Chapitre III partie 2

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Leur cérémonie n’a rien d’officiel – leurs deux familles étant athées, ils ne célèbrent pas de messe. Juste une simple réunion entre proches, consacrée à parler d’Yvan et des bons moments qu’ils ont vécus. Une manière comme une autre d’honorer sa mémoire, même si pour Chris, rien ne prouve qu’il soit mort.

L’endroit n’a rien d’ostentatoire – le baptistère est sobre, avec ses murs en pierres sommairement taillées. Une simple lanterne étain éclaire difficilement l’endroit depuis son centre. Mais un petit vitrail multicolore, surplombant un autel en bois sur lequel sont posés un napperon en crochet blanc ainsi que deux bougeoirs en bronze, laisse passer quelques rayons de lumière bienvenus. Dans le coin droit, un vieil orgue à soufflet trône à côté d’un candélabre en fer noirci. Sur la gauche, une statue de la vierge Marie, berçant l’enfant Jésus, a été placée dans une petite alcôve voûtée.

Chacun allume un cierge avant de s’asseoir en silence sur un même banc pour évoquer leurs souvenirs communs. Mais la discussion s’envenime, les esprits s’échauffent. Chris est incapable d’approuver le potentiel trépas de son bien-aimé.

— Jusqu’à preuve du contraire, Yvan n’est pas mort.

— Chris, tu dois faire ton deuil. La police n’a trouvé aucune piste qui laisse croire le contraire ! rétorque son beau-père.

— Ce n’est pas parce qu’ils sont incompétents que nous devons penser au pire ! Je suis certain qu’Yvan n’est pas mort !

Sa belle-mère éclate en sanglot.

— Tu vois ce que tu fais à rester borné ? lance son beau-père en prenant sa femme dans ses bras.

— Ce n’est pas de ma faute si vous avez baissé les bras !

— Ça suffit, Chris ! s’écrie soudain sa mère qui lui fait face.

Le regard de Chris s’assombrit, ses pensées se bousculent dans sa tête. Il soupire, se pince l’arête du nez.

— Non, ça ne suffit pas ! Vous devriez tous avoir honte de l’abandonner à son sort !

Sa mère le gifle. Un mouvement mécanique, presque involontaire. Effaré, Chris pose une main sur sa joue endolorie. Le silence est oppressant. L’atmosphère irrespirable. Il secoue la tête, une larme roule sur sa joue. Il se précipite à l’extérieur, son père tente de le retenir mais son regard furieux l’en dissuade. Dehors, la neige s’est remise à tomber, le froid est saisissant.

Déterminé par la colère, Chris s’avance sur la petite route devenue glissante. Il perd l’équilibre et s’écroule, laisse éclater sa tristesse et son désespoir. Son père l’a rejoint. Il l’aide à se relever et le prend dans ses bras.

— Je comprends ta douleur, mon fils. Mais tu dois comprendre que chacun fait son deuil à sa manière.

Il pose délicatement ses mains sur ses joues rosies par le froid. Il lui sourit.

— Tu as raison, Yvan n’est pas mort, pas dans nos cœurs du moins.

Chris baisse les yeux, serre les lèvres.

— Tu as raison, papa. Pardon…

Son père sourit à son tour, avant de lui ébouriffer les cheveux et de l’attirer vers la chapelle.

Aux alentours de dix-huit heures trente, son père propose d’inviter le petit groupe au restaurant, ce que les parents d’Yvan acceptent volontiers. En se levant du banc, Chris aperçoit un bref éclat lumineux provenant de la porte de la sacristie. Les autres regagnant l’entrée de la chapelle, Chris s’approche, mais l’éclat décline. Si bien qu’il réussit tout juste à le percevoir se dégageant de la serrure. Sa mère se retourne pour l’interpeller.

— J’arrive tout de suite, j’ai perdu un bouton de mon manteau, feint-il.

Mais à l’instant où elle disparaît à l’extérieur, la serrure de la porte se met à siffler en se tordant dans tous les sens. Le métal devient de plus en plus brillant, scintillant d’un éclat similaire à celui de la clé, et ses contours s’arrondissent avec magnificence.

Hypnotisé par ce ballet, Chris retire machinalement la clé de son cou et l’y insère sans effort. Un tintement mélodieux se fait entendre lorsque le paneton actionne le mécanisme. La porte s’ouvre doucement, sans un bruit. Mais Chris a à peine le temps de jeter un coup d’œil dans la pièce, qu’elle se referma violemment, au même instant où son père passe la tête par la porte de la chapelle.

— Chris, qu’est-ce que tu fais ? Il fait froid dehors, on attend plus que toi !

— J’arrive, répond-il en marchant vers son père

Tandis qu’il remet la clé autour de son cou, son patriarche l’interpelle.

— Que fais-tu avec cette clé de placard ?

— Oh, ça ! C’est un cadeau pour mon anniversaire. Une bonne blague, je suppose ! lance-t-il, pris de court.

— Vous, les jeunes !

Au restaurant, Chris a beaucoup de mal à rester concentré sur la conversation. Sa seule hâte est de retourner à la chapelle pour découvrir ce qui se cache derrière la porte de la sacristie. Le repas terminé, il promet à ses beaux-parents de passer les voir rapidement, puis se fait raccompagner chez lui. Aux pieds de son immeuble, il embrasse ses parents.

— Passe une bonne nuit, mon chéri.

— Merci, maman. Vous aussi et rentrez bien.

Chris regarde leur voiture s’éloigner, fébrile. Sitôt ont-ils tourné au coin de la rue qu’il attrape son smartphone pour appeler un taxi. Ce dernier arrive très rapidement, contrairement au trajet vers la chapelle qui lui paraît interminable. La neige ralentit grandement leur progression, tant le chauffeur doit redoubler de vigilance pour éviter l’accident.

L’heure est proche de minuit lorsqu’ils arrivent enfin à la chapelle. Une atmosphère lugubre a remplacée celle bucolique de l’après-midi. Le ciel nuageux bloque la lumière de la lune. Un frisson lui monte le long de l’échine lorsqu’il réalise être seul au milieu des bois, en pleine nuit.

Lorsqu’il tente d’entrer dans la bâtisse, il se trouve bloqué par la porte verrouillée. Un petit écriteau cloué sur le côté dit, « Ouverture de la chapelle 8h00, fermeture 20h00 ». Il se retrouve bien embarrassé.

« Je dois trouver un autre moyen d’entrer »

Alors qu’il fait le tour de l’édifice à la recherche d’une issue, Chris remarque que la clé irradie à nouveau une douce chaleur bleutée. Revenant devant la porte principale, il interroge l’objet :

— Tu peux m’aider à entrer ?

Aussitôt, la serrure se déverrouille et la porte s’entrouvre en grinçant. Chris reste interdit quelques secondes, stupéfait. Son regard se pose sur la clé.

— Merci… dit-il d’un ton incertain.

Éclairant son chemin avec le flash de son smartphone, il avance prudemment en direction de la porte de la sacristie lorsqu’une angoisse lui vrille l’estomac.

« Et si c’était une erreur ? Ça pourrait être dangereux… »

Une voix résonne soudain autour de lui – la même entendue quelques heures auparavant.

— Vous êtes proche, élu…

Prenant une grande inspiration pour se donner du courage, il insère fébrilement la clé dans la serrure qui se déverrouille sans un bruit. Il pénètre dans la pièce, mais la porte se referme violemment derrière lui. Paniqué, il s’acharne sur la poignée avant de remarquer que la porte est verrouillée – le côté duquel il se trouve ne disposant pas de serrure. Une odeur étrange lui monte soudain au nez, un parfum de produit chimique. Avant qu’il n’ait le temps de réagir, il s’écroule lourdement au sol, prit de vertiges.

— Bientôt, votre destin sera révélé…

Les mots résonnent à ses oreilles, tandis qu’il est emporté contre son gré dans une torpeur léthargique…

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