Chapitre 3.2 - LELYÂH - Voix intérieures

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Après une nuit de sommeil étrangement calme, Lelyâh est assez revigorée pour éloigner les questions et idées sombres de son esprit. Elle rejoint ses hôtes pour le petit-déjeuner.

— As-tu bien dormi ? s'enquiert Saëlle de son sourire habituel.

— Oui, répond la jeune femme en se servant un verre de jus de fruits.

— Attends avant de manger, je vais refaire ton pansement. Désolé de te brusquer mais je dois partir bientôt, lance Hékos en se levant.

Lelyâh le suit dans sa chambre. Alors que son bienfaiteur défait les derniers morceaux de cataplasme, il s'exclame :

— Oh, ça guérit drôlement bien !

Il tâte les bords de l'ecchymose.

— J'ai rarement vu une telle faculté de récupération ! Faudra que tu me donnes la recette ! Il a déjà réduit de moitié, regarde !

Lelyâh observe plus par politesse qu'autre chose, elle n'a aucune idée du rythme de guérison d'une telle blessure. Ça aussi, elle l'a oublié.

— Je pense que d'ici deux solaris nous pourrons arrêter les bandages.

Hékos quitte ensuite la maison alors que Lelyâh retourne en cuisine où Saëlle prépare du pain.

— Lelyâh, je vais en ville toute à l'heure pour acheter de nouvelles chausses.

— Je peux t'accompagner ? demande la jeune femme dont les yeux pétillent à l'idée de flaner dans les rues d'une cité.

— Bien sûr !

Deux heures plus tard, elles marchent sous une arche de bois dont toute la surface est couverte de bas-reliefs présentant des motifs végétaux d'une extrême finesse. Lelyâh est subjuguée par son raffinement.

Les rues de la cité sont pourvues d'une large route en terre battue où circulent de nombreuses charrettes, de trottoirs plus étroits bordés de part et d'autre de maisons à étages en bois entrelacé. Contrairement aux habitations de campagne, chaque fronton et chaque pourtour de fenêtre est orné de détails sculptés à même le bois et peints de couleurs vives, créant une atmosphère joyeuse et relaxante. Lelyâh laisse son regard se balader sur toutes ces nouveautés.

Après une bonne marche, ponctuées de quelques bousculades, elles arrivent sur une vaste place où sont installées des tentes à même le sol. Sous chacune d'elles s'étalent des marchandises des plus variées. Une odeur d'épices et de guillermo flottent dans l'air.

— Viens par là, le vendeur de chausses est au bout du marché, l'informe Saëlle.

— Lelyâh, regarde cette robe, elle est magnifique ! Je vais demander à maman si elle peut me l'acheter. Il m'en faut une neuve de toute façon !

Lelyâh se crispe en entendant la fillette. Pas maintenant !

— Lelyâh, fais attention à ta soeur, elle est parfois tête en l'air et risquerait de se perdre ! lance un homme.

La jeune femme est émue par cette voix grave où perce l'autorité. Elle regarde autour d'elle. Les gens continuent leurs activités comme si rien ne s'était passé. Personne ne la regarde, personne ne lui adresse la parole. Pourtant elle a bien entendu cette voix. Quelqu'un ici la connait ? Où ça ? Qui ? Elle cherche Saëlle qui a disparu de son champ de vision. Lelyâh commence à angoisser. Cet homme doit être une nouvelle hallucination, ni lui ni la fillette ne sont réels. Quand cela va-t-il s'arrêter ? Quand trouvera-t-elle un peu de paix ? Pourquoi personne ne peut l'aider ?

Tu vois, on ne veut pas de toi ! Tu es seule, c'est comme ça que cela doit finir. Viens avec moi, retourne à la rivière. Rejoins-moi, lui intime le serpent d'ébène.

La respiration de Lelyâh devient irrégulière.

— Lelyâh, tu as bien entendu, fais attention à Nézÿl ! Merci, ma fille ! reprend la voix d'homme avec affection.

Encore ! Est-elle en train de devenir folle ? Est-ce la raison pour laquelle elle s'est retrouvée seule au milieu de nulle part ? Est-ce une punition pour quelque chose qu'elle aurait commis par le passé ? Sa gorge se serre et les larmes menacent de couler. Elle aurait mieux fait de rester à la maison au lieu de se donner ainsi en spectacle. "Viens !" répète la voix du monstre intérieur.

Lelyâh se voûte.

— Ah, Lelyâh tu es là ! J'ai eu peur de t'avoir perdue. C'est vrai que tu n'es jamais venue, j'aurai du être plus attentive, excuse-moi.

Saëlle pose sa main sur l'épaule de Lelyâh. Cette dernière sursaute. Puis, un peu rassurée, elle fredonne un air appris à ses côtés. L'envie de pleurer reflue lentement.

— Ça va ? demande Saëlle inquiète devant le mutisme de la jeune femme.

— Oui, un vertige, mais c'est passé. C'est ma faute, j'ai été distraite, parvient-elle à articuler d'une petite voix.

— Viens, j'ai vu une ceinture qui irait parfaitement avec ta tunique, la tienne va bientôt casser. Dis-moi ce que tu en penses.

— Ce n'est pas la peine. Merci.

— Fais moi plaisir et accepte ce cadeau.

Saëlle la regarde avec une telle intensité qu'elle ne peut refuser. La jeune amnésique se penche sur l'objet : une bande de cuir marron est retenue par une pièce métallique cuivrée où semblent se déployer des ailes, deux lainères ornées de feuilles de Gynko sont retenues chacune par un clou doré et viennent se déposer sur les hanches. Devant le regard insistant de Saëlle, Lelyâh lève les bras pour permettre au vendeur de passer l'accessoire autour de sa taille. Ses yeux pétillent, elle est magnifique !

Le reptile retourne se terrer dans son inconscient pour lui offrir un répit salutaire.

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