Xantha se sentait essoufflée avant même d’avoir commencé à s’enfuir. Pourtant, elle se sauva avec une rapidité qu’elle ne se connaissait pas. Elle ne parvenait pas à réfléchir, ses idées s’embrouillant dans son esprit. Il n’y en avait qu’une qui dominait toutes les autres. La peur. La peur de cette créature qui la poursuivait, marchant avec une hâte surnaturelle, comme si elle flottait juste au-dessus du sol sans vraiment le toucher. La sorcière, jetait fréquemment de brefs regards en arrière, pour s’assurer qu’elle distançait malgré tout le démon. Elle tourna à l’angle d’un couloir, se précipitant sur l’autre chemin qui la menait aux archives. Elle ne pouvait plus quitter la forteresse. Elle ne pouvait laisser la créature sévir ailleurs, s’échapper de ces murs et faire des ravages dans le royaume déjà mis à mal. La femme passa une porte, et ne prit pas la peine de la refermer. Dione l’avait dit, aucune porte ni mur ne pouvait freiner le démon. Aussi, il valait mieux ne pas perdre de précieuses secondes.

Le halètement se rapprocha alors que Xantha atteignait le très long escalier de pierre, qui s’enfonçait dans les entrailles de la terre. Elle dévala les marches éclairées par des torches mourantes, qui s’éteignaient juste derrière elle. La créature préférait l’obscurité. La sorcière sentait que si les ténèbres se refermaient sur elle, elle aurait perdu sa course contre le monstre. Elle manqua plus d’une fois de rater une marche, et de dévaler brutalement, et fatalement, les colimaçons. Son cœur allait exploser, ses chevilles brulaient. À grand peine, elle descendit les quelques pierres qui la séparaient des portes des archives. Avant de découvrir que ces dernières étaient grandes ouvertes, ce sont les traces de sang qui captèrent toute l’attention de Xantha. Si le corps de Frimelda avait été retiré, le carnage qui avait conduit à son meurtre avait imprégné la pierre. Le sol, les murs, et même le plafond étaient tachés. Serait-ce bientôt son propre sang qui recouvrirait les murs ?

La femme entra dans la salle éclairée de bleu lorsque la dernière torche des escaliers s’éteignit. Elle n’avait plus le temps. Elle louvoya entre les rayonnages pour rejoindre celui où elle avait surpris sa protégée, la veille. Elle eut une brève pensée pour elle. Allait-elle bien ? S’était-elle enfuie sans encombre ? Et si la créature décidait de la pourchasser ?

Il n’y avait plus de mort à ses trousses. Il n’y avait plus de torche qui s’éteignait. Il n’y avait plus de halètement. Le calme semblait revenu sur les bibliothèques. Son don amoindri par les murs d’obsidinite, Xantha luttait pour maintenir la flamme qui apportait un peu de lumière entre ses doigts, et s’assurait que chaque coin sombre était vide. Au bout de longues et angoissantes minutes, elle retrouva le livre qu’elle cherchait. Sur sa couverture défraichie, elle relut le titre donné à l’ouvrage. « Sangriffe ». Avec précipitation, elle commença à parcourir les pages, dans l’espoir de trouver un moyen d’éliminer la créature. Sous un portrait désormais vide, dans lequel cette dernière devait avoir été enfermée, elle découvrit la mention évoquant le Sangriffe, une bête terrifiante qui n’était pas de ce monde. Mais rien qui pouvait l’aider à la vaincre. Du moins, pas dans les grandes lignes. Il lui fallait trouver un endroit plus sûr, où elle pourrait en apprendre davantage. Elle referma le manuscrit qui sentait le moisi, et commença à rejoindre la sortie.