— Cela fait tant de solaris que je vous cherche ! Vos parents sont fous d'inquiétude !

Diane se fige, véritable statue. Carmanor se tient face à elle, en simple tenue d'herboriste.

— Car...Carmanor ?!

Le visage radieux du jeune homme contraste avec l'affront dont la jeune femme a fait preuve en avortant leurs fiançailles.

— Vous ne pouvez pas savoir comme je suis soulagée de vous avoir retrouver ! Est-ce que vous allez bien ?

— Oui, je suis surprise de vous trouver ici. J'ai été si grossière envers vous ! Je...

Diane peine à trouver les mots justes. Comment pourrait-il lui pardonner ? Lelyâh pose une main sur l'épaule de son amie, lui insufflant du courage. La fille du lord baisse les yeux malgré elle, les joues rougies. Sa timidité refait surface mais la jeune femme prend sur elle :

— Je n 'aurai pas dû partir ainsi. J'ai été égoïste. Je souhaite de tout coeur me racheter auprès de vous !

— J'ai entendu parler d'une Chloridiae qui aurait aider le nouveau Polémarque à monter au pouvoir et à stopper l'invasion imminente de nos terres. C'est tout sauf égoïste ! lance Carmanor avec une pointe d'admiration dans la voix, les yeux brillants.

Diane relève enfin la tête. Elle doit affronter la vérité.

— Je dois être honnête avec vous. Si j'ai quitté pécipitemment Olmo, c'était pour fuir ce mariage imposé. C'était pour vivre libre et parcourir le monde. Je voulais aider mon amie à retrouver sa famille.S Si j'ai contribué à protéger notre Linéage, ce n'est que bien plus tard.

Elle tremble, attendant la sentence, les mots blessants voire outrés du jeune homme :

— Et qui vous le reprocherait ? Vous croyez que je n'y ais pas pensé ? Mon père a dû me trainer jusque chez vous, à force de menaces. Quand je vous ai vu, je...

Le jeune homme rougit violemment :

— J'ai été sous votre charme ! Je voulais apprendre à vous connaître. Si vous avez fui c'est que je n'ai pas eu les mots pour vous convaincre d'en faire de même. J'en suis désolé.

Carmanor semble réellement désolé. Diane se sent coupable, c'est elle qui devrait se sentir mal et non l'inverse.

— Si votre âme est assez charitable pour me pardonner, vous me feriez un honneur en m'épousant.

Le jeune lord relève la tête. Son visage est un masque de surprise.

— Dites-vous cela pour me faire plaisir ?

— Non, je ne suis on ne peut plus sérieuse.

II semble réfléchir.

— Voici ma proposition : apprennons à nous connaître les prochains solaris. Nous déciderons alors de confirmer ou non notre engagement. Nous devons passer notre vie ensemble, autant que ce soit de bonne grâce. Le cas échéant, je préfère rentrer seul. Qu'en pensez-vous ?

Le regard de Diane passe de Lelyâh à Carmanor. Lelyâh sent le dilemne intérieur de son amie.

— Diane, reste ici le temps que je me rende auprès d'Ésylice. C'est ma quête, à moi de trouver mes souvenirs. Toi, tu pourras en profiter pour faire connaissance avec Carmanor. Je reviendrai sur Animis dès que j'aurai retrouver la mémoire.

— Et tes... voix ?

— Ne t'inquiète pas pour moi, répond Lelyâh le regard assuré.

— Merci.

Les deux amies s'enlacent.

— Je vais partir cette nuit avec Lahärva, décide Lelyâh. Votre table est réservée.

La soigneuse remonte vers la chambre prendre ses affaires tout en annonçant à l'acynonyx de se tenir prête.

Le fauve parcourt la route de nuit, Lelyâh sur son dos. Le vent qui souffle dans ses cheveux est grisant, la fraîcheur nocturne bienvenue. La vitesse acquise par son amie à quattre pattes l'empêchent de garder les yeux ouverts, qu'importe ! La sensation de vitesse n'en ait que plus galvanisante ! Étrangement, en cet instant, elle se sent sereine. Les questions se sont envolées, son coeur est apaisé.

Lahärva avale les lieues qui les séparent de la grotte souterraine d'Ésylice. Lelyâh perd la notion du temps. Lorsque le ciel s'auréole d'un dégradé de roses et d'orangées, Lelyâh fait stopper le félin. La chaîne de montagnes devant elle semblent portées une couronne aux tons chauds irradiant dans le ciel. La vue est à coupée le souffle ! Les neves scintillent sous le soleil levant. Les conifères offrent un matelas vert sombre qui contraste à merveille avec ce ciel coloré. Des oiseaux traversent l'horizon formant un V sombre  dans le ciel. Les deux amies reprennent leur route, avalant les lieues.

Arrivées au pied de la première montagne, elles font une pause. La roche ocre et rouge flamboie sous le soleil matinale. Les sapins qu'elles appercevaient déploient de larges branchages offrant une ombre bienvenue pour les heures chaudes de la journée. Un petit mammifère, véritable boule dorée, saute de branche en branche avec une agilité déconcertante. Il s'aide de sa longue queue pour se balancer entre les ramures.

Lelyâh s'assoit dans l'herbe humide et mange quelques baies séchées, elle n'a pas très faim, Lahärva se désaltère dans une mare non loin de là.

Le pendentif indique un col vers lequel Lahärva se dirige aussitôt reparties. Il indique ensuite un chemin escarpé qui monte de façon abrupte avant de redescendre dans une vallée encaissée. Elles traversent une plaine fleurie avant de repartir pour une étape d'ascension. Le temps passant, la chaleur commence à peser. Des gouttes de sueur perle dans la fourrure épaisse de Lahärva. Arrivées en hauteur, le collier indique une paroi rocheuse. Lelyâh descend et se dirige dans la direction du pendentif. Elle manque tombée dans une crevasse. La soigneuse s'arrête et observe le trou noir, la goutte indique sans ambiguité le fond obscur. Lelyâh frémit. Elle a la sensation de s'enfoncer dans les ténèbres du serpent.