Chapitre 16.2 - BASTUS - Héphiane

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De retour au domaine, une douce amertume enveloppe Bastus. Ce moment passé avec Héphiane fut délicieux, mais savoir sa famille responsable de la souffrance de cette dernière l'affecte en profondeur. Il quitte précipitemment la forgeronne, prétextant un retard à la réunion de passation du commandement.

Tout le long de l'entretien, le prince est absent. Dans sa tête, alternent des images du visage souriant d'Héphiane et des tueries de l'invasion. Le contraste lui provoque des hauts-le-coeur.

Bastus n'arrive plus à se concentrer sur autre chose, il se réfugie dans sa chambre un court instant. Les images continuent à défiler en boucle. Le prince se dirige vers la fenêtre, la bise hivernale lui rafraîchira les idées.

Sans succès.

L'envie de boire revient, puissante. Du regard, il fait le tour de la pièce. Aucune bouteille. C'est vrai qu'il n'a rien consommé depuis au moins un solaris. Il vérifie sous le lit. Rien. L'envie devient obsédante. Ses mains tremblent affreusement. Quelques gouttes de sueur froide coulent dans son dos. Le supplice doit cesser !

Tout en cherchant le liquide salvateur et pour tenter de s'occuper l'esprit, Bastus essaie d'identifier la raison de son abstinence récente. Un lien avec la forgeronne ? Son visage envahit maintenant tout son champ de vision. D'un coup l'urgence de la boisson se calme, assez pour pouvoir la contrôler sans trembler. L'inconsciente évidence pousse le prince à revenir vers la forge.

— Nous venons à peine de finir ce premier déjeuner ! l'accueille Héphiane.

— Je vous dois ma matinée de travail en dédommagement, rappelle Bastus.

— Vous ne perdez pas de temps.

— J'aime régler mes dettes au plus tôt. Je vous suis, impose-t-il sans autre forme de procès.

L'envie d'alcool n'est plus qu'un léger murmure, Héphiane l'emmène dans sa réserve.

— Je viens de recevoir ce chargement. Pouvez-vous placer le fer dans ces étagères et l'acier dans celles-ci. Vous m'épargnerez les muscles raidis ce soir, suggère-t-elle avec un large sourire.

— Sacré travail ! Vous voulez m'offrir ces courbatures alors.

— C'est sûr qu'un prince ne doit pas être habitué à ce genre d'exercice.

— Je ne disais cela que pour me voir offrir un massage en récompense, lance-t-il avec une lueur de défi.

— J'ai trop de travail dans les prochains solaris, mais je peux vous le proposer après notre prochain déjeuner.

Elle lui semblait plus sauvage... Bastus n'en croit pas ses oreilles ! Et le souvenir de son fiancé dans tout ça ? Après tout, il ne va pas bouder un moment pareil.

— Et quand pourrons-nous déjeuner à nouveau ensemble ? Cette fois, je vous invite à ma table, j'ai une vue magnifique sur les jardins. Si vous aimez les fleurs.

— Dans cinq solaris.

— Vous êtes en effet très demandée, déclare-t-il penaud.

— Il faut être patient quand on veut le meilleur artisan de la région.

— Comment puis-je aider le maître de l'atelier à se libérer plus tôt ?

Héphiane fait mine de réfléchir, son doigt posé sur sa bouche éveillent les sens de Bastus. Ses lèvres sont pulpeuses et délicatement rosées. L'envie de l'embrasser éclate, impérieuse.

— Si vous pouvez m'aider à gérer mon stock, je devrais pouvoir me libérer dans deux solaris.

— C'est entendu, alors.

— Vous n'avez pas d'obligations plus urgentes ?

— Elles attendront.

Héphiane rougit. Comme elle est séduisante ainsi !

Les deux solaris suivants, Bastus alterne entre l'aide à la forge et l'organisation de réunions afin d'identifier un moyen d'exterminer au plus vite la résistance Vulcae. Chaque solaris qui passe, les rangs des résistants augmentent. Plus tôt il agira, moins il y aura de victimes.

Le déjeuner avec Héphiane arrive rapidement pour son plus grand plaisir. Elle se présente juste à l'heure sur sa veranda privative, vêtue d'une robe épaisse ceintrée sous sa poitrine, la mettant ainsi en valeur. Ses cheveux, habituellement attachés, ondulent jusqu'à ses hanches. Elle porte un simple ruban ocre pour éviter que ces derniers ne lui tombent sur le visage. De nombreux bracelets ornent ses bras dénudés, alors qu'un simple collier finement travaillé en or cuivré pend jusqu'à la naissance de ses seins. Dès qu'elle entre, elle lui offre un sourire hypnotique.

Le temps et l'espace s'effacent, seul l'instant qui passe laisse une trace en sillons sur son âme.

Bastus s'oublie dans le nectar de la voluptueuse douceur qui l'enveloppe. La discussion toujours animée le transporte, l'un comme l'autre ne tarissent pas de sujets pour échanger leurs points de vue.

Lorsqu'arrive le digestif, Bastus sent un poids dans sa poitrine. Il voudrait prolonger ce moment hors du temps. Ne plus penser à la rébellion, ne plus penser à la pression de son statut. Juste vivre l'instant avec elle.

— Vous préférez vous installer sur votre lit ou sur votre banquette ? demande-t-elle après avoir fini son verre.

A-t-il bien entendu ? Il a failli recracher son vin.

— Pardon ?

— Je vous avais promis un massage pour vous soulager de toutes les courbatures que mes demandes vous ont occasionnées.

Le prince hésite. Cette réaction le surprend. À son contact, il ne se reconnaît pas, lui toujours entreprenant. En même temps, elle a parlé d'un massage, pas de liaison. Tout de même, c'est la porte ouverte à plus d'intimité.

Non !

Pas de divagations.

S'il froisse Héphiane, elle arrêtera sûrement de le voir. Et ça, il fera tout pour l'éviter !

Sans lui répondre, il ôte sa chemise et s'affale sur son lit. Son invitée se place à califourchon sur son dos et verse de l'huile sur son torse musclé. Les tensions s'envolent une à une, elle a beau avoir des mains d'artisane, elle sait utiliser ses doigts avec finesse. Il pousse un râle d'aise.

La sensation de ses hanches sur son corps éveille soudain son désir.

Il ne doit pas penser à ça.

Pas maintenant.

Plus il essaie de mettre la sensation de côté, plus son désir augmente. Le prince imagine ses formes sous ses vêtements et commence à avoir chaud. Il secoue la tête. D'un coup, les mains d'Héphiane tremblent.

— Que vous arrive-t-il ? s'enquiert Bastus, sorti d'un coup de ses rêveries.

— Ce n'est rien. Comment vous sentez-vous ? s'empresse-t-elle de répondre.

— Détendu, je vous remercie.

Le prince sent une goutte sur son dos. Il essaie de tourner la tête sans parvenir à percevoir son expression, puis se retourne d'un coup. La forgeronne n'a pas changé de position, elle est toujours à califourchon, sur son entrejambe désormais. Étrangement, l'envie le fuit. Bastus ne voit que les quelques larmes qu'elle tente d'essuyer à la volée.

— Un mauvais souvenir ?

Elle ne répond rien et détourne le regard. Peut-être que s'exposer pourrait l'aider.

— J'en ai souvent. Ça arrive à n'importe quel moment : dans la nuit, à table, durant les entraînements,... Des cadavres entassés. Parfois une femme violentée.

Tout le corps du prince se tend et ses yeux deviennent sombres, avant de poursuivre :

— Je n'ai pas encore trouvé comment les éloigner. L'alcool m'aide, enfin si on peut dire ça. Disons que ça les éloigne un temps.

— C'est tellement dur ! explose-t-elle en sanglots, mettant ses mains devant son visage.

Il se redresse tant bien que mal pour la prendre dans ses bras. Elle ne se dérobe pas. Au contraire, le flot des larmes s'accentue jusqu'à inonder les vêtements et le torse dénudé de Bastus. Lorsque le gros du torrent s'est écoulé, Héphiane lève la tête et l'embrasse. Mouvement de recul.

— Ça ne fera pas oublier, dit-il doucement. Et je fais partie... des responsables de votre malheur.

— Je sais bien tout ça ! Pourtant, je suis bien quand je suis avec vous ! Tout ça me semble moins dur à porter. Je devrais vous haïr, mais je ne peux pas !

Bastus tourne la tête vers le mur.

— Votre intérêt pour moi passera.

— Vous n'en savez rien ! Vous ne me connaissez pas ! C'est la première fois que je me vois auprès d'un homme depuis la mort de Kërn, il y a déjà cinq solemnum.

Bastus ne peut pas résister plus longtemps à l'attraction qu'elle exerce sur lui. Il baise les larmes sur ses joues avec une douceur infinie. Sa belle pose ses mains sur ses joues et l'embrasse avec fougue. Leurs corps se pressent tandis que leurs baisers s'intensifient. Dans un dernier élan, Bastus l'écarte pour obtenir confirmation :

— Vous êtes sûre ?

Elle l'embrasse à nouveau, serrant avec empressement son torse. Tous deux tombent à la renverse sur le lit. Promesse d'oubli, d'extase, d'apaisement.

Le prince essaie de caresser sa peau mais la robe s'oppose. Héphiane rit, se lève, ôte son vêtement et vient se lover dans ses bras. Bastus caresse sa peau diaphane, douce comme le satin. Il baise chaque partie de son corps. Le temps s'étire, la renaissance. Un chemin vers la délivrance.

Lorsque la puissance du désir leur fait perdre la tête, ils s'unissent et savourent un plaisir au-delà de toutes leurs expériences passées. Son âme lui appartient, du plus profond de son être.

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