Chapitre 8.4 - BASTUS - Préparation de l'assaut

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Le moment du départ est arrivé. Bastus en est à son troisième guillermo depuis son réveil, au milieu de la nuit. Cela fait plusieurs solaris qu'il n'a presque pas dormi. Entre les cauchemars, les incohérences des rapports, sa mère et son frère qui ne le lâchent pas, les préparatifs et la peur du combat. Il est loin d'être au meilleur de sa forme pour l'assaut qui va bientôt débuter. Le camp a été laissé en l'état, ils y reviendront une fois l'assaut terminé. Ils ne sont qu'à quelques lieues de la capitale Vulcae. Ils marcheront jusqu'en bordure de forêt où ils se reposeront quelques heures avant de déferler sur Strombevio. Sa mère a détaillé il y a deux solaris la stratégie, simple et radicale : mettre à sac les récoltes, éliminer tous les soldats ennemis en les prenant par surprise, il ne faut aucun prisonnier à nourrir ou à déplacer. Les premiers arrivés sont invités à piller, la cupidité est un bon moyen de motiver les moraïs. Bastus n'a plus les idées claires. Il a acquis la conviction qu'il n'y aura rien par delà la frontière. Pourtant, il veut croire en la responsabilité Vulcae, afin de ne pas se sentir rongé par la culpabilité qui s'est déjà frayée un chemin dans les méandres de son esprit.

Lorsque l'ensemble des hommes est prêt à partir, l'ordre de marche est sonné. Des missives arrivent de Berphï et d'Estia pour confirmer le départ des moraïs.

Bastus n'a pu avoir aucun contact avec ses amis, toutes ses lettres étant restées sans réponse. Il se sent profondément seul, mais il sait pourtant qu'il accomplira son devoir. Il aurait aimé les avoir à ses côtés pour l'épauler, le conseiller, ne serait-ce que boire un verre pour faire redescendre la pression. Lui qui a toujours été entouré, que ce soit de ses amis ou de femmes, il se sent déstabilisé de se trouver ainsi face à lui-même, pris en étau entre sa mère et son frère. Malgré la marche, Bastus n'arrive pas à se vider la tête. Il rumine de nouveau toutes les informations pour y trouver la cohérence qui lui manque tant. Peut-être a-t-il manqué quelque chose ? Il se demande si les lettres qu'il a envoyées à ses compagnons ont été interceptées. Cela n'aurait pas de sens mais il ne voit pas d'autres explications. C'est dans cet état d'esprit qu'il parvient jusqu'à Strombevio où les soldats se mettent avec discipline et efficacité en formation.

Aucune armée Vulcae n'est en vue, mais cela importe peu à la Suprême Polémarque qui ordonne l'assaut à peine les moraïs installés en position de combat.

En quelques minutes, les cavaliers attaquent une caserne postée sur le flanc droit de la ville tandis que les fantasssins pénètrent de toute part l'enceinte de la cité. Bastus fait parti du contingent qui charge la caserne. Il découvre des soldats encore ensommeillés par leur sieste méridienne, le regard ahuri, tentant veinement de s'équiper pour répondre à la charge qui déferle sur eux, tel un tsunami. Il assène les premiers coups, fendant l'air et les crânes qu'il massacre de gestes habiles, laissant les corps rougissant joncher le sol. Ses pygargues l'accompagnent, lacérant les visages, fondant sur les proies que leur maître leur indique. Ils attaquent tel un seul et même corps. Chaque cavalier, cramponné à la selle, guide sa monture par la pensée. Tous possèdent le don de parler aux animaux, cela leur laisse les deux mains libres pour attaquer. Lorsqu'il ne semble plus y avoir âme qui vive, le sol a pris la couleur de la mort, un rouge vif, en lieu et place de la terre battue et des pavés gris.

Bastus entend au loin des cris stridents et des hurlements. Ils viennent, comme autant de dards, piquer son coeur et quelques larmes coulent le long de ses joues. Elles ont le goût du sang et de la culpabilité. Mais il n'a pas le temps de se laisser submerger, il doit repartir à l'assaut de la ville aider les fantassins. Sa moraï pénètre les premières rues où l'infanterie a perpétré un véritable carnage. Des cadavres d'hommes, de femmes et d'enfants s'entassent dans les rues. Les rescapés se cachent ou se pelotonnent dans des recoins tremblant de peur, les larmes inondant leur visage. Quelques soldats prennent possession des femmes qu'ils ont épargnées, leurs vêtements en lambeaux, la jupe remontée à la hâte au-dessus des cuisses ou simplement déchirée. Leurs cris déchirent le ciel lorsqu'elles ne sont pas amorphes, ballotées telles des poupées de chiffon par les va-et-vients sauvages qui lacèrent leur intimité.

Cette vision paralyse Bastus. La guerre est sale, laide. Il le savait, mais le constater de ses yeux le touche au plus profond de son être. Et pas un guerrier pour rendre les coups et rendre un tant soit peu tolérables les horreurs de cet assaut.

Pourtant, ils ne s'arrêteront pas là, la Suprême Polémarque en a décidé ainsi. Malgré la tristesse qui envahit Bastus, ils poursuivent leur avancée dans les terres jusqu'aux portes d'une grande ville à l'architecture colorée. Toujours aucune trace d'une armée ennemie en ordre de bataille. Ils enfoncent les portes de la cité avec une facilité déconcertante, provoquant les mêmes ravages que dans la cité précédente. Bastus agit de façon mécanique, fendant, taillant et tuant tous ceux qui se dressent sur son passage. Lorsqu'il se retrouve nez à nez avec un enfant d'environ quatre solemnum, sa main tremble. Son bras reste suspendu en l'air. Il finit par passer son chemin. Il ne peut pas, c'est au-dessus de ses forces.

Le crépuscule arrive enfin, se posant sur un champ de dévastation. Bastus avait en haute estime le métier de soldat, défenseur des valeurs de sa patrie et bouclier protégeant la population. Il constate avec horreur qu'il est un boucher. Le terme n'est même pas approprié. Il n'est pas là pour nourrir son peuple. Il est le bourreau, venu exécuter en masse des gens de sa propre espèce. Sauf que ces derniers n'ont commis aucun crime, ils ne sont qu'un obstacle à la folie des grandeurs de sa Suprême Polémarque. L'odeur âcre emplit l'espace, rendant l'air difficilement respirable.

La guerre a commencé.

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