Je n’arrivais pas à détacher mes yeux d’Aleksandr, malgré la terreur que j’avais ressentie quelques instants auparavant. Son regard était froid, implacable, sans la moindre trace de compassion. Il me fixait, comme un prédateur observant sa proie, et, de toute évidence, il attendait quelque chose de moi. Peut-être une réaction. Peut-être qu’il se délectait de ma peur.
J’étais encore secouée par ce qui venait de se passer, par la menace qui avait flotté dans l’air, par ce couteau sous la gorge de Kiril et cette tension qui avait paralysé la pièce. Je savais que j’avais été témoin d’une scène qui marquerait ma vie, mais je n’avais pas le temps de réfléchir plus longtemps. Tout était devenu confus, flou, comme si mon esprit se battait pour évacuer ce qui venait de se produire.
Soudain, une présence m’effleura. Je tournai doucement la tête pour voir Aleksandr tendant la main vers moi. Son regard était toujours aussi impénétrable, ne laissant rien transparaître de ses pensées. Il n’y avait aucune émotion. Juste un vide glacial. C’était comme s’il attendait que je réagisse, mais je n’étais plus sûre de ce que je devais faire. Et pourtant, mes jambes me portaient vers lui. Il savait que je n’avais pas d’autre choix que de m’approcher. Mais je n’avais pas envie de le toucher, de le laisser m’approcher.
Je restais là, hésitante, avant que son regard ne se fasse plus insistant, comme une pression invisible qui me forçait à réagir. Une tension indescriptible s’installa dans l’air. Il savait ce qu’il faisait. L’instant était suspendu. Il attendait, et quelque chose dans son regard me fit sursauter quand j’attrapai enfin sa main, la froideur de sa peau me traversant comme un choc. Cette froideur, presque inhumaine, me fit vaciller, et je sentis un frisson me parcourir, un frisson qui m’ébranla plus que je n’aurais voulu l’admettre.
Un léger sourire amusé se dessina sur ses lèvres, mais il n’y avait aucune chaleur dans ses yeux. Il ne me quittait pas du regard, ses yeux comme des lames de rasoir, analysant chaque mouvement, chaque respiration. Il ne bougeait pas, mais il me dominait, me gardait dans cette prise psychologique. Doucement, il tira ma main, m’incitant à m’asseoir sur lui. Le contact de sa peau sur la mienne, l’autorité dans son geste, me fit un froid dans le ventre. Une partie de moi voulait résister, mais la partie la plus faible, la plus vulnérable, savait que résister n’était pas une option.
Je tentai de me raidir, de ne pas céder, mais il ne me laissa aucune chance. D’un seul geste, d’une agilité presque déconcertante, il passa son bras autour de ma taille et, en une seconde, m’attira sur ses genoux. Un cri silencieux naquit dans ma gorge, et mes muscles se tendirent malgré moi. La sensation de ses bras autour de moi, l’étreinte imposée, me fit l’effet d’un choc brutal, comme une gifle à ma dignité. Tout mon corps se raidit. Il était là, contre moi, m’empêchant de m’échapper, et une partie de moi était terrifiée par la proximité de cet homme si puissant.
J’avais la sensation de me perdre dans l’étreinte de cet homme. Un mélange d’effroi et... d’attirance. Je détestais cette sensation, je la rejetais, mais elle s’imposait à moi. Pourquoi cet homme, cet Aleksandr, avait-il un tel pouvoir sur moi, même dans les pires moments de terreur ? Je ne le savais pas, mais je savais que je ne pouvais rien y faire. J’étais coincée. Il avait le contrôle total. Et cette pensée, bien que détestée, me paralysait.
Les portes s’ouvrirent brusquement au même moment ou Invincible de Saysh commence, interrompant mes pensées. Plusieurs femmes entrèrent dans la pièce, se faufilant avec des regards audacieux et des gestes sensuels. Elles étaient vêtues de tenues provocantes, des robes transparentes, des bas résille, des talons aiguilles. L’air se chargea d’une énergie nouvelle, une lourdeur érotique. Le contraste entre la violence et cette sensualité m’étouffait, mais je n’avais plus de choix. Aleksandr semblait totalement indifférent à la scène qui se déroulait sous ses yeux, un sourire imperceptible jouant sur ses lèvres.
Les filles se mirent à danser autour de nous, leurs mouvements fluides et provocants, mais je ne pouvais pas détacher mon regard d’Aleksandr. Il n’avait même pas besoin de dire un mot pour que l’espace autour de nous devienne une scène d’ambiguïté totale. La tension était palpable, la promesse d’un soir sombre, incertain. Les drogues commencèrent à circuler parmi les danseuses, accompagnées de liasse de billets, mais rien de tout cela n’attirait mon attention. Ce n’était pas la fête, ni le spectacle. C’était un préambule à quelque chose de bien plus sombre.
Et moi, je restais là, coincée sur ses genoux, mon esprit divisé entre la peur et quelque chose de plus insidieux que je n’arrivais pas à comprendre.
Je ne peux pas bouger. Chaque mouvement semble être une trahison de mon propre corps. Il est là, si près de moi, et je sais que mes mains tremblent légèrement. J’essaie de les garder immobiles, d’enlever cette faiblesse qui me trahit. Pourtant, le contact de la lame de son couteau contre ma cuisse me fait frissonner. Un frisson désagréable, celui de la peur.
Mais je n’oserais jamais lui donner la satisfaction de lui montrer que j’ai peur. Je garde les yeux baissés, mes lèvres serrées, mes pensées se bousculent. La pièce est chargée d’une tension presque palpable, une tension dont je suis au cœur, coincée entre ce monstre et l’emprise qu’il a sur moi.
Alek regarde la scène devant nous, comme s’il ne se préoccupait même pas de ce qui se passait ici. Il est ailleurs, ou peut-être qu’il est tout simplement trop habitué à ce genre de situation pour y prêter attention. Je sens la pointe de son couteau glisser doucement sur ma peau, traçant des lignes invisibles, comme une promesse. Une promesse que je n’ai pas envie de comprendre.
— Alors, comment te sens-tu maintenant, Katerina ? Tu as vu comment tout le monde a réagi. Comment tu te sens face à ça, face à l’annonce que tu es désormais... la mienne ?
Je le fixe un instant, avant de détourner le regard. Il me pousse à répondre, mais j’ai du mal à trouver mes mots. Je pourrais lui dire exactement ce que je pense, mais... je sais qu’une telle réponse ne ferait que me causer des ennuis. Je sens une montée de colère dans ma poitrine, mais je ne la laisse pas ressortir. Pas maintenant.
Je respire profondément et essaie de calmer mes nerfs. Mais comment je me sens ? J’ai l’impression d’être une étrangère dans ma propre peau, une prisonnière enfermée dans son propre corps. Ce n’est pas de l’amour, ce n’est pas du respect… juste de la peur. Une peur sourde qui me ronge chaque instant. Mais ça, je ne peux pas lui dire.
(avec un sarcasme déguisé)
— Alors, c’est ça, ton idée d’une ‘épouse’ ? Un contrat ? Un trophée ?
Je parle avec mépris, une arme que j’ai encore. Mais je sais au fond que ça ne changera rien. Il ne me verra jamais comme autre chose qu’un objet. Un objet de plus dans son empire. Un petit jouet qu’il peut manipuler à sa guise.
Alek se contente de m’observer avec son regard glacial. Il n’a même pas l’air d’être dérangé par mes mots. Au contraire, il semble calculer quelque chose, comme s’il attendait juste que je m’effondre sous sa pression. Mais je tiens bon. Je le regarde sans ciller, refusant de lui donner ce qu’il veut : ma soumission. Même si je sais que c’est déjà trop tard.
— Un trophée ? Non, Milena. Ce n’est pas un trophée. C’est plus que cela. une pause, il continue, son ton devenant plus glacé. Tu es là parce que c’est ce que j’ai décidé. Ce n’est pas une question de respect. Et si tu penses qu’il s’agit d’un contrat... c’est juste que tu n’as pas encore compris ce qui se passe ici.
Je frissonne légèrement à ses paroles. La chaleur de son corps contre le mien me brûle. Je me force à rester calme. Sa main effleure ma cuisse, encore. Cette fois, la pression est plus forte. J’ai envie de bouger, mais je reste figée, luttant pour garder le contrôle. Tout en moi veut me dégager de cette situation, mais une petite voix dans ma tête me dit que si je fais le moindre mouvement, tout pourrait basculer.
— Je suppose que je dois m’incliner alors, n’est-ce pas ?Je me redresse légèrement, défiant son regard
— Tu veux que je sois ta poupée, c’est ça ? La jolie petite chose qui te suit partout, qui te sourit et te fait des courbettes ?
Je pose mes mots avec un calme glacé, mais je sais que ma question cache plus que de la simple provocation. Je suis en train de me vendre, d’accepter ce que j’ai toujours détesté. Mais une part de moi veut le pousser à bout, le tester. Le défier. Je veux voir jusqu’où il ira pour me briser.
Alek ne réagit pas immédiatement. Il se contente de m’observer, impassible. Son regard est comme une lame, tranchant et implacable. Il se penche légèrement en avant, mais ne répond pas tout de suite. Il n’a pas besoin de mots. Je sais déjà qu’il m’a prise au piège, et que la fuite n’est pas une option.
— Je ne veux rien d’autre que ta soumission, Milena. Tu t’inclineras, mais ce n’est pas pour me plaire, c’est pour ta survie. son ton devient plus tranchant, presque menaçant. Parce que tout ce que tu fais, tout ce que tu dis, ça a des conséquences. Et crois-moi, tu n’as aucune idée de ce que ça signifie, encore.
Ses mots me frappent comme un coup de poing dans le ventre. J’ai envie de pleurer, mais je ne le ferai pas. Je refuse de lui donner cette satisfaction.
Je veux lui répondre, lui dire qu’il peut m’atteindre, mais que je n’ai pas l’intention de le laisser contrôler ma vie. Mais ses yeux sur moi m’arrêtent. Il me glace jusqu’aux os.
— Je suis sûre que tu me feras une bonne leçon de tout ça. Mais je ne vais pas m’incliner devant toi. Pas maintenant, pas jamais.
Je relève les yeux vers lui, une flamme d’orgueil brûlant dans mon regard. Il peut essayer de me briser, mais je ne lui accorderai pas la satisfaction d’un simple geste de soumission. Pas tant que je respire.
Alek ne dit rien. Il reste là, implacable, froid, comme une silhouette de marbre. Mais je sais au fond de moi que tout ça, cette lutte, cette résistance... cela ne le dérange pas. Au contraire, il aime ça. Il aime le contrôle. Et ça, plus que tout, je l’ai compris.
Je me sentais complètement désemparée, presque comme une poupée de chiffon dans ses mains. Il n’y avait aucune chaleur dans son regard, rien qui m’indiquait que je pouvais espérer quoi que ce soit de ce qu’il venait de dire. Ses mots m’avaient frappée de plein fouet, me laissant sans voix, mais je me forçais à garder une certaine contenance, à ne pas montrer ma terreur.
- Je l’ai choisi au hasard.
Sa voix résonnait froidement dans la pièce, comme si ce qu’il venait de dire n’avait aucune importance.
- Tu n’es qu’un pion, Milena. Tu crois vraiment que je me suis cassé la tête pour te donner un nom spécial ? Non, tu n’es rien. Un simple choix parmi tant d’autres. Un choix parmi la multitude de femmes que je pourrais avoir.
J’eus un instant de vertige, comme si le sol s’effondrait sous mes pieds. Je voulais répondre, mais quoi dire ? Tout ce que je croyais savoir sur ce monde venait de se détruire sous mes yeux. Je n’étais rien de plus qu’une possession, une marchandise qu’il pouvait jeter ou échanger comme il le souhaitait.
Je le regardais, son regard perçant me transperçant. Il n’y avait aucune émotion dans ses yeux, aucun signe d’humanité. Tout ce que j’étais ne signifiait rien pour lui, rien du tout. Il n’était pas comme les autres.
- Tu ne penses vraiment pas que ce nom a un sens pour moi, n’est-ce pas ?
Il soupira, un souffle désintéressé.
- Tu n’es qu’un élément parmi d’autres. Tu veux vraiment croire qu’on vivra une vie de couple ? Que tu seras l’amour de ma vie, que je viendrai te voir sous la lune et qu’on vivra heureux ?
Il s’étonna presque lui-même en levant les yeux, comme s’il venait de dire la chose la plus absurde.
- Non, Milena, tu ne verras jamais un tel bonheur ici. La seule chose que tu verras, c’est la mort qui nous attend tous. Parce que c’est ça la vérité. La mort. Elle rôde partout autour de nous. Alors ne me fais pas croire que tu espères quoique ce soit de plus de ma part.
Je serrais les poings en silence, mes pensées en tourments. Ce qu’il venait de dire me percutait comme un mur de béton. Il n’y avait pas de place pour l’amour. Pas de place pour la tendresse. Pas de place pour moi, tout simplement.
Je n’avais pas d’autre choix que de lui poser la question qui me brûlait les lèvres. Je devais savoir.
- Pourquoi moi, alors ? Pourquoi est-ce que c’est moi et pas une autre ? Si c’est juste pour donner une illusion à tout le monde, pourquoi m’as-tu choisie, moi ?
Il se tourna lentement vers moi, ses yeux froids ne me quittant pas. Il y avait une lueur de dédain dans son regard.
- Parce que je peux. Il haussait les épaules, comme si c’était une évidence. Je suis un chef, Milena. J’ai ce que je veux. Et ce que je veux, c’est toi. Mais ne crois pas que tu comptes pour quelque chose. Je n’ai de comptes à rendre à personne. Je te contrôle, je te possède. Point final.
Un coup de poignard dans le cœur. C’était si simple pour lui. Il ne m’avait pas choisie pour une quelconque beauté intérieure. Il ne m’avait pas choisie pour mon esprit. Je n’étais qu’un outil, une forme de possession, une chose qu’il pouvait manipuler à sa guise.
Il s’approcha de moi, sans une once de douceur, sans une once de compassion.
Il planta son regard dans le mien, aussi glacé que le métal.
- Tu es à moi, et tu n’es rien de plus.
J’étais paralysée par ses paroles. L’angoisse me serrait la gorge, mais je restais droite, silencieuse, mes pensées noyées dans la brume de ce qu’il venait de me dire. C’était la réalité. La dureté du monde dans lequel je m’étais retrouvée. Mais une petite voix, au fond de moi, me disait que je ne pouvais pas baisser les bras.
Je n’arrivais pas à m’arrêter de boire. Un verre après l’autre, je les enchaînais, le liquide glissant dans ma gorge comme un poison qu’il me fallait avaler pour oublier, pour ne plus sentir cette angoisse, ce sentiment de perte. Chaque gorgée me permettait de m’évader un peu plus de cette réalité que j’étais en train de perdre pied avec. La soirée s’étendait devant moi, une succession de moments flous où les rires et les conversations m’étaient de plus en plus étrangers. Tout était devenu un brouillard d’alcool et de douleur.
La douleur… De plus en plus, c’était tout ce que j’avais. Ce vide qui s’installait en moi, grandissant à chaque verre que je buvais, me rappelait qu’aucune issue ne s’offrait à moi. Je me sentais piégée, encerclée, enfermée dans cette cage dorée qu’il m’avait construite. Et la plus grande rage que je ressentais, c’était de ne pas pouvoir me libérer. Je me le jurais, pourtant, au fond de moi, je savais que je finirais par le tuer. Peu importe comment, peu importe ce qu’il fallait faire, je ne le laisserais pas me voler ma vie. Pas comme ça. Pas alors que tout ce que je voulais, c’était m’échapper. Il m’avait volé ma liberté, il m’avait pris tout ce que j’avais de plus cher : moi-même. Mais il ne pouvait pas me voler ma volonté. Et je finirai par lui faire payer.
J’ai perdu la notion du temps. Quand je suis enfin rentrée dans la chambre, c’était avec l’aide de plusieurs gardes, qui m’avaient guidée, me soutenant, mais j’étais bien trop ivre pour m’en rendre compte. Il n’était même pas là. Il avait passé la fin de sa soirée avec une pute, comme toujours. Ce n’était pas nouveau. Mais ça m’arrachait le cœur de savoir que je n’étais rien pour lui, juste un outil, une marionnette. La porte se referma derrière moi, et je m’effondrai sur le lit, l’esprit encore envahi par tout ce que j’avais ressenti.
Comment ai-je pu en arriver là ?
Les pensées tournaient en boucle dans ma tête.
Pourquoi lui ? Pourquoi moi ?
Il m’avait tout pris. Et moi, j’étais là, dans cette chambre, à boire pour ne pas m’effondrer complètement, à chercher une échappatoire. Mais je savais qu’il n’y en avait pas. Il avait contrôlé chaque aspect de ma vie, il m’avait enfermée dans cette cage et il m’avait fait croire que je n’avais plus de choix. Et tout ce qu’il avait fait, c’était m’utiliser. Je n’étais rien pour lui. Il ne m’aimera jamais. Il m’avait dit que nous ne serions jamais heureux. Et je savais qu’il avait raison.
Je riais, un rire nerveux qui m’échappa malgré moi.
Quelle conne je fais.
Mais il fallait bien que je garde ma dignité, même si elle ne me servait à rien dans ce monde où il me manipulait comme il voulait.
Un jour, je le tuerai, tu verras.
Une promesse à moi-même. Une promesse que je n’allais pas oublier. Mais, pour l’instant, je n’étais qu’une silhouette solitaire dans cette pièce. Et ce n’était pas encore assez pour m’échapper.
Je titubais légèrement en essayant d’ôter cette robe. Elle était trop serrée, trop contraignante, et je me sentais comme une poupée de chiffon, incapable de m’en débarrasser, tout comme je n’arrivais pas à me débarrasser de lui, de sa présence dans ma vie. La soie glissait sur ma peau, mais je la sentais comme un poids supplémentaire, un poids qu’il m’avait imposé. Je pouvais à peine faire un mouvement sans sentir la chaleur de la pièce m’envahir, sans entendre mes pensées de plus en plus chaotiques. L’alcool n’aidait en rien, mais c’était tout ce que j’avais.
Je dévisageai l’écran de la caméra. Il me regarde probablement. Toujours. Je riais amèrement, les yeux flous, enlevant finalement la robe avec des gestes désordonnés.
— Alors, tu m’observes ? Tu m’as fait ça, toi. Tu m’as réduite à ça. Je posais mes mains sur ma taille, comme pour me tenir debout. Tu sais, j’ai l’impression d’être un jouet entre tes mains. Une merde que tu manipules quand ça t’arrange. Une merde que tu veux, mais tu ne veux pas vraiment. Je m’approchais un peu plus de la caméra, les lèvres tremblantes, mais avec une lueur de défi dans le regard. Tu m’as prise, tu m’as marquée, et tu te dis sûrement que je vais finir par me soumettre. Tu te trompes.
Je titubais encore, me retenant à la commode pour éviter de tomber. Puis je m’arrêtai brusquement, levant les bras en l’air comme pour l’interroger.
— Pourquoi moi ? Qu’est-ce que tu veux, vraiment, de moi ? Tu ne m’aimes pas. Tu ne m’aimeras jamais. Alors pourquoi tu me maintiens ici, prisonnière de ton petit royaume ? Mon corps vacillait, mais je continuais, parlant plus fort, comme si je voulais que sa présence se fasse entendre à travers la caméra. Tu sais quoi ? Peut-être que je ne serai jamais assez bien pour toi. Pas assez belle, pas assez parfaite. Mais tu veux me briser, tu veux m’asservir, n’est-ce pas ? C’est ça, ton jeu ?
Je fermais les yeux un instant, la tête me tournant. Mais l’alcool, bien que m’emplissant de cette sensation d’étourdissement, faisait écho à cette rage qui ne cessait de grandir en moi. La voix que j’entendais dans ma tête se faisait plus insistante, plus acide. Tu ne m’as jamais respectée. Je suis juste une autre femme pour toi. Juste une marchandise. C’est tout ce que je suis pour toi.
Je rouvris les yeux, un sourire amer s’étendant sur mes lèvres. Je fixais la caméra, puis, d’un ton presque amusé, je dis :
— Tu veux que je sois ta femme ? Une épouse ? Une possession ? Tu veux que je me taise et que je sois là, simplement là, à te servir ? Mais je vais te détruire. Un jour, tu me regarderas dans les yeux et tu sauras que je suis la fin de ton empire. Je riais de nouveau, un éclat de folie dans le regard. Tu penses que je suis faible, hein ? Que je suis une idiote. Tu sais quoi, Alek ? T’as tout faux. T’es qu’un homme avec des muscles et des menaces. Mais moi, j’ai une putain de volonté. Et je te jure que tu regretteras de m’avoir fait ça.
Je soupirais, essoufflée par la rage et l’alcool qui se mélangeaient en moi. La robe était enfin tombée au sol, et je me retrouvais là, à le défier, même si je savais que ça ne changerait rien. Mais ça m’était égal. À cet instant précis, je n’avais plus rien à perdre.
— Tu sais, Alek... Tu es qu’un monstre qui vit dans sa cage dorée. Mais t’as oublié une chose. Ce que tu veux me faire, tu peux le faire à n’importe quelle autre femme, mais pas à moi. Parce que je vais finir par te détruire. Tu peux attendre tout ce que tu veux, ça finira mal pour toi. Et un jour, tu te souviendras de cette nuit.
Je laissai échapper un rire amer, en essayant de garder un semblant de contrôle sur moi-même. Mais au fond, je savais que ce combat n’était pas encore terminé.
Je finis par m’effondrer au sol, la tête baissée, le corps tremblant, mes mains posées sur mes genoux, encore secouées par ce rire que j’avais laissé s’échapper, mais qui se transforma bien vite en un sanglot désespéré. L’alcool ne m’aidait plus, il ne faisait qu’amplifier la sensation de vide que j’avais en moi. J’étais là, assise sur ce sol froid, comme une ombre déchirée. Le sol était rugueux, tout comme la réalité dans laquelle je m’étais retrouvée.
Je pleurais, sans pouvoir m’arrêter, mes larmes s’échappant malgré moi. J’avais ri, j’avais crié, mais au fond, tout ce que j’avais, c’était cette rage. Cette rage qui se transformait en douleur, en frustration. Pourquoi je suis encore là ? Pourquoi je continue à me battre contre ça ? Mais la réponse, je la connaissais déjà. Parce qu’il m’avait prise. Parce qu’il me tenait, qu’il me détruisait doucement et sûrement. Parce que j’étais sa prisonnière, et que rien ne m’échappait.
Tout ça me pesait. L’idée que ma vie était entre ses mains me rongeait plus que n’importe quoi d’autre. Je n’étais pas heureuse. Je n’avais jamais été heureuse, et pourtant, ce fardeau, ce poids que je portais, il était plus lourd que tout.
J’avais tellement cru qu’un jour, je pourrais m’échapper de cette souffrance, de ce piège... Mais plus le temps passait, plus je me sentais piégée, plus je comprenais que ma liberté se faisait de plus en plus lointaine.
Les larmes continuaient de couler, mais je n’étais plus qu’une silhouette brisée, assise sur ce sol comme si la terre voulait me manger, m’engloutir. Je n’avais plus de réponses à mes questions. Tout ce qui me restait, c’était cette douleur immense, ce sentiment de ne jamais pouvoir fuir.
Et même si la rage bouillonnait encore en moi, cette vérité m’assommait : je finirais bien par craquer. Parce qu’il me tenait, il me contrôlait, et je n’étais rien dans ce monde. Rien d’autre qu’une conquête pour un homme qui ne savait même pas ce que c’était que de me voir autrement que comme un objet.
Je laissai échapper un dernier soupir de frustration, avant de me replier sur moi-même, les yeux fermés, tentant de chasser les pensées qui m’assaillaient. Mais elles revenaient. Toujours.
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