Chapitre 29 - BASTUS - Tensions

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Bastus est pris d'une douleur foudroyante dans le bras. Des cris perçants retentissent dans l'air. Le souverain tombe, genoux à terre. Puis un oiseau se pose devant lui, suivi de peu par un autre qui semble plutôt s'écrouler à ses pieds. Bastus manque de crier sous l'intensité du feu qui brûle dans son membre. Au même instant, le rapace à terre pousse un bruit strident. Son compagnon à deux pattes l'effleure du bec. Bastus perçoit sa vive inquiétude. Puis le lien se rétablit, fluide. Ses pygargues !

Le polémarque soulève précautionneusement l'animal blessé tandis que son compagnon prend de la hauteur. Bastus essaie de tranquilliser au mieux la pauvre bête. Elle souffre au niveau de l'aile. Il aimerait se hâter mais cela serait trop risqué. Il avance donc aussi vite qu'il le peut.

Ils arrivent enfin à l'infirmerie. Bastus ouvre la porte d'un violent coup de pied. L'autre pygargue se juche à l'entrée du bâtiment. Tout de suite, deux hommes accourent. Le soigneur attrape l'animal alors que son assistant lui administre quelques gouttes dans le bec. Quelques minutes suffisent pour endormir l'animal. Bastus explique aussitôt, la voix anxieuse :

— Il a mal à son aile.

Le soigneur déploie avec une délicatesse infinie le membre. Un long moment s'écoule où le prince harpente la pièce de long en large, les bras croisés, le front plissé.

— Sire.

Bastus s'arrête et tourne la tête.

— Il s'agit d'une fracture. Nous allons immédiatement l'emmener dans la salle de soins pour lui poser une attelle et lui administrer un médicament afin de calmer la douleur. L'hémorragie s'est arrêtée. Ses jours ne sont pas en danger.

L'assistant sort avec l'oiseau.

— Combien de temps avant qu'il ne soit rétabli ? interroge le polémarque à demi-soulagé.

— C'est difficile à dire, mais je dirais entre trente et quarante solaris.

— Bien, je compte sur vous.

À l'instant où le souverain franchit les portes de l'infimerie vétérinaire, l'inquiétude de son autre pygargue déferle sur lui. Il se presse de le rassurer. Le rapace vient alors se poser en douceur sur son épaule ; Bastus lui gratte le cou.

— Moi aussi, je suis heureux de vous retrouver ! Va te présenter à la volière, tu as besoin de repos. Moi, j'ai une réunion qui m'attend.

Le souverain se dirige vers le château d'un pas pressé. En tournant à l'angle des écuries qui longent l'infirmerie, il percute de plein fouet une femme.

— Veuillez m'excuser, dit cette dernière avec empressement.

La demoiselle lève de grands yeux en amandes vers Bastus. Sa mine contrite lui confère un charme certain. Le regard de du polémarque ne peut s'empêcher de plonger dans son large décolleté.

— Oh Suprême, je suis confuse. Je... J'ai été maladroite. Je...

— Ce n'est r...

Il n'a pas le temps de terminer sa phrase qu'elle approche son visage, leurs souffles se mêlent. Elle tend une main vers son cou.

Un hurlement.

La femme tombe à genoux, le visage déformer par la douleur. Elle attrape d'une main son poignet en se balançant frénétiquement. De profondes entailles lacèrent son avant-bras. Au même instant, le pygargue de Bastus se pose sur son épaule en émettant un cri strident. Les traits de la jeune femme se déforme à nouveau en un masque de haine. Elle ramasse une longue aiguille sur le sol et se rue sur le jeune homme. Averti par son rapace, il stoppe son geste d'un mouvement fluide, le bras de la jeune femme se retrouve tordu dans son dos. Elle tente de se débattre. Le souverain tire sur le poignet provoquant un cri de souffrance. Il sort sa dague et la place d'un geste vif sous le cou de la belle.

— Tu vas me suivre gentiment au cachot, j'ai quelques questions à te poser, lâche-t-il envahi d'une colère froide, sa voix tranchante comme le blizzard.

Arrivé dans les sous-sol du palais, Bastus attache la meurtrière à des chaînes fixées au mur. Il prend un trépied et s'assoit à une toise de la femme dont le regard reste assombri.

— Qui t'envoie ?

Elle crache au sol.

Bastus fronce les sourcils, le regard aussi froid que le timbre de sa voix.

— Écoute, je n'ai pas de temps à perdre avec toi. Tu as deux options : me dire ce que je souhaite savoir ou passer entre les mains des geôliers. Vu tes formes généreuses, je suis sûr qu'ils se feront plaisir de te prendre chacun leur tour avant la séance de torture.

Il espère de tout coeur ne pas en arriver là mais il s'est résigné, il y a plusieurs solaris déjà, à utiliser tous les moyens en sa possession pour apporter la paix sur Agdistiae. Les espions de Sire Pardalis ont bien travaillé. Les familles Rataz et Aucepitère sont bien sur le qui-vive. Il a peu de doute qu'il s'agisse effectivement de l'une ou l'autre des familles. Mais il doit en être sûr. Peut-être a-t-il d'autres ennemis cachés ? Dans tous les cas, les aveux de cette gueuse lui permettront de faire pression sur le commanditaire.

Bastus décide qu'il lui a laissé assez de temps pour réfléchir :

— Ta décision ?

Face au silence de la demoiselle, il se lève. La main sur la poignée, il entend murmurer :

— Attendez.

Il se retourne et la découvre affesser tentant veinement de cacher ses tremblements. Celui qui a orchestré ça est bien placé pour la faire frémir de la sorte.

— Je...

Bastus s'approche. Il lève son menton. Elle est terrorisée.

— Je te garantis la sécurité.

— Mon fils, ils ont mon fils ! Je... Je dois être au rendez-vous ce soir juste après le coucher du soleil sinon...

Sa voix se brise.

— Il sera mort, parvient-elle à articuler dans un souffle avant de déverser un flot de larmes.

— Il ne mourra pas !

Le regard ferme du souverain semble la rassurer car ses pleurs s'amoindrissent. Bastus s'est montré plus sûr qu'il ne l'est en réalité. Mais que pouvait-il faire d'autre ? Il lui faut réfléchir à un plan pour protéger l'enfant et compromettre le coupable.

Bastus arrive en retard à sa réunion avec Sire Pardalis. Ce dernier l'attend près de la fenêtre de son bureau, les bras dans le dos. Il se retourne et incline le haut de son corps à l'entrée de son suzerain. Bastus sent une pointe d'agacement dans son attitude. Il n'est pas facile de faire oublier ses frasques de prince rebelle et léger en quelques solaris.

— Suprême.

Bastus se penche à son tour, prenant soin de s'incliner légèrement moins que son vassal.

— Sire Pardalis, on cherche toujours à attenter à ma vie. Je viens de mettre aux arrêts une jeune femme, raison de mon retard.

Le Sire pose sur Bastus un regard où se mêlent surprise et contrariété. Le Suprême reprend factuel :

— J'ai croisé une demoiselle ce matin qui a bien failli réussir sa mission. Son geste a été arrêté in extremis par l'un de mes pygargues. Une aiguille empoisonnée.

L'étonnement fait peu à peu place à la colère sur le visage de Sire Pardalis, toujours de façon subtile, son interlocuteur possède une très bonne maitrise de ses émotions :

— Au sein même du palais ?

Bastus le fixe.

— Veuillez m'excuser Suprême, je...

Le souverain balaie l'air de sa main et l'interrompt :

— Laissez, vous ne pouvez pas tout éviter. Vos hommes ont déjà prévenu deux tentatives. L'avantage , cette fois, c'est que la demoiselle a rendez-vous avec son commanditaire ce soir, sinon son fils sera exécuté.

— Laissez-moi réfléchir, demande le vassal en mettant une main sous son menton, le visage concentré.

Il se tourne de nouveau vers la fenêtre alors que Bastus fait les cent pas autour de la pièce.

— Une embuscade ?

— Cela me semble trop risqué Suprême. Nous ne savons pas s'il viendra avec des hommes et s'ils auront inspecté les lieux ou même placer des personnes en observation.

Le temps s'étire, le silence se fait pesant. Bastus voudrait vouer son énergie à son pays plutôt que l'employer à rester en vie. Quelle perte de temps !

— Suprême, ma fille,... ahem, a une passion disons, originale.

— Sire Pardalis, venez en aux faits je vous prie.

— Oui, Suprême. Elle est versée dans la connaissance des plantes et des poisons. Je viens de me souvenir que, plus jeune, elle a déjoué la surveillance de sa nourrice en appliquant sur sa main un puissant somnifère qui a endormi en quelques secondes la pauvre malheureuse.

— Excellente idée ! Nous pourrions facilement arrêter le coupable sans le blesser pour le confondre. Espérons que ce soit une personne au placé afin de mettre au jour l'une des familles.

— Je reviens vers vous dès que tout est réglé.

— Je vous accompagne auprès de votre fille, cela me permettra de la connaître. Je ne souhaite pas arriver le jour du mariage sans avoir parler avec elle.

Son interlocuteur semble étonné puis un léger sourire se peint sur son visage ; il s'incline en disant :

— Merci Suprême. Votre sollicitude pour ma fille me va droit au coeur.

Puis il enchaine directement :

— Nous avons enfin reçu une date de la part des familles Rataz et Aucepitère. Nous les recevrons dans cinq solaris. Si vous le permettez, je me charge d'organiser les préparatifs.

— Bien. Autre chose ?

— Ahem. Reste le sujet des prisonniers. Je me permets d'insister, il me paraît urgent de prévoir une exécution publique pour dissuader les contestataires et les inciter à rentrer dans le rang.

Bastus est tendu. Sa mâchoire se crispe.

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