Chapitre 11.3 - LELYÂH - Folle

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Lorsque Lelyâh rentre peu avant le dîner, elle prend un bain dans une baignoire placée dans le coin de sa chambre avant d'enfiler une tenue présentable. Elle se compose une expression enjouée pour masquer la tempête qui gronde encore en elle. Puis la jeune femme se rend dans la salle à manger, où les deux familles sont déjà installées. Diane converse avec Carmanor ce qui surprend la soigneuse. De la main, lord Olmo lui fait signe de prendre place à ses côtés. Lorsqu'elle s'installe, il lui glisse à l'oreille :

— J'ai appris pour le poulain, comment te sens-tu ?

Ses mains se crispent aussitôt sur sa jupe, sa nuque raide l'empêche de tourner la tête vers son interlocuteur.

— Je... Je suis désolée. Je...

— Ce n'est pas ta faute, merci d'avoir veillé sur sa mère.

Une vague de douce chaleur parcourt le corps de la jeune femme. Ces quelques mots amenuisent l'orage qui gronde en son sein.

Lelyâh n'a pas la force de parler durant tout le repas. Elle observe Lord Olmo et son ami discuter à bâtons rompus des nouvelles du pays, de leur famille ou évoquer des souvenirs de jeunesse. Diane et Carmanorconversentvtoujours, mais étant situés à l'autre bout de la table, elle ne peut pas suivre le sujet de leur conversation. En réalité, c'est surtout Carmanor qui mène la discussion, Diane se contentant de répondre poliment ou d'afficher une expression à propos semble-t-il, au vue de la joie qui irradie du jeune homme. Carmanor est un beau jeune homme, avec ses épaules carrés et son mention volontaire. Ses cheveux blond foncé, qui tombent sur ses épaules, sont attachés en une demi-queue. Sous ses épais sourcils, ses yeux d'un vert sombre laissent entrevoir un homme tempéré et à l'esprit vif.

À la fin du repas, les parents se dirigent vers le petit salon. Lelyâh se dépêche de se lever pour sortir de la pièce et monter dans sa chambre. Elle ne veut parler à personne, pas même à son amie. La jeune femme entend des pas légers derrière elle, rapidement suivis d'une démarche plus appuyée. Diane a dû vouloir la rattraper mais elle a été stoppée par Carmanor qui souhaite poursuivre leurs échanges. Lelyâh en profite pour filer.

Elle se prépare à se mettre au lit et prend dans une petite boîte, cachée sous son matelas, quelques sachets d'herbes qu'elle a subtilisé dans la pharmacie. Ils servent normalement à endormir un malade qui doit subir une lourde intervention, mais c'est le seul remède qu'elle a trouvé pour stopper ses cauchemars. Il est difficile de sortir de l'état cotonneux qui survient le lendemain. Toutefois, ce soir c'est nettement préférable à l'image du poulain sans vie qui ne cesse de défiler devant ses yeux.

Elle est réveillée en sursaut. Lelyâh essaie de crier, mais une main est plaquée avec fermeté sur sa bouche.

— C'est moi, ne dis rien je t'en prie et écoute-moi.

— Diane ?

— S'il te plaît, écoute-moi.

— D'accord, répond-elle en essayant d'éveiller son esprit embrumé du médicament pris seulement quelques heures plus tôt.

— J'ai essayé, je ne peux pas. C'est trop dur. J'ai passé les premières heures de la nuit à préparer mon paquetage. Je pars en Contrée Cybeline. Je veux retrouver ta mémoire. J'aimerais que tu m'accompagnes.

— Je...

— Tu vas de plus en plus mal, et moi j'ai besoin de changer d'air et vite !

— C'est trop précipité ! Laisse-moi le temps...

— Je pars, avec ou sans toi. Avec ou sans ton approbation. Je t'ai déjà préparé tes affaires au cas où, et deux chevaux nous attendent sellés à l'écurie.

Des images et des pensées défilent à une vitesse vertigineuse dans son esprit : le poulain mort, la voix de la fillette, puis la voix de l'homme et de la femme, une flèche fichée au centre de la cible, le soin des rapaces cinq solemnum plus tôt, le serpent qui prend de plus en plus de place... Mais aussi les chants de Saëlle, la gentillesse des Olmo, son métier de soigneuse, de nouveau le poulain mort. Que doit-elle faire ? Puis, la sentence implacable : l'abandon immiment de Diane et son don de soigneuse qui l'a quittée. Une seule option s'offre à elle : partir et découvrir la vérité sur ses origines.

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