Maintenant, je connaissais la vérité, ou du moins, une vérité absurde. Lucie serait ma fille, elle me l'avait confirmé.

Mon esprit vacillait entre l'acceptation et le refus de ces données. Je rêvais, ou j'étais devenu fou ?

La nuit, je n'arrivais pas à fermer l’œil avant le petit matin, malgré les cachets dont je me bourrais. Et, les jours me semblaient longs et monotones.

Je n'avais pas le moral, ni l'envie de retrouver mes amis le soir. Je préférais rentrer chez moi pour réfléchir.

Le monde, autour de moi, ne semblait pas avoir changé, mais celui qui était dans ma tête était dévasté.

Je décidais que comme rien ne me retenait ici, je pouvais prendre quelques jours de vacances.

L'idée me vint que je pourrais faire un tour du côté de Manosque. C'était là qu'habitait la nana avec laquelle j'étais sorti, et que j'avais mal traitée lors de notre séparation.

Elle avait peut-être oublié.

De toute façon, je ne savais pas où elle habitait, et cela n'avait pas d'importance, car je le faisais juste pour me fixer un objectif. Je ne savais même pas si je souhaitais réellement la rencontrer.

Je mis fin à ma mission d'intérim, et je laissais un petit mot dans la boite à lettres de Gérard pour le prévenir que je partais.

Après sa libération de la prison de Bourg-en-Bresse, Gérard avait pris quelques jours de repos, car il avait été très secoué pendant les interrogatoires qu'il avait subis.

Et, il avait dû attendre la réception de ses nouveaux papiers d'identité, avant de pouvoir envisager un retour dans l'Ancien Monde.

Une question se posait à la famille : était-il nécessaire de poursuivre l'assistance au futur mari de Marie ?

Certains estimaient que c'était inutile, puisqu'on ne pouvait plus agir sur son comportement depuis qu'il avait été informé de notre intervention.

D'autres pensaient que ce serait utile, au moins de le surveiller, et de faire en sorte qu'il rencontre bien Marie, comme il se doit.

Papy eut le dernier mot. Il expliqua qu'en intervenant, nous avions trafiqué son passé, et qu'il y avait un risque d'une déviation de son futur.

Celui d’Élodie, par exemple, avait été plus que modifié.

Il conseillait donc de prolonger notre assistance.

Gertrude offrit son aide pour accompagner Gérard lors du prochain transfert.

Papy demanda conseil à l'homme venant d'une autre planète, et qui surveillait nos allez et venues dans l'Ancien Monde.

À votre avis, demanda Papy, y a-t-il un risque de modifier le futur d'un individu, simplement en discutant avec lui, et quelles peuvent en être les conséquences ?

L'homme lui répondit que les résultats pouvaient être tragiques. Nous étudions toutes vos activités, et nous en évaluons les conséquences.

Dans le cas des deux personnes que vous avez assassinées, sans l'accident, elles se seraient mariées. Bon, par chance, la femme ne pouvait pas avoir d'enfants, ce qui en a limité les répercussions.

Mais à la date de leur décès, ils ont disparu dans le futur, je dirais même dans tous les futurs successifs jusqu'à ce jour.

N'importe quelle interaction avec un individu du passé, peut modifier son avenir, et parfois même le détruire, ou détruire toutes les relations qu'il aurait pu avoir plus tard.

C'est la jointure du temps.

Par exemple, si un couple ne se forme plus, car l'un des deux membres a changé d'avis, suite à une intervention extérieure, cela se répercute dans le futur, et les enfants qu'ils auraient pu faire ensemble vont disparaître. La jointure est fracturée.

Papy remercia l'homme pour la qualité des informations qu'il lui fournissait.

Il était abasourdi par ces révélations.

Une simple erreur, et Gérard, Lucie et Gertrude pouvaient disparaître à jamais.