Chapitre 14

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— Ne m'attends pas, j'ai quelque chose à faire, dis-je à Nino à la fin du cours lors de la pause déjeuner.

Ignorant son regard perplexe, je suis presque obligée de courir pour rattraper Shun qui s'éloigne déjà à grands pas. 

— Hé attends ! 

C'est à peine s'il ralentit et ce n'est qu'une fois qu'il s'engage à l'extérieur que je le rattrape. 

— Qu'est-ce que tu me veux ?

Il daigne à peine me jeter un coup d'œil. 

— Du calme, on est dans la même promo, je n'ai pas le droit de vouloir faire connaissance ?

— Je ne suis pas intéressé, va draguer quelqu'un d'autre.

Je me fige sur place, bouche bée. C'est génétique ce sens du culot ou quoi. Je me réavance de nouveau à sa hauteur.

— Oh arrête, qu'est-ce qu'ils ont tous les mecs ici à se croire irrésistibles ?

— Qu'est-ce que tu veux alors ? crache-t-il, en se tournant vers moi cette fois.

— Rien juste te parler, c'est interdit ? je demande en levant les mains devant moi en signe de paix. 

Je perçois de l'agacement dans sa voix lorsqu'il me répond :

— Et bien sache que ce n'est pas réciproque. Je te suggère simplement de faire comme si je n'existais pas et de me laisser tranquille. 

Je lève les yeux au ciel face à temps d'irascibilité. 

— Tu es comme ton frère au final, il n'y en a pas un pour rattraper l'autre !

Une étincelle dangereuse passe dans son regard alors qu'il se rapproche de moi dans une fureur noire.

— Ne me compare plus jamais à lui c'est clair ? Ça fait bien longtemps que je ne le considère plus comme mon frère. C'est donc ça ? Tu es venue me torturer en me parlant de lui ? Tu es qui exactement, sa nouvelle conquête du moment ?

Je fronce les sourcils alors que mon esprit élabore déjà mille théories. C'est donc bien son frère mais que s'est-il passé pour qu'il le rejette comme ça ? Et pourquoi ne vit-il pas avec Sophie et Eyden ?

— Heu, non... En fait j'habite avec lui et Sophie pour mes années de fac comme c'est une amie de ma mère. Mais on ne s'entend pas vraiment. Avec Eyden je veux dire. 

Je me donne des baffes mentales en m'entendant bafouiller comme une idiote. Cette fois, il me détaille de haut en bas et son regard se fait intense lorsqu'il me dit droit dans les yeux :

— Je vais te donner un conseil pour ton propre bien : ne t'approche pas de lui. Evite-le, ignore-le, fais ce que tu veux mais ne sympathise pas avec lui. Tu finiras forcément par être blessé. Il peut essayer de retenir sa nature violente autant qu'il le voudra, elle finira toujours par ressortir c'est plus fort que lui. 

Juste comme j'allais lui demander des précisions, je vois le principal concerné avancé vers nous à grands pas.

— C'est noté, merci Shun.

Je lui adresse un dernier sourire bien trop crispé pour paraître naturel avant de tourner les talons pour m'enfuir le plus vite possible d'un pas raide. Je tourne à la première intersection qui se présente à moi.

— Hana, arrête-toi putain !

Je baisse la tête pour éviter les regards curieux alors qu'Eyden me rattrape déjà. Je fusille du regard ses grandes jambes sans relever la tête vers lui.

— Hana...souffle-t-il finalement d'un air presque abattu. 

Je tique en entendant ce ton peu habituel chez lui.

— Viens allons parler ailleurs.

Je me redresse cette fois pour le défier en face.

— Ah parce que maintenant tu veux bien parler ? Tu ne peux pas juste alterner chaud et froid quand bon te plaît Eyden. Est-ce que tu penses une seule seconde à ce que je peux ressentir de mon côté ?

Il se passe la main dans les cheveux, dégageant son front des longues mèches qui y tombent d'habitude. Je le contemple un instant. Ça éclaire son visage, le rendant tout de suite plus sympathique et abordable. 

— Mais je ne fais que ça justement. Allez viens s'il te plait.

Je hoche la tête pour lui montrer que je le suis et il nous entraine à la boulangerie d'en face. Après avoir commandé deux paninis au curry, il m'entraine à une table au fond. Un silence s'installe pendant que nous mangeons et nous ne faisons que nous fixer sans parler. Ce n'est qu'une fois notre repas terminé qu'il ne se lance après s'être éclairci la gorge. 

— Alors, je suppose que tu as des questions.

Prise d'une soudaine gêne, j'ai le réflexe de me tordre les doigts et de me mordre la lèvre.

— Est-ce que tu regrettes ?

— Tu parles du baiser ? Non, bien sûr que non Hana. Mais ce n'était rien. Ça ne signifiait rien. 

—  C'est donc ce que tu penses. Ce n'était peut-être rien pour toi mais moi j'ai beaucoup aimé. J'y repense souvent.

J'ai presque chuchoté mais je sais qu'il m'a quand même entendue.

—  Sérieusement Hana ? Tu ne vas pas faire toute une histoire pour un baiser, si ? C'était sympa, ok, mais ça s'arrête là.

Je me lève lentement et saisis mon sac d'une main tremblante.

—  Ce n'était peut-être rien pour toi mais pour moi si. Je n'aurais pas dû donner mon premier baiser à un mec comme toi. Je me sens vraiment nulle.

Je pars sans attendre sa réponse. S'il répond. 

Je me maudis pour la faiblesse de mes paroles. Je déteste quand les gens arrivent à me faire me sentir minable comme ça. Mais qu'est-ce que j'espérais moi encore ? A croire que je n'apprends jamais de mes erreurs. Pourtant, quelque chose s'est bien brisé en moi à l'instant. Moi qui pensais que je l'intriguais tout autant qu'il m'attirait. J'étais persuadée que nous étions sur la même longueur d'onde mais là encore, je me suis trop emballée. Je me suis fait des illusions, sûrement à cause de mon manque d'amour.

Je me traine en cours toute la journée et pour une fois, ma vision du monde est en accord avec mon humeur. Je n'arrive même pas à m'empêcher de penser à ce que m'a dit Shun alors que je sais que je devrais suivre ses conseils. Nino essaie bien de me poser des questions sur mon comportement mais je me contente de hausser les épaules.

Finalement, cette interminable journée se termine et mon ami me redépose chez moi. Je cours me faufiler jusqu'à ma chambre pour m'affaler sur mon lit. Je dois m'être endormie quelques heures car quand je me réveille, il est déjà vingt et une heures et une soupe encore fumante m'attend sur mon bureau, accompagnée d'un mot écrit d'une écriture devenue familière.

Fais-moi plaisir d'au moins manger ça s'il te plait. Cette habitude de sauter des repas n'est vraiment pas bonne. 

PS : Moi aussi j'y repense beaucoup.

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