Chapitre 6
Je ne sais où je me trouve. Mais j'ai la sensation, l'intuition d'être en hauteur. Près des ouvertures, donnant sur l'extérieur du nid. Après de longues et éprouvantes marches, je suis enfin rapproché des derniers confins du royaume, aux frontières fermées. La lumière de cendre qui se trouve de l'autre côté, différemment obscure que celles du dessous, filtre faiblement au travers des craquelures. Certaines déchirent profondément les parois artificielles, s'irradiant par pulsations irrégulières. Et le vent vient s'engouffrer dans ces étroites interstices, la poussière et la terre balayées en minces tourbillons qui cinglent la peau avant de se perdre dans l'obscurité qui se tient plus en arrière, comme craintive. Je pouvais entendre les rumeurs du vent depuis un long moment déjà, bien avant que j'en ressente les caresses. Mais ici, si proche, il est clair, puissant, presque assourdissant comparé aux murmures indistincts des passages souterrains.
Les gigantesques portes, condamnées. Je me rappelle. Susurrations d'orage, chuchotements de tempête. Immobilisés contre cet ultime mur comme des piliers d'obsidienne se tiennent les tortueux myriapodes, bras enfoncés dans la pierre, comme s'ils mâchaient encore la terre pour en épaissir la substance. Interrompu dans leur tentative de colmater chaque passage libre. Le cataclysme. Leurs dépouilles serpentent encore dans l'ombre d'une tâche qui a rencontré sa fin il y a de cela très longtemps. À nouveau les visions, les échos de leurs formes en action. Mastiquant les parois, édifiant de vaines protections. Tandis que les autres insectes fuient dans les profondeurs, cherchant à passer avant que les portes ne soient définitivement closes. Avant de se rigidifier sous le souffle délétère. Je dois encore avancer. Je dois être sûr. Je m'introduis dans une des craquelures qui fracture la base du rempart, la plus épaisse, et je m'enfonce dans l'oppressante faille naturelle, seul moyen de passer. À peine suffisante pour me permettre de continuer. Pour monter je dois constamment ramper, me glisser, me tordre en d'étouffants passages, et j'ai terriblement peur de tomber sur une crevasse dont je ne pourrais sortir ou me retrouver bloqué, emmuré dans cette mort inerte. Mais je dois poursuivre. Enfin je commence à ressentir l'air frais filer sur mon visage, et je perçois plus distinctement la faible lueur qui s'accroche aux aspérités de cette fracture. Elle meurtrit mes yeux, croissante, si bien que je ne peux regarder en face de moi, jusqu'à ce que je m'écroule sur le sol, expulsé du mur, extenué par l'ascension. Je me relève péniblement, aveuglé, fouetté par le vent qui vient du dehors. Le seuil du nid. Je n'y suis pas encore tout à fait. Je reprends mon souffle, laisse mes yeux s'habituer à la colométrie négative qui pulse violemment tout autour de moi. J'ai l'impression de voir mes veines. La bouche béante de l'entrée se tient surélevée, et pour la rejoindre, je dois encore escaler de friables parois de grés qui se tordent en de hautes plateformes. Encore un effort. Encore. Et là, je me tiens, sur les premières marches du royaume.
Lente infusion de mes sens, progressive animation de mes fibres. Soupirs en des haleines vacillantes. Je m'éveillais partiellement, encore dans le fauteuil où j'avais chuté, engourdi, comme paralysé. Dans les bribes de ma perception, je percevais du mouvement, essayais de me redresser, en vain.
- Ah, réveillé.
Sa voix. À peine perceptible dans la torpeur où j'étais, je ne parvenais pas à me ressaisir. Ni à saisir entièrement les paroles qu'elle pouvait prononcer.
- Ce n'est rien...
Ne retourne pas au sommeil. Accroche-toi.
- J'imagine que tu veux partir désormais.
Je parvenais à la voir, indistinctement, étudiant la plaie que j'avais traité.
- Ne t'en fais pas, je ne te ferais pas payer ta nuit ici. On va dire que je te dois cela pour m'avoir ramené. Tu es plus doué que moi en ce qui concerne les bandages.
Convocation de toutes mes attentions pour répondre.
- Non, je ne veux pas.
- Pardon ?
- Je veux rester. Rester ici.
Expiré dans un râle, buées tombant en pluie sur mes sens. Je retombais.
Sursaut soudain, je regardais en direction de son lit. Il était vide, les draps négligés. Je m'étais rendormi. Je me sentais encore usé, courbaturé par les sensations, les impressions de cette nuit passée. La nuit passée. Tentative avortée de me redresser, je me laissais retomber dans le fauteuil, satiété encore trop lourde à porter. Je ne me sentais pas la force immédiate de me mouvoir. Cette sensation de vapeurs volatiles qui s'échappaient de tous mes pores, filant mon essence épuisée en d'invisibles brumes d'encre. Mais je ne me perdais pas. Les volets des fenêtres fermés laissaient filtrer de minces rayons de lumière, éclairage diaphane. Je voyais dans ces couloirs d'or la poussière se déplacer, amorphe, intemporelle. Le reste de la chambre était plongé dans une ombre brunâtre, presque terreuse, contrastant avec le jaune brûlant qui tombait en pluie. Mes bras appuyés sur les accoudoirs, étirant mes muscles si étrangement éreintés, je parvenais à me dresser, à rester debout dans ma conscience trouble. Mobilier sommaire, en bordure du lit se trouvait un établi, pupitre clos. Sur les marges étaient disposés plusieurs récipients à la surface dépolie, remplies de fleurs, de plantes aux colorations délavées. Toutes évanescentes, en train de dépérir. Le couvercle du plan de travail était bloqué par un cadenas qui avait été laissé ouvert, par mégarde, ou confiance, je ne savais. Je l'ouvrais.
Collection de lames de différentes tailles et factures, rangées les unes auprès des autres. Des clous, longs et fins, bruts, reposant dans un grand récipient, adjacent à des mailles de fil de nylon. Et d'étendue, exposée au centre des outils acérés, une fleur, rivée directement au bois par une paire de ciseaux plantée. Elle était en partie disséquée, ouverte et étudiée sous tous ses aspects. La tige avait été scindée en plusieurs fines lamelles, se succédant sur l'établi en un mouvement horaire. Pétales cloués à proximité par des épingles, des graines conservées dans des bocaux. Certaines parties découpées, probables rejets, se trouvaient dans des vases. La surface de l'établi striée de marque de découpes, criblée de clous de moindres importances. Était-ce son activité, le récipient de ses heures à attendre les fenêtres de ses impulsions.
En m'approchant de la porte d'entrée, je voyais que le loquet avait été laissé ouvert. Je pouvais partir à tout moment. Mais je ne voulais retourner à l'extérieur. Je ne voulais quitter cet endroit. Ni sa présence. Lentement je réalisais. Je ne reviendrai pas. L'espace d'un instant, je laissais rouler sur ma langue les syllabes souveraines auxquelles je vouais mon inanition.
Je ne reviendrai pas.
Je resterai ici, à l'attendre. D'une manière ou d'une autre, je la rejoindrai. Il m'était impossible de revenir de pareille nuit, de telles sensations. Reviendrait-elle d'ici ce soir. Allais-je la revoir si rapidement. Elle, ses cicatrices, le voile mortuaire de sa chevelure, sa peau de nacre. Le goût de sa chair. Le souvenir à peine effleuré suffisait à m'ébranler. L'idée de m'y confronter une fois de plus enlaçait impitoyablement le pli de mes entrailles, les enserrait dans une poigne froide. Et si elle refusait. Alors je partirais. Je ne reviendrai pas. Je saurai me maintenir, me faire durer, trouver une voie hors des remparts, à la nage s'il le fallait. Ma résolution, prise. Alors j'attendrais, qu'elle revienne, qu'elle passe cette porte ouv-
Ma mère. Avait-elle constaté mon absence. Était-elle rentrée hier soir. Comment savoir. Remontées d'amertume, d'hostilité atterrée à l'extension de sa présence. Son venin, sous les prétextes d'inquiétude, sous les excuses d'attentions. Même ici les excroissances de ses actions devaient m'atteindre. Ce ne se pouvait, pas maintenant que je l'avais retrouvé. J'essayais de tempérer les effusions de mes pensées, de ne pas paniquer à ce plan qui m'apparaissait potentiellement mort-né.
Étapes.
Chaque chose à la fois. Si ma mère était rentrée hier, aurait-elle pu cherché à déclarer mon absence pour me retrouver. Les gardes ne seraient sûrement pas aux aguets pour une fugue d'un soir. Mais ce climat de contrôle. Ces recensements pernicieux. Prudence. Quoi qu'il advienne, il me fallait de quoi me vêtir, de quoi durer. Sinon le froid aurait raison de moi avec la faim et l'épuisement. Et si nous partions, où aller si quelque chose d'imprévu arrivait. Mon corridor. Soudainement, je me souvenais. Là-bas je pourrais me cacher, m'enliser, même seul. Mieux valait cela que revenir. Il me fallait récupérer la clé. Je devais rentrer, d'une manière ou d'une autre. Ce soir. Si je revenais avant que ma mère ne revienne de son travail, je n'aurais à la voir. C'était ce soir ou jamais. Mais elle. Fantôme d'entailles cicatrisées.
M'accepterait-elle. Je-
Je ne voulais m'imposer de cette manière à elle. Lui forcer ma présence. Gâcher l'échange de mes lèvres sur sa nuque pour fuir. J'inspirais, me calmais. Je ne pouvais rester éternellement à l'attendre. Je ne devais pas dépasser le retour de ma mère, ne pas gâcher de temps si la milice était au courant. Mais je pouvais user de quelques heures. Si elle revenait avant, peut-être. Peut-être pourrais-je lui parler. Et si elle me refusait, je partirai. Je détournais mes pensées. Ce lieu, cet instant, n'étaient pour ces instabilités informes.
J'inspectais son domicile pour me familiariser avec les lieux, pour me charger de cette sphère qu'elle habitait. Il était vieux, davantage usé que sali. Comme si la poussière, les teintes éventées faisaient parties intégrantes de l'extinction recherchée derrière ces murs. Grincement sous chacun de mes pas les planches de bois gémissaient des râles de torpeur. Le mobilier, le sol, drapé des tentures grises qui couronnaient les abandonnés. Il était par moment pesant de respirer. Mais la léthargie que cet endroit provoquait ne me dérangeait pas. Il était fait pour s'éteindre, pour offrir des sommeils nécessaires à des croissances nouvelles. Tous mes sens me le renvoyait. Dans le modeste salon se trouvaient quelques fleurs. Disposés là où il y avait de la place, des bols, des récipients contenant les plantes qui soufflaient les parfums de subtiles décompositions. Tanière éventée, cosse d'abandon. Bourgeon de cire. Personne ne semblait vivre ici tant l'inertie était forte. Pourtant son odeur, sa présence. Elle était partout, sur chaque surface éclairée par les halos dorés du jour qui se poursuivait loin, loin de moi. Sur le foyer teinté de la suie froide qui se répandait à ses pieds, sur les vases aux semences stériles, sur les photos au verre noirci par les ans. Mais plus que tout, dans les grandes tresses de fleurs rivées aux murs jaunis par de longs clous de fer. En m'approchant, je la retrouvais dans ces stèles fanées, sèches et friables, sentinelles oubliées gardant les vestiges de leur pigment, mémoires des éclats qu'elles avaient dû recouvrir en des temps plus jeunes. Mauve lavande, bleu marine, rose corail. Carmin. J'approchais un des pétales du bout de mes doigts. Soupir de poussière. Au contact fatal, la membrane épuisée s'était effondrée, se dispersait en une volatile fragmentation qui venait prendre ses reflets dans la lumière avant de rejoindre les miasmes de poussière emprisonnée. Apportant sa touche à la cohorte de saveurs éventées qui baignaient l'endroit. Les nimbes de ces heures oisives, où les expirations étaient autant de pensées tournées vers elle, où je n'étais plus tiraillée par l'horrible quête de rendre ce jour valable, de me persuader qu'il n'était pas gâché comme les autres. Je goûtais à cette stase, en buvais ces arômes raréfiés. Le temps qui coulait sur moi sans m'alourdir, alors que les restes d'or noyé se dispersaient dans les promesses du crépuscule. Elle ne venait pas.
Les proximités de limites imposées, rampantes, rampantes jusqu'à ma conscience. Les questionnements repoussés, s'imposant avec la continuelle tombée du jour. Trop de temps était passé. Je ne pouvais prendre le risque de me penser entièrement à l'abri. Courir le danger de laisser la milice s'organiser si jamais l'on devait me chercher. Disparaître avant tout cela. Elle, dans ses illégalités, devait connaître des moyens de s'effacer, de s'extirper de ce monde.
Mais elle ne venait pas.
M'ouvrir les fenêtres de mes échappées. Me permettre de m'abîmer sous des voiles de poussière. Rémanentes les paroles et les actes de ma mère. Entachées mes projections de ses graisseuses respirations. Ne pourrais-je jamais m'en départir. Écume montante, mes plans me semblaient me semblaient de plus en plus branlants. Partir. Et après cela. Revenir. Détaché, capable de rester. Réalités informes me retenaient de pleinement me perdre dans les sensations de son appartement, dans son souvenir. L'image de ses lèvres fendues. Confusion de pensées, cavalcades, chevauchées. Cet endroit était réel. Je pouvais y revenir. Elle était réelle. Elle était réelle. Elle pourrait m'aider, me permettre de ne pas sombrer. Déchirement hémorragique en me dirigeant vers la porte, je regardais, inspirais une dernière fois les souffles éteints de cet espace liminaire. Je reviendrais. Je reviendrais.
Reprenant le trajet des rues, les découpes entrecroisées, abhorrant tout, tout ce que je ressentais. Résonnant les motifs de mon départ, il le fallait, il le fallait. Je me rapprochais de mon propre domicile. Les nerfs incendiées, je sentais les ruées courser l'envers de mes veines. Elle ne devait être encore rentrée. Je n'avais qu'à venir, prendre mes affaires, la clé du corridor, et ne plus douter. Revenir. Difficile de penser dans les culminations d'instabilités, dans les centaines de plans échafaudés qui s'effondraient, avortés. Ces industries d'incendie. J'aurais voulu m'écrouler, tomber sur son corps pour en rompre les liens qui perduraient même dans leur absence. Je pouvais revenir. Insensé. Je ne savais. En vue la porte de l'immeuble qui pesait sur ma nuque, je regardais, abrité derrière un angle de briques d'un noir rougi.
Rien. Il n'y avait rien. Je n'entendais rien.
Calme ces respirations, tempère ces rages. Fulminantes mes cages. Je me forçais à repenser à cet échange, à cette proximité. À me noyer dans les empreintes de son étreinte mutilée. L'évaporation temporaire de ces fureurs contenues. Je passais la poignée des milliers de fois tournée. Le goût de sa peau sur ma langue. Les marches de l'escalier. Les chevelures d'encres répandues en étangs immobiles. L'accès à mon étage. Je me perdais dans ces vibrations desquelles je n'aurais jamais voulu me séparer. Suspension de mes gestes dans ce couloir des centaines de fois traversées, susurrant grondement en ouvr-
Sifflement instantané pétrifiant tous mes membres. Elle ne devait être là.
- Mais où est-ce que tu étais ?
Elle n'avait pas le droit d'être là. Ses yeux rougis fixés sur moi. De me priver, m'amputer, m'émasculer de ces sensations.
- Je me suis inquiétée, tu aurais dû me prévenir, me dire que tu ne serais pas là !
Inquiète. L'implosion de son imprévu, traîtrise empalante. Surveille ton intonation. Elle s'était levée pour s'approcher, pour me rejoindre. Cesse.
- Ne m'approche pas.
Arrêtée par le ton cassant. Mots crachés. Vomis.
- Laisse-moi seul.
Hésitation. Abandon. Retombée sur le canapé avec ce faux air désespéré. Tu n'aurais jamais dû être là ce soir. Son visage dans ses mains, ses gras sanglots qui reprenaient.
- Mais qu'est-ce que tu as fait...
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
Elle poussait sur la table une enveloppe, manquant de renverser sa bouteille.
- Tu pensais vraiment que la milice ne remarquerait pas ton absence ?
Gel de ma gorge, vitrification de mes artères et de mes tempes. Quelques instants. Immobiles. Figés. Elle séchant ses larmes, buvant.
- Des gardes vont venir. Ce soir. Ils vont nous déplacer dans un de leurs quartiers. Parce que tu as préféré faire ce que tu voulais, comme tu voulais. Comme d'habitude.
L'amertume, le ressentiment. Je m'écartais, rouages grinçant dans mes malaises de motricités. Prenais le temps de pleinement réaliser. La conclusion redoutée. Assis. Dans ma chambre.
En face de moi. Dans ma vie, sous mes regards. Elle le serait. Toujours. Déplacé avec elle surveillé plus de sortie plus de possible. Dans ma chambre, je récupérais la clé menant à mon corridor. La raison de mon retour. Le pourquoi qui m'avait fait abandonné son repaire. Elle. Je serrais la clé, y faisais entrer les dents dans ma peau. Pardonne moi. Il n'y avait plus rien. Je plongeais la clé dans la poche de mon manteau. Que cet artéfact me rappelle à jamais le jour de mon échec.
Les latences à attendre dans le néant des réactions les plus acerbes. Feu sec consumé. La teinte de ses propos, le rappel de ses intonations. Le prétexte de sa martyrisation. Je voulais hurler. En une érosion de supplices sur son corps. J'allais devoir la subir quotidiennement. J'allais devoir la subir quotidiennement. Elle serait là. Endurer ses relents, ses exaspérations, ses remarques de chienne évidée. N'avais-je pas déjà assez donné au vide pour qu'on vienne me persécuter comme milles épieux d'insidieuses stupidités grattant mes côtes. Absolument pétrifié sur le sol, écroulé sur le côté, les doigts figés en position de rupture. Je subissais les assauts de violences que je voulais lui infliger en une catalepsie de nerfs à bout. Ces empalements successifs d'inactivité. Je devais récupérer tout ce qu'elle avait souillé au travers de sa gorge ouverte. Non, ce n'était pas assez. Plonger mes mains sous les vagues de son torse, en briser la cage puante et écarter le tonneau de ses os pour vider toute cette vie qu'elle continuait de me voler. Je l'entendais, je l'entendais. Je l'entendais. La rage. Je n'avais jamais eu autant de mal à la garder sous contrôle. Putain adipeuse, raclure incapable. Et ce n'était que les premiers avant-goûts de ce que je devais endurer dans les prochaines heures, les prochains jours. Impact brutal. J'avais frappé le sol de mon front. La douleur subite m'éveillait, mais elle ne me calmait pas. Encore. Encore. Inutile. Toute cette furie qui réclamait, qui hurlait son dû. Brise la, brise la. Des pas dans le couloir. Proches. J'étais sur le point d'imploser, subissais les nouvelles cataphractes de haine à son approche. Je me sentais me rompre. À nouveau elle urinait bruyamment l'alcool ingéré. Je portais ma main à ma mâchoire, en mordais la chair pour étouffer les impulsions de concussions physiques. Ses gémissements, cette odeur des centaines de fois éprouvés pour les années à venir. Oh, si je pouvais te ruiner, te clouer à tes propres macérations de médiocrité. Te plier sous le poids de tes propres supplications. Je mordais plus fort. Fracasser son crâne à plusieurs reprises. Ressentir les impacts de ses articulations en tourments. Je voulais l'entendre se disloquer, je voulais l'étirer membre après membre pour en répandre toute cette vie gâchée. Plus fort. Je le lui devais. Elle se levait, partait poursuivre son existence de venin à la puanteur délétère. Je retirais ma main. Les crevasses violacées, vives dans la peau sous pression. Je tremblais, épuisé d'intensité. Je m'étais étouffé une fois de plus. Pour dix minutes seulement.
Lent écroulement, affaissement de mes charpentes suite à cette combustion impuissante. Dans le noir. Plus rien. Chaque sensation, chaque perception se refermant sur elle en un nœud de phalanges pétrifiées. Désarticulé sur le matelas. Sombre. Plus rien.
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