Chapitre 17.3 - LELYÂH - Douloureuse vérité

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Diane intime à l'acynonyx :

— Lahärva, prends Lelyâh avec toi et enfonce toi dans la forêt !

L'animal semble comprendre, attrape Lelyâh dans sa gueule avec délicatesse comme pour transporter l'un de ses petits puis disparaît dans le bois. Les hurlements de Zaphyne continuent à emplir l'air. Bientôt, ils ne sont plus qu'un murmure aux oreilles des deux fuyardes. Alors Lahärva s'arrête près d'un cours d'eau, pose en douceur sa maîtresse sur un tapis de mousse, puis s'allonge contre elle, ronronnante, tout en la léchant de sa langue râpeuse. Le sang s'est arrêté de couler, formant des traînées sèches à la manière de peintures de guerre.

Lelyâh respire un long moment avec difficulté, le temps que son corps accepte l'absence de douleur. Le bruit sourd de l'acynonyx apaise la terreur de la sans-mémoire. Elle retrouve petit à petit une respiration normale. Elle essaie de se lever mais ses membres se dérobent, simple pantin désarticulé.

Au bout d'un temps qui lui semble durer une éternité, Lelyâh réussit à s'assoir se repassant le fil des évènements récents.

La vérité révélée à Zaphyne.

Les hurlements.

La souffrance insoutenable.

L'ordre de Diane.

Puis comme si une pierre lui avait été jetée au visage, elle réalise qu'elle est la seule à avoir été affectée par les tourments de la Mage. Heureusement, car ils seraient tous morts autrement. Mais comment expliquer cela ? Elle a beau retourner la question dans tous les sens, elle n'y décèle aucune logique, hormis, de nouveau, que cela fasse partie des facultés Animae.

La jeune femme entend alors un chant cristallin. Subjuguée par cette voix, Lelyâh décide de suivre la mélodie. Elle remonte le ruisseau, juchée sur l'acynonyx qui fouette l'air de sa queue, pour déboucher sur un magnifique lagon d'un bleu intense et profond. La nature déborde de vie : de grandes fougères tapissent le côté opposé, de grandes fleurs pourpre naissant ici et là au milieu de ce dégradé de vert, une myriade de corolles d'un blanc immaculé fleurie sur les côtés, et un grand tapis de mousse s'étend aux pieds des deux voyageuses.

Une silhouette se tient debout sur l'eau, son corps d'un bleu pâle créant un contraste délicat avec celui du lagon. Ses cheveux sont une cascade ondulante qui s'écoule jusqu'au bas de son dos. Elle porte une légère robe rose clair qui cache à peine ses formes.

Lelyâh descend de l'acynonyx et s'approche sans un bruit. Réminiscence d'une vie de chasseuse ? Lorsqu'elle arrive au bord de l'eau, la jeune femme effleure de ses orteils une brindille. L'être translucide se retourne.

— Que fais-tu là ? demande-t-elle avec autorité, sa voix résonnant en écho dans l'air environnant.

Ses yeux, devenus bleu marine, portent l'annonce d'une tempête.

— Je me suis perdue.

La créature la regarde circonspecte, les bras croisées sur sa poitrine, les doigts pianotant sur sa peau délicate. L'orage grondant dans son regard s'est un peu calmé même s'il est toujours là, prêt à déferler.

— Que fait cet acynonyx avec toi ?

— Elle est mon amie.

L'être ondoyant plonge son regard dans l'oeil droit de Lahärva.

— Tu as dit vrai. Si l'animal roi de ces forêts t'as accepté pour maître, alors sois la bienvenue en mon domaine.

Les yeux de la créature ont retrouvé la sérénité d'une mer calme oscillant entre le vert de l'émeraude et le bleu de l'aigue-marine. L'acynonyx émet un grondement de plaisir, flattée par ces mots.

Lelyâh est trop impressionnée par l'aura et la beauté de l'être pour oser lui retourner le tutoiement.

— Qui êtes-vous ?

— Je suis une Naïadienne, je me nomme Orséice. Comment t'es-tu égarée ? Il est très rare de voir un humain s'aventurer par ici.

— J'ai fui. Enfin, Lahärva m'a sauvée d'une Mage.

— Une Mage ? Comment ça ? demande la Naïadienne sur la défensive, les sourcils froncés et les yeux s'assombrissant de nouveau.

— Nous avons croisé une âme errante qui s'avère être une Mage. La pauvre petite ! Avec mon amie, nous avons voulu lui expliquer la vérité sur la disparition des Mages et elle s'est mise à hurler. Sa voix a provoqué des vibrations qui me brisaient de l'intérieur !

Le visage d'Orséice se fait pensif. Elle tapote les doigts de sa main gauche sur sa joue.

— Je peux l'aider à retrouver la paix et la faire passer de l'autre côté. Sa place n'est pas ici.

— C'est vrai ! s'enthousiasme Lelyâh.

La Naïadienne esquisse un sourire.

— Ce n'est pas gratuit.

— Quel est votre prix ?

— Un service.

— Lequel ? interroge la jeune femme bien décidée à aider Zaphyne.

— Tu me devras un service. Peu importe où et comment, lorsque je te le demanderais, tu le feras. Peux-tu t'engager à cela ?

— Vous ne m'avez pas dit ce que je devrais faire.

— Tu le sauras quand je ferai appel à toi.

Lelyâh crispe les poings. Elle tourne son visage vers Lahärva qui s'est allongée de tout son long sur la mousse, les pattes avant jouant dans l'eau du lagon. Elle est sereine ; Orséice ne doit pas être dangereuse, son amie l'aurait sentie et serait devenue nerveuse.

— Soit, je m'y engage.

Orséice esquisse un sourire satisfait.

— Tu es courageuse et altruiste, j'apprécie ces qualités. Ouvre ta gourde et vide-la.

Lelyâh s'exécute. Elle voit alors la Naïadienne se muer progressivement en une boule limpide dont se dégage une faible lueur. La sphère fond sur Lelyâh pour pénétrer directement dans sa gourde.

— Referme le bouchon, je serai plus à l'aise avec les cahotements de l'acynonyx. Allons-y ! conclut Orséice avec fermeté.

Lelyâh réalise alors qu'il faudra dire aurevoir à Zaphyne si la Naïadienne parvient à la sauver. Cette pensée l'attriste, elle s'était attaché à cette voix joyeuse et rieuse.

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