Le commencement

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Je ne t'ai pas raconté. Ca me rappelle, que je ne l'ai jamais dit à ma psy. C'était tellement ordinaire pour moi.

Le 27 mai 1998, 10 h 50, à Saint-Paul de la Réunion, je fais mon arrivée. J'avais déjà une grande soeur, qui était placée à la pouponnière, et moi plus tard, à 11 mois. Puis ma petite soeur est née, un an plus tard, de la même génitrice, mais pas géniteur, et fut elle aussi placée à la pouponnière.

C'est encore tout bébé que je commence ma première aventure de vie, après la pouponnière je suis mise dans une famille d'accueil. Mon âme d'enfant avait compris qu'un jour je n'allais plus être avec eux, mais qu'ils étaient ma famille quoiqu'il arrive. J'espèrais quand même rester avec eux toute ma vie.

S'ensuit la découverte du mot famille, les disputes, les bêtises. Oui les bêtises. Je ne saurais pas où commencer. Avec mes cousins, les petits enfants de ma mamie d'accueil. Dites le moi si vous êtes perdus, j'ai l'habitude de faire des dessins dans ces occasions. On en a fait des bêtises... Ca se finissait toujours par des coups de ceintures, ceintres, ou ce qu'ils avaient sous la main pour nous punir. A l'ancienne que veux-tu. Ce n'est pas pour autant qu'on ne recommencait pas. Mais on apprenait à être plus mâlin, à moins se faire choper. J'ai encore des cicatrices de ceintres. C'était la fois où on nous avait dit de ne pas jouer au foot à l'intérieur, précision : à côté de la télévision. On a écouté, mais de travers, et on a joué à l'intérieur. Puis le téléviseur est devenu un écran plat, avant-gardiste pour les années 2000, quand on se souvient des bedaines qu'ils avaient. Se fut le plus grand moment de silence de l'histoire, et, généralement les parents savent quand des enfants ne font plus de bruit ... C'est qu'il y a bêtise sous enfant. Pas faux. On avait commencé la plus grande course poursuite de notre vie. Pour finalement finir un par un entre les jambes du grand-père, ceintre à la main, et pantalon baissé.

J'essaie de le tourner joyeusement ce souvenir, mais tu peux le voir, je suis encore traumatisée, même en portant cette cicatrice de guerrière, je crois que c'est pour ça que j'ai une aversion pour le foot maintenant.

Tu te demandes si je connais mes sœurs, bien sûr. D et E. Elles aussi ont été placées dans des familles d'accueil. On se voyait quelques fois les week-ends, surtout pendant les anniversaires, et les sorties avec l'assistante sociale, mes préférées. Souvent, on jouait aux jeux de rôle. Comme par hasard : le papa et la maman. Je ne sais pas si on avait un pet au casque, mais on simulait tout. Tout. Vraiment tout. C'est bien parce qu'on était sœurs, mais parfois, je trouvais ça étrange. Je veux dire, je n'avais pas forcément envie de faire le papa, de rouler une pelle à E, et de m'occuper du gosse. Je voulais jouer comme avec mes cousins, des trucs où on peut se faire mal, à la voiture, je ne sais pas un truc de fou. Mais j'appréciais quand même énormément ces moments.

La fameuse assistante sociale : Julie. Quelle douceur cette femme. J'ai quelques souvenirs d'elle, et heureusement, quelques photos pour ne pas oublier son visage. C'est elle qui a construit nos dossiers pour nous aider à nous faire adopter. Drôle de phrase. Elle s'est chargée du plus dur, nous trouver des parents, les papiers relatifs, et cetera, et cetera. Et nous, d'écrire notre histoire. Dans un livret qui est aujourd'hui tout en bas de la bibliothèque entre deux albums photos, j'avais écris, de ma main de 8 ans, "Barlieu N." Parce qu'avant je portais le nom du géniteur. On a agrémenté nos magnifiques livrets, de photos, de mes sœurs et moi, de questionnaires (nos goûts, couleurs, fruits préférés ...).
Oui, j'allais être adoptée seule. Je le voulais fort. Hors de question d'être avec D, la petite princesse, et E, je l'adore, mais pas envie. Je voulais être seule, sans elles. Par chance, la plus grande devait être avec la plus jeune. Et comme je suis la tomate dans le sandwich... Aucun souci à se faire, tout va pour le mieux.

Il y eu je ne sais combien de temps avant que ça se fasse. Puis le grand jour, ce fut un moment pleins d'émotions. Dire au revoir à ma famille d'accueil. A toutes les crasses que j'avais faites, à tous les moments de bonheur qu'on avait pu vivre. Dire au revoir à ma chambre, aux doudous que je ne pouvais pas emporter. Dire au revoir à ma mamie, à mes cousins, aux chats. Bref, j'avais rejoins mes soeurs dans la petite auto blanche de Julie. On a roulé pendant ce qu'il me semblait être des jours. Bien sûr je n'ai pas manqué de dormir, je dors tout le temps dans les trajets. D'abord, on devait accompagner mes soeurs, et en dernière : moi.

Je me souviens des jambes extrêmement blanches de ma mère, ainsi que de mon père, et d'une allée. Eux qui me guette tel le Messie. J'étais une petite crotte, dans le coin de la voiture blanche. Les yeux écarquillés et la bouille timide. Je ne voulait plus sortir, la boule au ventre. On s'était déjà envoyés pleins de lettres, de photos, téléphonés... Mais là, c'était du réel. J'ai paniqué. Je me suis faite toute petite. Et le lendemain j'ai pleuré. J'avais sûrement le cafard. C'est pas tous les jours qu'on rencontre ses parents, qu'on dit au revoir à son île et son petit vécu.

J'avais une ou deux semaines pour dire je pars avec eux, ou non. Le choix était vite fait. Je savais que c'était eux mes parents. Alors j'ai quitté mon île pour aller vivre avec mes parents, dans le bled le plus paumé de la métropole. Le reste vous connaissez : l'accrobranche ou la seule fille colorée de l'école primaire.

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