Chapitre 15 L'interrogatoire

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Je me présentais comme convenu à mon rendez-vous de travail avec Gérard.

Il m'indiqua qu'il avait fait la connaissance d'un chef comptable sérieux. Ce dernier recherchant un aide-comptable acceptant des horaires variables. Il avait noté ses coordonnées.

À son avis, c'était le moyen de devenir comptable à part entière en peu de temps.

Comme je commençais à bien m'orienter dans les matières, je n'avais plus besoin d'aide sur ce plan. Mais il pouvait m'être utile sur le plan professionnel.

Ensuite, il me dit : ma sœur veut te parler. Elle va sûrement te poser des questions. C'est son dada. Si tu ne veux pas lui répondre, ce n'est pas un problème. Moi, je n'écoute pas, je vais dans la pièce à côté.

Et, en effet, pour poser des questions indiscrètes et gênantes, Lucie s'y entendait.


Lucie me demanda :

  • Tu te souviens de l'histoire que tu as racontée à Chloé dans laquelle tu racontes une de tes liaisons avec une fille que tu as larguée au bout de trois semaines ? Elle t'a même traité de dégueulasse, si je me souviens bien.
  • Oui, je me souviens.
  • C'est une histoire vraie ?
  • Oui, enfin, presque.
  • Tu te conduis toujours comme ça avec les femmes ?
  • Pas avec toutes.
  • Et avec quel type de femme tu te conduis comme ça ?
  • Pas avec les femmes comme toi.
  • Je ne t'ai pas demandé avec quel type de femme te conduis-tu bien, mais avec lesquelles tu te conduis mal.
  • Je, je ne sais pas, avec celles qui me résistent, peut-être.
  • Ça ne tient pas debout, la nana dont il est question te suivait comme un toutou. Et, avec moi qui te résiste et te dis niet, tu prétends que tu te conduirais comme il faut, c'est à dire respectueusement.
  • Je ne sais plus.
  • Bon, réfléchis-y, c'est important, et on en reparlera. C'est important.

La conversation était terminée, et, comme à chaque fois que je luis parlais, j'étais dans le flou total à la fin.

Pourquoi avait-elle abordé ce sujet, en quoi mon comportement pouvait-il l'affecter, pourquoi en reparler, pourquoi était-ce important ?

Je n'aimais pas que l'on s'occupe de mes affaires. Je ne dévoile de moi que ce que je veux bien révéler. Déjà, lors de mes communions religieuses, j'avais été obligé de me confesser, et j'avais raconté n'importe quoi. J'avais tenté une psychothérapie que j'avais stoppée rapidement.

Le but du jeu consistait à dire au psy tout ce qui me passait par la tête, sans rien garder. Et, moi, tout ce qui me passait par la tête, c'était : qu'est ce que je peux bien trouver à lui raconter. On tournait en rond, et je n'ai pas insisté.

J'ai quand même cherché à jouer le jeu, et à réfléchir au sujet de mon comportement. Mais, plus j'y pensais, moins je comprenais les raisons qui m'amenaient à agir de la sorte. Je me suis, bien sûr, trouvé toute une foule d'excuses et d'explications, mais je me rendais compte rapidement que mes arguments ne tenaient pas la route.

En résumé, je n'étais pas plus avancé.

Je m'étais plu à rêver que Lucie n'était pas si solidement attachée que ça à sa décision de rentrer dans les ordres, et qu'elle s'intéressait peut-être à moi. Sinon, comment expliquer son questionnement ?

Je lui poserai la question la prochaine fois.



J'avais décidé de ne pas attendre pour interroger Lucie sur ses intentions, et le lendemain je sonnais à leur porte. C'est Gérard qui m'ouvrit, et je lui exposais ma demande.

Nous allons nous absenter pour un ou deux jours, me dit-il. Mais, soit le bien venu, ma sœur va venir. Sur ce, il quitta la pièce.

Quand Lucie arriva, elle me fit asseoir dans un des grands fauteuils de la salle de séjour.

Ces fauteuils étaient super confortables, et on se sentait tout à fait à l'aise pour discuter.

Lucie me demanda ce que j'avais tiré comme enseignement de l'affaire Élodie ?

J'ignorais sa demande, et je l'interrogeais à mon tour pour connaître l'objectif qu'elle poursuivait en me posant toutes ces questions.

  • Vous êtes immiscés auprès de moi après l'intervention du curé, et vous m'aviez été présenté par votre tante Rose, pour m'aider. Gérard fait un gros boulot pour moi, et je l'en remercie, mais, toi, je ne comprends pas à quoi tu sers.
  •   Pour s'en sortir, dans la vie, il convient de bien comprendre les domaines dans lesquels on évolue. Je profite des derniers mois, ou des dernières semaines qui me restent avant mon affectation dans un couvent pour essayer de t'aider dans un secteur que je connais bien. Gérard m'a dit que dans le domaine des relations professionnelles, tu étais tout simplement un champion, et que dans les relations amicales, tu étais simplement bon, peut-être plus suiveur que meneur, comme tendance. Mais, tout cela est très positif quand même.

    Il est certain que si les hommes et les femmes fonctionnent intrinsèquement selon des codes différents, ces codes diffèrent selon les pays, les régions, les religions, les époques, et il s'ensuit que nous sommes tous d'énormes points d'interrogation pour ceux qui nous entourent.

    Je suis un point d’interrogation pour toi, et réciproquement. Cette Élodie n'est pas un monstre dangereux à combattre, mais une toute petite bonne femme guidée par une idée fixe. Elle ne peut faire peur à personne, et personne ne doit reculer devant elle.

    La femme que tu as maltraitée était aussi inoffensive, tu n'en avais pas peur, et tu en as profité pour te défouler.

    Quand je te pose une question, ce n'est pas pour en avoir, moi, la réponse, mais pour que tu prennes conscience, toi, des questions nouvelles qui sont présentes dans ta réponse. Pour que cela t'ouvre des horizons de réflexions.

    Tiens, on va arrêter là. Une dernière question pour la route. Et ce que tu sais ce qu'en tant que femme, pense ta mère ? Crois-tu que sur ce sujet, tu en sais plus sur elle, que sur Élodie, ou que sur moi ?

  • C'est vrai. J'ai travaillé à la Poste pendant des vacances, et j'avais un collègue facteur qui revenait de son voyage de noces en Italie. Il me racontait : j'étais dans le train, ma femme dormait sur la banquette en face de moi, et je me suis pris à penser. Mais qui est-elle, au fond, je ne la connais même pas.
  •  C'est pourquoi il est inutile de chercher ce que les gens ont dans la tête. Accueille les gens, avec confiance, évite de te centrer sur tes préoccupations, pour pouvoir observer. Observe avec attention. Par exemple, tient, de quelles couleurs sont mes yeux, ceux d’Élodie, ceux de ta mère. Quand tu seras capable de savoir ça, non seulement tu amélioreras ta mémoire, mais tu sauras que tu échappes aux cogitations intempestives qui sapent tes relations.

    Regardes-tu seulement les gens dans les yeux, lors d'une conversation. Je ne crois pas. Je cherche constamment ton regard, et je ne le trouve pas.

    Quand tu marches dans la rue, gardes-tu la tête haute, permettant de voir au loin, et d'apprécier un paysage dans sa totalité, ou regardes-tu le trottoir et le bout de tes pieds.

    Ce sont deux mondes proches, mais complètement différents.

Sur ce, nous nous fîmes la bise et je retournais chez moi.

Je n'avais plus l'impression d'être sa tête de Turc. Il me semblait que cela me serait profitable de réfléchir sur les sujets qu'elle m'avait suggérés.


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