Chapitre 1  Une nouvelle chance

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 Mes yeux s’ouvrirent sur l’obscurité, mon nez percevait une odeur d’humidité et de moisissure. Ma main me brûlait et mon corps endolori. Je sentais sous moi un mélange de terre et de roches. N’étais-je pas morte ? S’agissait-il des portes du labyrinthe infernal ? Je me relevais, les alentours me parurent moins flous au fur et à mesure que ma vision s’adaptait. Soudain, mon corps se figea, oubliant même de respirer.

 Il ne s’agissait pas du Diyu.

 Face à moi, se trouvait assis en tailleur, sur la roche plate, un corps décharné nageant dans ce qui lui restait de vêtements. L’aura qui se dégageait de la dépouille momifiée demeurait d’une grande puissance. Cet homme avait été sans conteste un expert de son vivant, son niveau de culture protégeait sa chair du pourrissement depuis des centaines d’années, peut-être davantage encore.

 Ce n’était pas la vue d’un cadavre qui me troublait. Depuis longtemps déjà j’en avais vu beaucoup, trop peut-être. C’était ce cadavre. Je l’avais déjà vu, alors que je n’étais qu’une enfant ! Poussée par mes cousins, j’avais bravé les dangers de la forêt et finie perdue. Errant apeurée avant de poser le pied sur le tapis de feuilles mortes j’avais chu depuis le plafond d’une grotte. Reprenant mes esprits, c’était là qu’une lueur venue du cadavre m’avait causé une cuisante brûlure.

 Un coup d’œil au-dessus de moi, je découvris la découpe lumineuse dans la roche responsable de mes futurs bleus. Aussitôt, je regardais le dos de ma main droite, cette dernière était minuscule ! La brûlure était là, dessinant une pagode et une branche de cerisier en fleur. La stupeur me figea un moment, ma respiration s’emballa, ma tête tournait.

 Étais-je revenue dans le passé ?

 Il me fallait en avoir le cœur net, avec précipitation je fouillai ma ceinture cherchant la petite bourse brodée par ma mère. Mes doigts se refermèrent dessus puis je la détaillais avec fascination. Le tissus bleu azur fané par le soleil, la broderie élimée d’un phénix blanc. Pareille à ce qu’elle était alors que je n’avais que onze ans. Un flot d’émotions déferla en moi.

 Le destin me redonnait une chance !

 J’étais bel et bien revenue en arrière et, je possédais toujours ce trésor. L’occasion de recommencer et de changer mon avenir. De prendre ma revanche sur tous ceux m’ayant fait souffrir ainsi que ma famille. Mes souvenirs et cet atout, si je les utilisais avec justesse je pourrais améliorer tant de chose. Dans ce monde seule la force étai respectait. Il me fallait y réfléchir avec attention avant de ressortir de cette grotte.

 Mais avant tout, la première chose à faire me sembla évidente.

 J’avançai à quelques pas du corps qui me fixait de ses paupières recroquevillées dans leurs orbites. Je m’agenouillai, posai mes mains au sol avant que mon front ne touche la pierre froide et moite.


  — Maître, veuillez accepter cette marque de respect de la part de votre disciple Feng Yue, en remerciement de l’immense présent que vous lui avez fait.


 La première fois que j’étais venue ici, si je n’avais pas tant été terrifiée j’aurais dû témoigner ma gratitude ainsi. Même si à l’époque j’ignorais quel cadeau me fut offert. Après tout même si je n’avais compris que tard l’utilité des neuf pagodes dans ma vie précédente, je serais morte bien avant cette trahison sans elles. Jamais je n’étais revenue ici pour dire merci.

 Cependant, aujourd’hui était différent. Même si j’en avais à nouveau l’apparence je n’étais plus une petite fille naïve. Désormais, j’en savais assez pour en exploiter le plein potentiel et, je le devais à ce mort. Lui donner une sépulture décente me paraissait également indispensable.

 Alors que ma tête se redressait, je perçus une augmentation brutale de l’énergie spirituelle autour de moi. Effrayée, je me mis en garde. Soudain, une voix s’éleva dans l’air :


  — Depuis combien de siècles est-ce que j’attends ce moment ? Je ne saurais plus le dire. Enfin, un disciple digne des Neufs pagodes se présente devant moi et, avec l’humilité de se prosterner.


 Il vivait toujours ?!


  — Maître, c’est un honneur de pouvoir vous entendre, dis-je mettant un genou à terre.

  — Je ne suis qu’une intention, laissée avec mes dernières traces de qi et force spirituelle. Tu as rempli les deux conditions pour l’activer : obtenir mon plus précieux héritage et me témoigner du respect. Elle ne durera pas longtemps, aussi, en dépit de ton jeune âge je voudrais que tu m’écoutes attentivement et retiennes mes paroles.

  — Bien maître, répondis-je en m’inclinant à nouveau.

  — Tu as dû sentir ta main te brûler, c’est le signe que « Le jardin de Neuf pagodes célestes » t’a trouvé digne de lui, tout comme moi dans ma jeunesse. En être le possesseur est une bénédiction autant qu’une malédiction. Car ceux qui le découvriront voudront pour la plupart te tuer afin de se l’approprier.


 Le goût amer de la trahison me revint très vite à cette remarque. La sensation de la lame à travers mon corps persistait. Cuisante. C’était pour les Pagodes que m’avait tué celui que je croyais m’aimer.


  — Alors garde le secret à leur sujet. Grâce aux Pagodes j’ai pu affronter l’un des plus grands ennemis de l’humanité.


 Devant moi l’énergie spirituelle se mua en images. Une bataille terrible entre des êtres d’une puissance jamais vue.


  — Par sa faute j’ai été gravement blessé et dû fuir pour ne pas qu’elles tombent entre ses mains. Dans ma fuite j’atterris ici, dans ce petit domaine inférieur. Après en avoir fait le tour, un plan me vint afin de vaincre le fléau qui nous afflige. Je décidai alors d’utiliser presque tout ce qu’il me restait comme forces afin de le sceller. Cela me laisse juste assez de quoi te parler aujourd’hui. J’y ai perdu la vie, mais j’ai fait gagner beaucoup d’espoir à l’humanité. Ce petit monde est depuis impossible à atteindre par les êtres des domaines supérieurs, en revanche ceux qui y sont nés peuvent en sortir et y revenir à volonté. Depuis lors j’attends que viennes à moi un héritier. Il est désormais de ton devoir de poursuivre ce combat. Le chemin sera long et extrêmement dangereux


  — Acceptes-tu ?


Même pour moi qui avais déjà vécu une vie, je peinais à digérer toutes ces informations et visions.

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