Chapitre III partie 1

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Une fois encore, la sonnerie de son smartphone le réveille en sursaut.

— Oui, allô, bredouille Chris en peinant à ouvrir les yeux.

— Coucou mon chéri, c’est maman. Tout va bien ?

— Oh, bonjour, maman. Oui ça va, merci.

— Avec ton père on pensait te prendre au passage pour aller à la chapelle, tout à l’heure. Ce serait gentil de ta part de venir, cette fois-ci.

« Merde… la cérémonie… Yvan… »

Les événements des heures passées l’ont tellement retourné qu’il ne se souvenait pas que c’était aujourd’hui.

— Ah, oui... d’accord, je vous accompagne…

Une atroce migraine lui martèle subitement le crâne.

— Nous serons là dans dix minutes ! Ne traîne pas, d’accord ?

— Oui, maman… merci, maman… à tout à l’heure, maman…

Sa façon de le traiter comme un enfant à presque quarante ans l’agace au plus haut point, sans compter son mal de crâne qui s’intensifie. Fils unique, sa mère s’est toujours montrée surprotectrice, ce qui ne l’a pas vraiment aidé durant sa jeunesse. Heureusement, son père savait comment calmer les angoisses parentales de la matriarche et était toujours parvenu à pousser Chris à se surpasser ou à tenter de nouvelles expériences. Sans quoi il n’aurait jamais fait d’études et vivrait probablement encore avec eux, pour le plus grand plaisir de sa mère.

Lorsqu’il se lève pour chercher un cachet d’aspirine, la clé tombe à ses pieds. Son cœur se serre à l’instant où elle percuta le sol. Fébrile, il la ramasse et la remet autour de son cou. Sa migraine disparaît aussitôt.

« Une protection… »

L’ultimatum imposé par sa mère lui revient brusquement en tête. Il fait un rapide détour par la salle de bain pour se rafraîchir, même s’il donnerait tout pour avoir le temps de prendre une douche froide, remettre ses idées en place. Il s’asperge le visage et les cheveux, puis attrape son sac pour rejoindre ses parents aux pieds de l’immeuble.

Installé à l’arrière de la berline, il embrasse ses parents entre les sièges avant.

— Tu es bien pâle, mon chéri… tout va bien ? demande sa mère avec une inquiétude palpable.

— Il se remet probablement de sa soirée d’anniversaire, lance son père en mimant une personne qui boit.

— Oui, c’est exactement ça. Et sinon ? Le ski ? les coupe Chris pour ne pas se justifier.

— Très sympathique. Une belle quantité de neige et des pistes agréables. En revanche, il y avait beaucoup trop de monde, impossible d’avoir une chaise longue pour se reposer après une descente. Tu imagines ?

— J’imagine, mais dans la mesure où vous y allez chaque année et que, chaque année, tu me dis la même chose, peut-être que l’an prochain vous pourriez… changer de station ?

Son père étouffe un rire, sa mère le fusille du regard.

— Ça ne m’étonne pas de toi, tu es bien le fils de ton père. Du changement, toujours du changement ! Parfois, je m’étonne qu’il ne me traite pas comme ses voitures, à en changer toutes les cinq minutes.

— C’est parce que je t’aime et que je serais totalement perdu sans toi, ma chérie, lance son père en lui faisant un clin d’œil. Ne l’embêtons pas avec nos histoires, il n’a pas besoin de ça aujourd’hui, ajoute-t-il discrètement.

— Je vais très bien, rétorque Chris en roulant des yeux. D’ailleurs, j’adore écouter vos problèmes futiles, ça me change les idées.

Son ton moqueur trahit le manque de sincérité de ses propos, il ne peut s’empêcher d’esquisser un sourire en entendant sa mère grommeler.

Les quarante-cinq minutes de trajet qui les séparent de la chapelle sont plutôt silencieuses – Chris n’a pas vraiment la tête à bavarder. Outre les événements des dernières heures, il angoisse à l’idée de parler à ses ex-beaux-parents. Depuis la disparition d’Yvan, c’est la première fois qu’il se rend à l’une de leurs cérémonies en son hommage. Ne partageant par leur avis sur la question de sa possible mort, il s’est volontairement éloigné d’eux.

Arrivé sur le parking, un imposant SUV est déjà garé là. La chapelle, une petite bâtisse du treizième siècle, sans prétention, fut construite au cœur d’une clairière par une délégation de moines Cisterciens. D’une forme ovoïde, elle ne dépasse pas les soixante mètres carrés, quand au-dessus de l’entrée, se dresse un petit clocher à cloche unique. Les arbres et la neige renforcent l’aspect apaisant et bucolique de l’endroit.

— Bonjour, Chris.

Il reconnaît instantanément la voix qui l’interpelle. Il se retourne, fébrile.

— Bonjour…

En entendant leur voiture, la mère d’Yvan est sortie pour les accueillir.

— Je suis heureuse de te voir, dit-elle en s’approchant pour le serrer dans ses bras, les yeux humides.

— Moi aussi…

L’enivrant parfum de sa belle-mère fait remonter tant de souvenirs qu’il ne peut retenir ses larmes. Ce doux mélange d’agrumes, de rose et de bergamote qu’elle porte depuis toujours, et qui lui sied à merveille.

— Tu nous as beaucoup manqué, dit-elle en essuyant les larmes sur les joues de Chris.

Son mari les rejoint. Impressionné, Chris tente d’expliquer son comportement, mais il le coupe en l’attrapant par l’épaule. Il plonge son regard dans celui de son beau-père et remarque des larmes perler aux coins de ses yeux. Il l’attire affectueusement vers lui et le serre si fort dans ses bras, que Chris ne peut plus pouvoir respirer. Son beau-père hoquette en tentant de cacher son émoi.

— Ce qui est important, c’est que tu sois à nouveau là. On a déjà perdu un fils, hors de question d’en perdre un deuxième.

Malgré leurs mésententes, ses mots lui font chaud au cœur.

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