Chapitre 1 - L'ombre de l'Eclipse

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Diane

Un mois plus tôt…

« Il n’est pas très en forme si tu veux tout savoir… »

Cette phrase de ma mère tourne en boucle dans ma tête depuis hier. J'ai rêvé d'Eclipse la nuit dernière. Amaigri, ses yeux ternes fixés sur moi. Le matin, j'ai appelé mes parents. Ma mère a confirmé mes craintes : il n'allait pas bien.

Pour beaucoup, ce n'est qu'un chien. Pour moi, il fait partie de ma famille. Nous avons grandi ensemble. Je l'ai laissé derrière moi il y a trois ans en m'installant au Japon, mais je n'ai jamais cessé de penser à lui.

« Longprè-san ? »

Je sursaute. Ma professeure me tend une copie. Des rires éclatent dans la salle. Leurs regards me brûlent la nuque. Je m'incline en silence, récupère la feuille d'une main tremblante et me renfonce dans mon siège.

J'aimerais disparaître. Et pas seulement à cet instant.

Depuis mon arrivée dans cette école, je suis l'étrangère, celle qu'on rejette parce qu'elle ne cadre pas. Plus âgée que les autres, pas japonaise, pas à sa place. J'ai essayé de m'intégrer, mais rien n'y a fait. Chaque mot est une épine plantée un peu plus profond, jusqu'à me faire ployer. Ça dure depuis deux ans.

Ces derniers temps, c'est encore pire. Ce vide en moi me donne l'impression de me noyer lentement. Même la musique, mon refuge, ne suffit plus. Aller à des concerts, voir mes idoles en chair et en os, c'était mon rêve. Mais, même au milieu des basses qui font vibrer ma poitrine, je me sens vide, comme si la musique traversait mon corps sans jamais s'accrocher.

La voix de Madame Yamamoto continue de résonner au fond de la salle. Je ne retiens rien. Je pense déjà au travail de ce soir. Une heure de vélo jusqu'au restaurant, puis sept heures de service avant de rentrer me jeter dans mon lit au milieu de la nuit.

La sonnerie retentit. Je me presse, portant une pile de livres contre moi, mon sac mal ajusté sur l'épaule. Dans la cohue, une élève me percute volontairement. Mes manuels s'écrasent au sol. Le claquement sec résonne comme une gifle. Des rires fusent derrière moi.

« Oups, je t'ai pas vue. »

Ma mâchoire se crispe. Chaque livre ramassé semble peser une tonne. Mes yeux se brouillent, mais je refuse de les lever. Pas question de leur offrir mes larmes. Sans attendre, je file vers l'escalier.

Dans le hall, je croise la conseillère. Ses mots polis dégoulinent d'hypocrisie :

« Otsukare-sama desu.¹ »

Je réponds à peine. Je rêve de lui faire un doigt d'honneur, mais cela ne reste qu'un fantasme.

"Elle devrait être actrice, ce faux sourire lui va comme un gant..."

Au lieu de ça, je marmonne un « sayonara » à travers mes dents serrées. Je n'ai pas la force de supporter leur façade aujourd'hui.

Tokyo m'avale dès que je franchis les portes de l'université : le bruit des téléphones, des pas pressés, les uniformes d'écoliers qui emplissent les trottoirs, l'odeur des pots d'échappement mêlée aux effluves de friture des stands de rue. J'avance à contre-courant, ma tête résonne d'une seule pensée : rentrer, dormir. Mais le travail m'attend, comme toujours.

***

Ma chambre me paraît plus étroite que d'habitude lorsque j'y entre, vidée de toute énergie. Le parquet grince sous mes pas. Je laisse tomber mes affaires et m'apprête à sombrer directement dans le sommeil quand mon téléphone vibre dans ma poche.

Un nom s'affiche. Maman.

Mon cœur se serre. Je décroche aussitôt. Des sanglots étouffés me parviennent.

« Ma chérie... Nous sommes chez le vétérinaire. Eclipse refuse de manger. »

Je m'assieds sur le bord du lit, tremblante. J'entends un gémissement en arrière-plan, faible, douloureux. Un son que je n'oublierai jamais. Mes doigts se crispent sur le combiné.

« Ils disent que c'est une tumeur... »

Je ne parviens pas à parler. Ma mère poursuit, la voix brisée :

« Le vétérinaire a donné un sédatif, le temps qu'on prenne une décision. Demain, on avisera. »

Mes larmes coulent déjà, brouillant ma vue. Je veux croire qu'il va guérir. Mais je sais la vérité.

« On ne fera rien sans t'en tenir informée. »

Je hoche la tête, incapable d'émettre autre chose qu'un sanglot.

« Je vous aime. »

Quand je raccroche, mon téléphone m'échappe des mains. Je me recroqueville, les paumes contre mon visage. Je sais que je ne dormirai pas.

***

L'aube finit par percer les rideaux. Mes yeux brûlent. Toute la nuit, j'ai fait défiler les photos d'Eclipse sur mon téléphone : son arrivée à la maison, ses siestes contre moi, ses yeux pétillants quand je sortais la laisse. Je tombe sur une photo prise avant mon départ pour le Japon : mes valises sont prêtes dans un coin, et lui, il est couché contre moi, comme s'il savait déjà. Un sanglot m'échappe.Une notification s'affiche : "est-ce que je peux t'appeler ?"Je compose aussitôt le numéro. La tonalité s'étire, interminable. Puis sa voix, étranglée :

« Ça y est, il est parti. »

Le monde s'arrête de tourner. Mon cœur se déchire.

« Il souffrait trop... On a dû... »

Je ferme les yeux.

« Tu as bien fait, maman. Il le voulait. »

Ma voix tremble.

Elle m'explique, entre deux sanglots : la piqûre, le calme qui l'a envahi aussitôt, son corps enfin apaisé. Une partie de moi est soulagée qu'il ne souffre plus, une autre se noie dans la culpabilité. Je n'étais pas là. Je l'ai laissé partir seul.

« Il a eu une belle vie, Diane. Tu n'aurais rien pu faire. »

Je serre mon tee-shirt contre ma poitrine comme si ça pouvait combler le vide qui s'y creuse.

« Je t'aime maman. »

Je raccroche. Le silence me hurle dans les oreilles jusqu'à ce qu'elles se mettent à bourdonner. J'enfouis mon visage contre mes genoux, sentant les larmes imprégner mon legging.

Eclipse est parti. Et une partie de moi avec lui.On ne fera rien sans t'en tenir informée. »Je hoche la tête, incapable d'émettre autre chose qu'un sangloll.

« Je vous aime. »Quand je raccroche, mon téléphone m'échappe des mains. Je me recroqueville, les paumes contre mon visage. Je sais que je ne dormirai pas.

***

L'aube finit par percer les rideaux. Mes yeux brûlent. Toute la nuit, j'ai fait défiler les photos d'Eclipse sur mon téléphone : son arrivée à la maison, ses siestes contre moi, ses yeux pétillants quand je sortais la laisse. Je tombe sur une photo prise avant mon départ pour le Japon : mes valises sont prêtes dans un coin, et lui, il est couché contre moi, comme s'il savait déjà. Un sanglot m'échappe.Une notification s'affiche : "est-ce que je peux t'appeler ?"Je compose aussitôt le numéro. La tonalité s'étire, interminable. Puis sa voix, étranglée :

trop... On a dû... »Je ferme les yeux.

ots : la piqûre, le calme qui l'a envahi aussitôt, son corps enfin apaisé. Un t soulagée qu'il ne souffre plus, une autre se noie dans la culpabilité. Je n'étais

« Il a eu une belle vie, Diane. Tu n'aurais rien pu faire. »Je serre mon tee-shirt contre ma poitrine comme si ça pouvait combler le vide qui s'y creuse.

« Je t'aime maman. »Je raccroche. Le silence me hurle dans les oreilles jusqu'à ce qu'elles se mettent à bourdonner. J'enfouis mon visage contre mes genoux, sentant les larmes imprégner mon legging.

Eclipse est parti. Et une partie de moi avec lui.ration.

« Tu e chose. » Ma main se crispe sur mon tee-shirt à l’emplacement de mon cœur, espérant que la plaie qui s’y trouve puisse se refermer. « Comment ça s’est passé ? »

« Il n’a pas eu de spasme après la piqûre. Je pense qu’on lui a rendu service, il voulait partir. » C’est pour cette raison qu’il ne s’alimentait plus. Il se laissait mourir, la douleur devenant sans doute insupportable pour lui. Je n’ose imaginer ce qu’il a dû ressentir. D’un côté, je suis soulagée qu’il ait pu trouver la paix, mais de l’autre, je suis anéantie. Je lui adresse de vagues grondements rauques en réponse et renifle péniblement. Je suis tellement sous le choc que je ne trouve plus les mots. « Il faut se dire qu’il a eu une belle vie. Et il ne sera pas tout seul, il va être incinéré avec d’autres animaux et leurs cendres seront jetées à la mer. »

Je me remets à sangloter de plus bel. Je me sens tellement coupable d’avoir été absente alors qu’il avait besoin de moi.

« Tu n’aurais rien pu faire de plus, Diane. » Parfois, j'ai l'impression que le simple fait de m'avoir donné la vie lui confère la capacité de lire dans mes pensées. « pas assisté à ça. » Ses paroles, aussi bienveillantes soient-elles, ne parviennent pas à me réconforter. Le trou béant dans ma poitrine est toujours là et tel un vortex, il avale tout sur son passage. La seule réponse que je lui octroie sont mes notes de mes lamentations. « Est-ce que ça va aller ? »

« Oui », lui mens-je en sachant pertinemment que les tremblements dans ma voix me trahissaient. Mais j’avais besoin d’être seule. Il me suffisait de raccrocher pour me couper du monde. Je n’avais ni attache, ni proche autour de moi et le téléphone était le seul lien social qui me restait.

« Je vais devoir aller me préparer. Merci de m’avoir prévenue.

Si tu as besoin, tu peux m’appeler, d’accord ?

Je t’aime maman, bisous. »

Je n’attends pas qu’elle » Sa phrase est étranglée par le chagrin qui l’accable et je devine qu’elle aussi i pas la force de les affronter après ça. D’ailleurs, je pen s la force pour affronter quoi que ce soit désormais…

________________________

1. En japonais "Je vous remercie pour votre travail."

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