Chapitre 12.1 - BASTUS - Volos

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Lorsque Bastus arrive enfin à la salle d'armes, son frère est là. Kartos a pris pour habitude de s'entraîner avec lui, un moyen de le rabaisser chaque solaris un peu plus. Cela permet aussi à Kartos de garder un contrôle sur ses agissements et de lui rappeler qui est aux commandes et pour quelles raisons.

Certains se sont rebellés dans les premiers solaris qui ont suivis la victoire. Cette tentative d'opposition et cet esprit de révolte, face aux exactions commises sans motif avéré, ont été tués dans l'oeuf par l'extermination pure et simple des opposants. Pas de procès, pas d'explications, pas de repentirs possibles. Bastus a préféré enfermer à clé ses griefs et sa douleur puis noyer ses tourments dans l'alcool. Comment aurait-il pu s'opposer à sa mère et à son propre frère ? Quels moyens aurait-il eu de résister ? Il était plus simple de laisser faire. Même si cela lui coûtait sa santé mentale.

En voyant le sourire narquois de son jumeau, il fait de nouveau un bond dans ses souvenirs.

Lorsque Bastus entre dans la salle du Conseil Vulcae, le souverain gît par terre décapité, le corps en lambeaux. Ses fils sont éparpillés à ses côtés, lacérés de coups d'épée, certains démembrés. Des mares d'un rouge vif et profond maculent le sol parsemé de quelques morceaux de chair. L'odeur saisit le nez et la gorge du prince. C'est à peine soutenable. Au milieu de ce chaos meurtrier, il entend des cris aigus et quelques râles graves, provenant d'une pièce adjacente. Il se dirige tel un somnambule vers le bruit, et découvre son frère entouré de sa garde rapprochée en train de prendre de force les femmes et les filles de la famille tout juste déchue. Certaines gisent déjà éventrées sur le sol, tandis que son frère pénètre avec une brutalité animale une femme, certainement la reine, exangue et dont les habits sont devenus pourpre ; de son propre sang ou de celui des siens, Bastus est incapable de le dire. Une fillette de dix solemnum à peine pousse de petits cris perçants chaque fois que Gherki la soumet à ses pulsions sexuelles. Son visage est humide de larmes et du sang qui ruisselle d'une plaie à son front.

À l'évocation de ses souvenirs, Bastus sent des spasmes violents agiter son ventre. Il régurgite le peu qu'il a pu avaler au réveil, dans un flot de bile qui lui laisse la gorge en feu.

Qu'elles reposent en paix désormais.

— Tu es pathétique, lance Kartos un éclat de mépris dans la voix. Heureusement que la Suprême Polémarque tient aux liens du sang. Si ça ne tenait qu'à moi, tu serais mort depuis bien longtemps. Regarde ta médiocrité, tu ne peux même plus te battre, nous devons encore annuler un entraînement.

Kartos s'avance vers lui et lui agrippe le bras avec force :

— Mère te fait mander au Nord, à Volos, où des poches de résistance donnent du fil à retordre à nos hommes. Il faudra les traquer et les exterminer. Le froid de ces contrées te fera sûrement du bien !

Exil, voilà ce dont il s'agit. Sa mère ne peut le répudier, elle opte pour une mission dans l'arrière-pays étranger pour se débarrasser de lui. Et il devra encore tuer de pauvres innocents. Bastus a le sentiment de subir une double peine. Jusqu'où cet enfer va-t-il le poursuivre ?

— Tu pars dans l'instant, ajoute Kartos.

— Puisque la situation est tendue, il me faudrait un détachement d'hommes, au cas où il y aurait une mauvaise rencontre.

— Je te laisse prendre Teïos et quatre de ses hommes.

S'ils se retrouvent dans une embuscade, leur groupe sera ridicule face à des rebelles armés et organisés, mais comme il l'a compris depuis longtemps, il est inutile de discuter avec son frère. Kartos fait passer pour une concession de lui adjoindre Teïos, pour mieux garder sous sa coupe le reste des fidèles de Bastus. Il ne faudrait pas risquer une révolte interne en plus des émeutes Vulcae. Bastus doute que cette idée vienne de Kartos, trop subtile pour lui, cela sent les manigances intelligentes de sa mère. Il imagine fort bien comme elle serait satisfaite s'il lui arrivait malheur au passage. Elle n'aurait plus qu'un seul héritier.

Malgré le mal de tête, à nouveau plus pressant, Bastus rassemble au mieux ses idées. Il passe d'abord voir Teïos, soulagé de quitter les lieux. Le prince lui fait entièrement confiance pour choisir les soldats qui les accompagneront. Il lui demande également de s'occuper de l'équipement nécessaire pour le froid de ces contrées septentrionales. De son côté, Bastus passe par les écuries pour faire préparer les bêtes, sans oublier de prendre ses deux pygargues. Il remonte ensuite faire son sac de voyage, entassant à la va vite ses affaires. Le prince reprend deux tasses de guillermo, histoire de rester alerte sur la route. Ils devraient chevaucher environ une demi-journée avant d'arriver à destination.

Lorsqu'il se rend de nouveau aux écuries, les chevaux sont scellés et attendent devant les portes avec Teïos et trois de ses meilleurs éléments, Deloÿs, Frey et Their. Bastus n'a pas besoin de lever la tête pour savoir ses oiseaux prêts au départ, perchés sur le toit au-dessus de lui.

— Alors, prêt à découvrir la chaleur des femmes du Nord, lance Teïos avec un clin d'oeil.

— Je te laisse l'honneur, je vais commencer par leur eau-de-vie qui a la réputation d'arracher la langue. Allons-y.

Les cavaliers lancent leur monture à un trot soutenu, les deux rapaces poussant alors un cri strident avant de prendre leur envol.

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