Chapitre 24 : Nouvel empire
Les premiers jours après sa nomination à la tête de l’empire furent pour Marc un véritable enfer. Il lui fallut créer des lois, un gouvernement, un service public, une force de l’ordre et quantité d’autres choses auxquelles il n’aurait jamais pensé pour gérer un empire. Déjà, il dut trouver un nom à cet empire. Et puis, pourquoi un empire ? Après tout, cela aurait pu n’être qu’un royaume. C’est ce qu’il croyait au départ. Mais plus le temps passait, plus Léon ramenait de réfugiés en tout genre. Le territoire devait alors s’étendre, accueillir de nouveaux habitants, trouver des sources de nourriture, ramener des animaux. D’une simple île, le domaine commençait dangereusement à ressembler à un continent. Autre problème : un territoire artificiel avait besoin de ressources en eau abondantes, et Marc ne pouvait pas dépendre uniquement de sa magie.
- Qu’est-ce qui m’a pris, le jour où j’ai voulu créer une petite île tranquille ? gémissait Marc. Je suis épuisé, les mois défilent sans que je puisse faire une pause. Je suis noyé sous la paperasse et les tâches administratives. Tout ça n’est pas pour moi. Je ne suis qu’un joyeux luron qui profite de la vie en faisant n’importe quoi !
Marc regarda les chiffres : il gouvernait désormais 556 millions d’habitants. Cela le laissait toujours abasourdi. Toutes les races étaient représentées, y compris des humains. Pas seulement ceux qu’il avait conquis lors de son attaque de village, mais aussi d’autres humains, persécutés par leurs semblables et contraints à l’exil. Fidèles à eux-mêmes, les humains, une fois leur ennemi commun disparu, s’étaient vite retournés les uns contre les autres dans une cupidité typiquement humaine.
L’empire portait désormais le nom d’Uthopia. Marc lui-même reconnaissait qu’il n’avait pas cherché bien loin, mais le peuple avait acclamé ce choix avec enthousiasme. Le drapeau représentait un cercle blanc au centre d’un rectangle, relié par des traits de toutes les couleurs : bleu, rouge, vert, orange, violet, jaune et noir. Ces couleurs symbolisaient la diversité des races, et le cercle représentait l’île originelle.
En peu de temps, une trentaine de villes et près d’un millier de villages virent le jour. Marc avait laissé aux habitants la liberté de nommer eux-mêmes leurs cités, même s’il avait dû parfois arbitrer pour éviter les débordements. Certains préféraient vivre isolés, d’autres bâtissaient des fermes à l’écart.
Rapidement se posa le problème des routes et des infrastructures, mal pensées au départ. Heureusement, les gobelins s’avérèrent d’excellents artisans, et d’autres créatures révélèrent des talents précieux. Ainsi, en quelques mois, l’empire passa du néant à une structure organisée et viable. Marc se demandait encore comment tout cela tenait debout.
La création d’un État ne s’était pas faite sans heurts. À peine cinq jours après l’instauration des lois de base, ne pas voler et ne pas tuer un citoyen, il avait dû bâtir un tribunal et des prisons en urgence. Pour les cas extrêmes, il ne s’était pas embarrassé : un portail menant droit au milieu de l’océan réglait l’affaire. Il n’avait ni le temps ni l’envie de faire dans la dentelle. Il devait être respecté et obéi, qu’on le veuille ou non. Et le premier à ne pas le vouloir, c’était lui-même. Il avait tenté de refuser le poste, mais personne n’avait voulu le remplacer.
Les guerres intestines entre humains n’avaient pas été vaines : grâce à Léon, Marc avait récupéré deux portails, un pour chaque monde. Ils ressemblaient étrangement à ceux de Stargate, ce qui l’avait amusé. Il avait nommé ses équipes d’exploration SG1, SG2, etc. Les soldats ne comprenaient pas la référence, mais cela leur convenait. Comme aimait à le dire Marc : « La vie est déjà bien assez compliquée, inutile de l’alourdir. Si quelque chose existe déjà, autant l’utiliser. »
Le monde devenant instable, Zephira avait décidé de téléporter sa demeure sur une montagne spécialement créée à cet effet, avec l’accord de Marc. Celui-ci avait demandé que sa bibliothèque, du moins les ouvrages sans danger, soit mise à disposition du peuple. Zephira avait dupliqué les livres et implanté des bibliothèques un peu partout, assorties de sorts empêchant qu’on en sorte ou qu’on abîme les ouvrages. Marc voyait bien la différence de puissance entre elle et lui. De son point de vue, si elle avait voulu, elle aurait pu dominer le monde sans effort.
Son arrivée fut un véritable soulagement pour Marc, car elle prit en charge l’extension du territoire. Il put ainsi se consacrer à l’organisation interne : parlement, députés, doléances de la population… Mais une évidence s’imposa vite : il fallait une monnaie inimitable. Avec l’aide de Zephira, il créa donc un métal nouveau, inconnu dans ce monde.
Jamais Marc n’avait vu une nation croître aussi vite. La magie y aidait beaucoup, bien sûr. Mais la nécessité accélérait encore le processus. Certains bâtiments pourtant essentiels tardaient à sortir de terre, alors que d’autres, secondaires, apparaissaient en premier. Et au-dessus de tout, Marc détestait la paperasse : cartes d’identité, actes de propriété, mariages, adoptions, décès… Et il y avait plus agaçant encore : la question des races. Certaines chimères refusaient catégoriquement d’être rangées dans la même catégorie que d’autres. Marc avait d’abord trouvé cela excessif, jusqu’à ce qu’on lui montre un exemple.
On lui amena une créature d’une laideur insoutenable : son corps principal rappelait vaguement celui d’un poulpe, avec des tentacules gluants qui s’agitaient mollement. Dans son dos, une énorme coquille spiralée, semblable à celle d’un escargot, formait une carapace démesurée. Mais le tout était hérissé de longues épines sombres, aussi acérées que celles d’un hérisson. L’ensemble ressemblait à un cauchemar marin sorti des abysses et condamné à ramper sur terre, et il suffisait de le voir se déplacer pour comprendre que personne ne voulait être assimilé à… ça.
À côté, un lion ailé avec une queue de serpent semblait presque noble et majestueux. Et il était bien normal qu’il refuse d’être classé dans la même catégorie qu’un tel assemblage monstrueux.
Marc comprit qu’il devait créer des noms distincts. Il n’avait jamais autant galéré. Finalement, il fit comme les scientifiques de son monde : inventer des mots en apparence savants, souvent terminés en -us. Ainsi, la chimère poulpe-escargot-hérisson fut baptisée Gatéropus, et le lion ailé à queue de serpent devint un Lionitucolus. Cela ne voulait rien dire, mais tout le monde était content, et c’était bien l’essentiel.
Marc, de son côté, choisit de se ranger dans la catégorie des hommes-animaux. Il trouvait ce terme plus digne que hommes-bêtes, qui pouvait être mal interprété.
Après presque un an de travail acharné, Marc parvint enfin à se dégager un peu de temps libre. C’est alors que le commandant de l’équipe SG7, Fran, vint lui annoncer la découverte d’un bâtiment en ruine sur le monde Gamma, ressemblant aux vestiges d’une civilisation étrangère.
- Enfin un de ces fameux laboratoires dont Josh parlait, pensa Marc. Du moins, je l’espère.
Il convoqua Grog :
- Grog, je te confie la gestion de l’empire. En cas de besoin, appuie-toi sur Léon. Il a ramené assez de monde pour qu’il s’implique dans la gestion de l'empire. Je vais m’absenter quelques jours : Fran vient de m’apporter une information que je dois vérifier moi-même.
Puis il suivit son commandant vers le portail, prêt à découvrir ce que renfermait ce bâtiment.

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