I. Le Fleuve Jazhara

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Le conteur prend la parole.

« Ouvrez vos oreilles et écoutez le récit de Jazhara, celle qui nomme le fleuve aux abords du village.

Sa Majesté le Grand Namghina Abera, raconte le Griot, engendra dix-sept enfants, parmi lesquels les jumeaux Hassan et Atsu. Il avait également une fille, Aïssatou, à qui fut offerte, à l’âge de trois ans, une esclave. La Princesse, heureuse et satisfaite de son présent, la renomma Jazhara, qui signifie « jour de pluie et de bénédictions ». L’esclave grandit aux côtés de la princesse, et on chantait ses louanges dans tout l’empire car, disait-on, le coeur de Jazhara l’esclave débordait de loyauté et de compassion.

Les Princes, guère impressionnés par la douceur de son caractère, tombèrent sous le charme de ses traits et s’acharnèrent en offrandes que Jazhara déclina. « Je ne suis que l’esclave de la Princesse, votre soeur. Je ne suis pas digne de votre attention, » se défendait-elle lorsqu’ils la retenaient dans les couloirs du palais et l’inondaient d’ardentes déclarations.

Cet amour engendra une rivalité d’abord inoffensive entre les jumeaux, puis se métamorphosa en une aversion mutuelle qui, comme bien des sentiments, les conduisit à la mort. Car la mort est, en effet, la finalité terrestre de toute histoire.

Bientôt, le Prince Hassan, submergé d’impatience et d’un désir insatiable, tendit un piège à l’esclave, alors qu’elle revenait de la rivière. Il la captura, la ligota et galopa jusqu’à la province qu’il gouvernait pour l’épouser en secret.

La malheureuse Jazhara fut enfermée et gardée dans la hutte princière et chaque nuit, contre son corps abusé, Hassan renouvela ses promesses d’amour éternel. Désemparée, Jazhara avoua au Prince ses sentiments pour Masika, le garçon d’étable. Peut-être s’imaginait-elle que le prince s’inclinerait et accepterait de la libérer ?

Mais elle se trompait.

Fou de rage, persuadé d’avoir été trahi, Hassan ordonna à ses guerriers de massacrer les habitants du village de Mboundja, sans épargner les barbes blanches et les nouveaux-nés. À leur retour, il organisa un festin en l’honneur de son épouse, la couvrit de diamants, la drapa d’une tunique brodée d’or. Quand Jazhara refusa les présents, le Prince lui servit la tête de Masika sur un plateau d’argent, décorée de bijoux et parfumée d’encens.

Ce fut au cours de cette terrible nuit qu’Atsu, accompagné de ses troupes, encercla la cité de son frère pour libérer celle qu’il s’était promis d’épouser. Les deux frères s’affrontèrent avant l’aube, dans la vallée de Matoumba et Hassan tua Atsu d’un coup de poignard.

Secourue par la compassion d’une servante, Jazhara se déguisa en homme et parvint à fuir la folie de son époux.

Blessé d’une flèche, armé d’une lance, Hassan la pourchassa dans la forêt, hurlant son nom aux baobabs et aux youyous qui s’empressèrent de prévenir l’Échappée. Hassan la repéra alors qu’elle s’apprêtait à traverser le fleuve et jura que nul homme ou dieu ne l’aimerait à sa place avant de transpercer son coeur de la lance.

Le corps de Jazhara tomba dans l’eau. La voyant disparaitre sous les flots, Hassan, terrassé par la culpabilité, se jeta aux crocodiles qui peuplaient le fleuve.

Les Anciens racontent que ce fleuve est la porte du Royaume des Narah, les sirènes, que l’on retrouve également au Congo »

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