Chapitre 4 L'accident

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Je rejoignais mon club de foot en moto pour mon match du dimanche après-midi en janvier 1974.

Une voiture me croisa à trop vive allure dans un virage, et plongea sans freiner dans un ravin.

Quelques secondes plus tard, deux motards et une voiture de police, gyrophare et sirène passèrent à toute allure sans avoir perçu l'accident.

J'avais garé la moto, et étais descendu dans le ravin. La voiture après être sortie de la route percuta de face un énorme rocher. Sous le choc, la voiture s'était démantibulée, les vitres explosèrent. Le conducteur et son passager avaient la tête en bouillie. Je craignais que la voiture prenne feu, car du liquide s'échappait de dessous. J'allais remonter sur la route quand je perçus sur le siège arrière une petite valise. Je la saisis avant de rejoindre ma moto.

J'entendis les sirènes de la police qui avait fait demi-tour. Je me débarrassais de la valise dans un buisson à quelques centaines de mètres du lieu de l'accident. Et je suis allé normalement jouer mon match de foot.

Au retour, j'empruntais une autre route pour rejoindre mon domicile.

J'avais attendu trois jours pour récupérer la petite valise. Les deux jours précédents, par précaution, j'effectuais le parcours sans m’arrêter pour tenter de détecter une éventuelle surveillance.



Les journaux relatèrent l'accident mortel dans lequel la voiture avait brûlé, et indiqué que la course-poursuite avec la police provenait d'un contrôle pour excès de vitesse pour lequel le chauffard ne s'était pas arrêté. Le chauffeur ainsi que son passager, étaient connus des services de police, et avaient chacun effectué plusieurs séjours en prison. Aucun ne citait la petite valise.



Je l'avais donc récupéré sans encombre. Elle était fermée à clef.

J'étais tranquille, car avec mes gants de moto, je ne risquais pas d'avoir laissé d'empreintes, mais j'étais impatient d'en connaître le contenu : des billets de banque ? Des bijoux ?

Je forçais la serrure en gardant mes gants pour ne pas laisser de traces sur la valise.

À l'intérieur, il n'y avait que du papier journal froissé, protégeant trois petites boites en carton.

Un liquide bleu avait taché le papier journal et les boites.

Chacune renfermait un clou.

Ces clous étaient longs, rouillés, avec une drôle de tête.

Ce n'était pas avec ça que j'allais m'enrichir.

Les individus tués dans l'accident voulaient-ils fuir un vulgaire contrôle de police, ou étaient-ils poursuivis pour une autre raison ?

Je plaçais deux des clous dans un mouchoir que je mis dans ma poche, et cachais la valise et le dernier clou dans les parties communes de l'immeuble, à un endroit où nul ne s'aventurait jamais.

Je me résignais alors à rendre visite au curé de la paroisse que je connaissais depuis longtemps, et dont j'avais déjà fréquenté autrefois le patronage. Je lui avais déjà parlé de certains de mes problèmes.

Il m'avait souvent rendu service et je pouvais lui faire confiance, il ne me dénoncerait pas.

Dès qu'il vit les clous, il me demanda :

- René, où avez-vous trouvé ça ?

J'ai pensé qu'il allait me demander de les jeter. Mais il reformula sa demande.

- Qui vous a fourni ces clous ?

Où est passé le troisième?

Il semblait sincèrement affecté à la vue de ces deux bouts de fer rouillés.

Je lui racontai toute une histoire, occultant mon prélèvement.

Les clous de la passion, me dit-il. Les clous qui ont servi à la crucifixion du Christ.

Il y en a une quarantaine en circulation dans le monde. Ces reliques attirent les voleurs qui peuvent les revendre à bon prix sur certains marchés. Mais pourquoi en manque-t-il un ?

Je lui répondis que je n'en avais pas gardé un pour moi, et qu'il fallait qu'il me croie sur parole.

Les deux individus qui ont péri dans la voiture devaient en savoir plus. Je n'avais, bien sûr, pas pensé à relever les numéros sur la plaque de la voiture.

Le curé allait demander l'aide des autres curés qu'il connaissait, et il me tiendrait informé des suites de l'affaire à laquelle j'étais mêlé.

Il leur raconta toute l'histoire, mettant en exergue qu'une relique religieuse était entre des mains impies, et qu'il convenait de la retrouver. Même s'il ne s’agissait que d'un simple clou.

Il souhaitait, en premier lieu, connaître la provenance de cette relique. Il devait certainement exister une autorité religieuse qui les répertoriait, et qui devait être tenue informée des vols ou autres incidents.

Il pouvait aussi s’agir du vol d'une copie des clous, les originaux étant en sécurité.

Dans ce dernier cas, il cesserait immédiatement toute activité de recherche.

Ensuite, il convenait de rechercher les noms et adresses des individus décédés, ainsi que de celle du propriétaire du véhicule. Ces personnes étant connues de la police, tous ces renseignements devraient figurer dans le procès-verbal de l'accident.

Une semaine après, ils avaient tous les renseignements recherchés. Il faut savoir que tous ces curés qui semblent cachés, inoffensifs, dans leurs églises, connaissent chacun un tas de monde qui connaît lui-même un autre tas de monde. Et tous ces tas de monde savent que les informations qu'ils peuvent fournir ne seront jamais divulguées. Une espèce de Canard enchaîné.



Les trois clous avaient effectivement étés dérobés quelques mois auparavant, et les responsables religieux qui en avaient la garde s'étaient arrangés pour que le vol ne soit pas rendu public.

Un des contacts du curé avait eu l'occasion de lire le compte rendu de l'accident et ses annexes. Il avait pris note de tout ce qui pouvait nous intéresser.

Les deux morts étaient frères, et ils habitaient à la même adresse qu'un troisième frère, encore en vie. Ce dernier, propriétaire de feu la voiture, était titulaire d'une jolie brochette de condamnations, escroqueries, violences...



Je fus averti que le curé souhaitait me voir.

Il me demanda ce qui s'était passé quand j'avais forcé la serrure de la mallette.

Je lui répondis qu'un liquide visqueux bleu s'était répandu dans la mallette, et avait sali l'évier sur lequel je l'avais posé. Je poursuivis en lui disant que j'avais eu beaucoup de mal à tout nettoyer.

Pour une raison inconnue, il voulait absolument voir la mallette.

Je le conduisis chez moi et la lui présentai.

Maintenant, donne-moi le troisième clou. Me dit-il.

J'étais étonné par sa demande.

Donne-moi le troisième clou, répéta-t-il.

Cette mallette est dotée d'une serrure totalement fiable. Elle est ouverte une fois par mois par l’évêque pour inventaire. Le liquide bleu ne se répand que si la serrure est forcée. C'est un système qui a été mis au point pour rendre inutilisables des billets de banque volés avec la mallette.

Tu es le premier à avoir forcé la serrure, alors, ne fais pas d'histoire, donne-moi le clou manquant.

Je le lui donnai.

- Pourquoi as-tu fait ça ?

Je lui expliquais que quand j'avais pris la valise, j'espérais qu'elle renfermerait quelques choses de valeurs, des billets, par exemple. Mais, des clous, j'avais une vague idée de ce que cela pouvait être.

Aussi, un curé m'avait semblé être la meilleure personne capable de me renseigner.

- Tu voles souvent ?

- Non, je vous jure. Prendre la valise a été un geste malheureux. Mais, une fois fait...

J'ai du mal avec mes finances, avec mon travail en comptabilité. Cela m'aurait bien arrangé.

Bon, tout est oublié, me dit-il, je vais rendre ces reliques à leur propriétaire.

Viens me voir demain après ton travail, on va voir ce que l'on peut faire pour t'aider.

Je lui demandais :

- Pourquoi faites-vous ça pour moi ?

Parce que l'église ne punit pas, elle aide ceux qui sont tombés à se relever.



Le lendemain, comme convenu, je rejoignis le curé qui terminait ses confessions.

- Voilà, comme promis, on va essayer de te donner un coup de main. Je te présente Rose, c'est la nouvelle responsable bénévole des activités de la paroisse, catéchisme, patronage, etc.


- Quand nous avons parlé de toi, hier, elle m'a proposé de te faire connaître son neveu qui est expert en gestion et en comptabilité. Il pourra t'aider à franchir un mauvais cap professionnel. Il a promis de venir, et il ne devrait pas tarder maintenant.


- D'ailleurs, le voilà.

Rose me présenta Gérard, son neveu :

- René, Gérard.

Nous nous serrâmes les mains.



Nous nous sommes rendus ensuite à la sacristie pour faire connaissance.

Gérard me demanda ce que je faisais en comptabilité dans mon entreprise, et quelles difficultés je rencontrais. Il me rappela qu'il était possible de s'inscrire à la bibliothèque de la fac d’économie sans être inscrit à la fac, et qu'il me fournirait la liste des titres à emprunter. Nous prîmes rendez-vous.



Je demandais à Rose si elle était institutrice.

Elle me répondit qu'elle l'avait été, et qu'elle s'étonnait de la question.

- Parce que dans la Bande Dessinée Pim Pam Poum, il y a une tante Rose qui est institutrice.

- Ce n'est pas moi, me répondit-elle.

Et tout le monde rit de bon cœur.

À la suite de quoi, j'eus un entretien à bâton rompu avec elle. Quels étaient mes goûts, qu'est ce que je voulais faire dans la vie, qu'est ce que j'avais fait jusqu'à ce jour ?

Elle me dit qu'elle me posait ces questions pour trouver des activités vers lesquelles m'orienter.

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