Chapitre 27 - BASTUS - Prise du palais

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Une trentaine de soldats entrent. Ils s'arrêtent sur le seuil, le temps d'analyser ce qu'il se passe. Deux hommes s'avancent, les sourcils froncés et presque de concert donnent l'ordre de les encercler. Les hommes se déploient autour du petit groupe, trois d'entre eux restant en retrait près de la porte. Lahärva gronde, les babines retroussées maculées de sang, ce qui fait hésiter les hommes. Le sang à sa patte continue de couler abondamment, même si elle mesure une bonne toise et demie, si l'hémorragie n'est pas stoppée rapidement, elle sera, sous peu, hors d'état de combattre. Lelyâh regarde Bastus qui lui fait signe d'attendre. Les hommes près de l'entrée, bandent leurs arbalètes, leurs flèches tournées vers l'acynonyx. La tension augmente mais personne n'ose engager le combat. Bastus sue à grosses gouttes mais reste en posture d'attente.

C'est alors que l'un des arbalétriers, tremblant de la tête au pied, lâche son carreau. Tandis que son supérieur tourne la tête et le semonce, la flèche de Lelyâh atteint directement le coeur du pauvre homme qui s'affale face contre terre. Un cri retentit. Bastus pivote pour découvrir Diane à genoux, tenant sa jambe de ses mains rougies. Le projectile s'est fiché dans sa cuisse. Bastus voit du coin de l'oeil Lelyâh armer de nouveau son arc, le visage déformé par la haine. Un redoutable prédateur !

Il pensait pouvoir éviter cette boucherie mais il semble que le sort en ait décidé autrement. Au moment où sa camarade va pour lancer le second projectile et que le chef ennemi lève la main pour lancer l'assaut, de nouveaux bruits de pas se font entendre. L'idée de Bastus aurait-elle finalement portée ses fruits ? Il n'a pas oser exposer son plan aux deux jeunes femmes de peur que sa tentative ne tombe à l'eau. À moins que d'autres soldats n'aient entendu du bruit et soient venus vérifier les lieux.

Un homme devance un nouveau groupe de soldats. Bastus le reconnaît immédiatement même s'il ne l'a pas revu depuis plusieurs solemnum, Sire Pardalis. Il dégage toujours autant de prestance, vêtu d'une chemise blanche recouverte d'un gilet de cuir cardinal où luit une broche en forme de félin, d'un pantalon de cuir noir tenu par une large ceinture dont la boucle reflète aussi un félin aux yeux violets et des bottes fourrées qui lui remontent presque aux genoux. Une cape assorti à son gilet fait ressortir ses cheveux de jais blanchis au-dessus des oreilles et son regard sombre où perce l'autorité.

— Hommes de Pardalis, baissez vos armes.

Comme un seul corps, la moitié des hommes entourant Bastus et ses camarades posent leurs armes au sol, se redressent au garde à vous, les yeux rivés vers leur seigneur, rejoignant la posture d'attente des hommes derrière lui. La dizaine de soldats restant semblent toujours vouloir engager le combat.

Le Sire prend de nouveau la parole :

— Êtes-vous sûrs de vouloir perdre inutilement la vie ? Votre Suprême Polémarque est désormais Bastus Pyrrhox. Vous lui devez obéissance. Suprême, quels sont vos ordres ?

Bastus est submergé de pensées. Sa missive est bien arrivée aux mains de Sire Pardalis qui a accepté de l'épauler dans cette prise de pouvoir. Il doit maintenant prendre le commandement de ses hommes et se placer à la tête du pays. Il lui faut aussi soigner rapidement Diane et Lahärva, convoquer les familles Rataz et Aucepitère, stopper les armées en marche vers les Terres d'Osany,... Une migraine se fraie un chemin au milieu de ce maëlstrom alors que tous les yeux sont tournés vers lui, la majorité dans l'attente, certains le regard empli de haine. Pour l'instant gérer l'urgence : mettre ses compagnons en sécurité et soigner les blessés.

— Baissez vos armes, lâche-t-il, d'un ton autoritaire en contradiction avec l'insécurité qui règne au fond de lui. Emmenez les blessés à l'infimerie ! Faites venir sur le champs un soigneur pour l'acynonyx !

Les hommes de Sire Pardalis viennent rapidement porter Diane et Eklesia et offrir leur aide à Teïos. Le restant des hommes, sous les ordres des familles Rataz et Aucepitère restent sur la défensive, campant sur leur position.

— Si vous ne déposez pas les armes immédiatement, nous vous mettons aux arrêts ! ajoute le prince.

Le chef se rue alors sur Bastus, épée et dague prêtes à trancher. D'un coup ferme, le prince part l'épée faisant un pas de côté pour éviter la petite lame qui ne rencontre que le vide. Il saisit alors le poignet de son agresseur appuyant de toutes ses forces sur un nerf afin de lui faire lâcher la dague dans un cri de douleur. Surpris, ce dernier lâche aussi son épée et tombe à genou. Deux hommes à l'insigne de félin viennent encadrer l'agresseur et lui attache solidement les mains tandis que le reste des hommes posent enfin les armes.

— Emmenez-le aux cachots ! assène Bastus.

La salle d'entrainement se transforme en véritable ruche : plusieurs soldats portent les blessés vers l'infirmerie, un autre court avertir un soigneur de se rendre sur les lieux, d'autres enfin se postent sur le seuil de la porte au garde à vous. Sir Pardalis s'avance vers le nouveau Suprême Polémarque, les bras tendus prêt à lui serrer la main.

— Suprême Polémarque, l'apostrophe-t-il avec respect.

— Merci Sire Pardalis. Je vois que ma missive vous est finalement parvenue.

— Si je puis me permettre un conseil, il nous faut sécuriser rapidement le palais.

— Ordonnez à vos hommes d'informer l'ensemble de l'agéma et des soldats présents dans le palais du changement de gouvernance et de mettre à l'arrêt quiconque osera le moindre signe de rebellion ou d'insoumission.

— Bien, Suprême Polémarque. Il est heureux que votre mère ait tenu à me garder, son ennemi, auprès d'elle afin de l'avoir à l'oeil. Les deux-tiers des hommes armés du palais sont sous mon commandement, il sera donc rapidement sous votre contrôle.

Lelyâh se précipite pendant ce temps auprès de Diane.

— Attends, je viens avec toi !

— Non, reste avec Lahärva, il faut quelqu'un pour la rassurer et elle n'écoutera que toi.

Lelyâh hésite mais s'accorde rapidement à l'avis de son amie.

— Tu as raison, je viens te voir dès qu'elle est hors de danger.

La soigneuse se précipite auprès de l'acynonyx et de façon instinctive, comme elle l'a pratiquée durant des années sur le domaine Olmo, tend ses mains vers la patte blessée communiquant des paroles rassurantes au félin. Une chaleur intense l'envahit aussitôt alors que le flot rougeâtre se réduit à vue d'oeil. La jeune femme commence à suer à grosses gouttes, les mains légèrement tremblantes, puis d'un coup s'évanouit.

Bastus, toujours occupé avec Sire Pardalis, n'a rien vu de la scène :

— Suprême Polémarque, je préfère être clair maintenant. Vous savez que je ne partageais pas les idées de votre mère, vous y avez fait référence dans votre lettre. Mais cela n'est pas suffisant pour vous accorder ma confiance pleine et entière. Après tout, vous êtes son fils même si vous n'étiez pas désigné comme héritier. J'ai besoin d'assurance. Voyez-vous, ma fille,...

Bastus sentant la lassitude le gagner, l'interrompt. Il se rappelle parfaitement la petite fille aux cheveux noirs et aux yeux noisette qui l'accompagnait parfois aux écuries. Elle doit avoir quatre ou cinq solemnum de moins que lui.

— Lorsque je saurai mes amis hors de danger, je préparerai une déclaration officielle d'engagement pour les noces avec votre fille.

— Bien, votre Suprême Polémarque. Je m'en vais de ce pas superviser la prise du palais.

Bastus pense à Héphiane. Que dirait-elle ? A-t-il vraiment le choix s'il veut se prémunir d'un massacre en Terres d'Osany ? Elle comprendrait, non ? Il sent un poids s'abattre sur ses épaules avec force. Il tangue. Non, il ne peut pas encore aspirer au repos. Il faut s'assurer que le palais est bien sous son contrôle et vérifier l'état de santé de ses amis. Il attrape un soldat à la volée, lui ordonnant d'apporter du guillermo.

~ ~ ~

Avant l'heure du déjeuner, tous les soldats en faction sont sous les ordres de Bastus. Une trentaine de récalcitrants ont été enfermés dans les geôles, attendant leur sort. Après avoir donner ses premières directives, à savoir informer les familles Rataz et Aucepitère par rapace d'une convocation imminente au palais, demander aux copistes de rédiger les lettres d'annonce du décès de la dirigeante et le nom du nouveau Suprême Polémarque, de transmettre aux hommes de la capitale la nouvelle du changement de commandement et organiser des réunions pour le lendemain afin de s'informer de la situation du royaume, Bastus s'octroie le temps de passer voir Eklesia et Teïos. Lorsqu'il arrive dans la chambre d'infimerie, il les découvre enlacés. Il tousse, faisant sursauter son ami et sa seconde qui rougit violemment.

— Moi qui vous croyais mort ! lance-t-il un léger sourire aux lèvres.

Teïos répond avec une moue de dégoût.

— On y a bien cru aussi ! Heureusement que Kartos voulait faire durer le plaisir du supplice.

Puis tournant la tête vers Eklesia, il reprend, les yeux emplis de haine et les poings crispés :

— Malheureusement, trop impatient pour...

Eklesia détourne le regard en frissonnant. Teïos s'approche doucement et l'entoure d'un bras en lui murmurant :

— Je suis désolé, j'aurais tant voulu te protéger.

Alors qu'elle enfouit sa tête contre le torse de Teïos, Bastus voit rouge et donne un coup de poing rageur dans le mur faisant perler quelques gouttes de sang sur le sol.

— Sale ... commence-t-il en grondant.

— Il est mort, c'est fini, lance Teïos avec fermeté en regardant son ami dans les yeux.

— Je suis désolé de ne pas avoir été là, je... commence Bastus.

— Tu n'aurais été qu'un supplicié de plus, l'arrête Teïos en haussant les épaules. Au moins tu nous as sorti de là, et vivant.

— Vos blessures ?

— De nombreuses contusions, quelques cotes abimées, des plaies suturées et surtout l'épaule d'Eklesia fracturée. Il faudra du temps pour qu'elle guérisse ; pour ma part je pense qu'une quinzaine de solaris suffiront pour que je sois de nouveau du service en faisant attention.

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