14.

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Inquiet, sans le dire, Thom veut néanmoins pouvoir se montrer tel qu'il est, au-dehors, au collège, et devant le lycée, où il attend souvent Erik. Il pensait recevoir des insultes, des remarques, il pensait devoir raser les murs face aux regards réprobateurs, aux chuchotements et aux rires méprisants. Mais ce qu'il récolte, chaque jour un peu plus, c'est l'attention de personnes qu'il ne connaît pas. Des sourires, des regards colorés et brillants. A se sentir plus confiant aux côtés du corps élancé et défini d'Erik, qui l'est lui-même, Thom ne fuit pas les discussions, ou les questions. Il est étonné de voir qu'on ne le montre pas du doigt, on ne le met pas à l'écart mais on l'inclus. Il est surtout rassuré, parce qu'il peut vivre sa vérité, la leur. Il peut embrasser Erik, en tout insouciance, quand ils se rejoignent après son entraînement de volley, pour rentrer ensemble et finir chez l'un ou chez l'autre. Ils se tiennent par la main, dans la rue, et Erik a le menton plus haut, tant il est fier, tant il heureux de se tenir aux côtés de Thom. Tant ils n'ont pas peur et qu'un soulagement immense les envahi. Erik a laissé faire, laissé venir, et il peut se féliciter de ne pas s'être trompé.

A la sortie des cours, un vendredi, alors qu'ils discutent avec un groupe d'amis, Erik se permet même de passer les doigts contre le dos nu de Thom, sous son t-shirt. Ses joues se colorent mais il ne le repousse pas. Un effleurement en picotements, il se mord la lèvre tant son corps prend feu. Les deux adolescents se cherchent, se provoquent. Deux allumettes et une flamme qui crépite en petites étincelles.

En fin d'après-midi, ce vendredi, quand ils rentrent côte à côte chez Thom, ils comprennent que le groupe se réuni une nouvelle fois, étant donné le nombre de voitures garées dans la cour et la rue. Hugo, Acacia, Théodore et Florian. Ils reconnaissent chaque modèle, et savent que leur intuition est bonne, quand ils les voient installés à la terrasse, attendant peut-être de pouvoir ouvrir des bières, et d'être rejoint par leur dernière complice, Cam, qui ne saurait tarder. Les deux adolescents saluent tout le monde. Acacia embrasse son fils sur la joue quand il se penche sur elle, et Florian tape de son poing fermé, contre celui de son fils. Aline, elle, a décidé de passer la soirée avec d'autres amies, desquelles elle s'est rapprochée via l'association.

Faisant mine de les laisser entre eux, ils montent à l'étage. Et, dans la chambre de Thom, alors qu'ils sont allongés sur le ventre, au sol, pour faire leurs devoirs, parce que Thom préfère être tranquille pour le week-end, Erik ne le lâche pas. Il glisse d'abord les doigts contre ses bras nus, et pâles. Contre son coude, puis à l'intérieur de son bras. Il se penche pour l'embrasser dans le cou, et le cœur de Thom s'emballe complètement.

─ Heureusement que j'ai dit qu'on travaillait.

─ Je préfère ce genre d'exercices.

Thom se plaint, et la voix d'Erik est si rauque et lancinante, dans son cou, qu'il en laisse tomber son crayon, tant il désire lui céder, là, maintenant. Il pousse Erik sur le dos, d'une main ferme, et s'installe sur ses cuisses. De là, un large échange de baisers moites et fiévreux. Les paumes calleuses d'Erik partout sur son torse, le long de sa colonne, contre ses côtes, et dans les courbes de ses reins. Un léger gémissement, qui gratifie Erik et le pousse à continuer. Il le mordille, le possède centimètre par centimètre. Il lui retire son t-shirt. Et Thom plante ses doigts dans sa nuque, et dans ses cheveux. Ils s'arrêtent à mi-course, le souffle court et leurs prunelles les unes dans les autres. Ils se mettent à rire, emplis d'endorphines en crépitements.

─ Ils sont tous en bas ...

Thom chuchote, pour le mettre en garde, quelque peu réticent, et Erik pousse un long soupir en laissant lourdement tomber son front contre le torse nu de Thom. Celui-ci caresse sa nuque, et ses cervicales, en douceur. Mais Erik ne perd pas le nord, puisqu'il saisit ses cuisses et ses fesses, fermement.

─ Juste encore un peu.

Le plus âgé demande, comme une supplication, et ça fait rire Thom qui le laisse faire. Ils restent là, enlacés quelques minutes. Erik découvre et s'imprègne de ses formes, de sa peau, des grains de beauté disséminés sur son corps, comme des constellations uniques et personnelles. Bientôt, ils se calment, se rhabillent, se séparent et reprennent les activités qu'ils avaient commencé. Thom pensait que cela créerait des tensions, que l'ambiance serait différente, après ça, son refus, mais Erik ne se départi pas de son sourire, et embrasse sa joue, son épaule ou ses lèvres dès qu'il en a l'occasion.

Puis, quand ils ont terminé tout ce qu'ils devaient rendre, ils s'assoient tous les deux, l'un contre l'autre, Thom entre les jambes d'Erik, dans un coussin mou, en forme de poire, un livre chacun dans les mains. Ils profitent du silence, de ce calme, d'un moment à eux. A l'abri, préservés. Mais tout cela est rompu par un bruit de verre brisé, qui claque sur la terrasse, juste en-dessous des fenêtres de Thom. Ils tendent tous les deux le regard vers la source du bruit, et quand ils entendent le ton monter, les cris devenir plus clairs, ils se précipitent en bas d'un même mouvement. La chambre laissée en l'état, après leur départ précipité, a quelque chose de dramatique.

Quand ils arrivent tous les deux au salon, ils découvrent Théodore et Quentin qui se font face. Entre eux, Hugo et Acacia qui tentent de les séparer, de mettre de la distance. Florian, lui, se tient aux côtés de son ami d'enfance, les points serrés, et le regard sanglant, sombre en direction de celui qui n'a pas été invité. Ils sont terrifiants.

Figés sur place par la violence de la scène, Erik et Thom ne s'avancent pas, ils observent de l'intérieur, ils ne comprennent pas ce qui a bien pu attirer Quentin ici. Tout le monde est sur la défensive et l'ambiance se tend.

─ Quentin, faut que tu partes.

Acacia demande faiblement, prise de panique, face à une situation improbable, mais qui s'envenime. L'intéressé se met à rire de façon cynique, méprisante.

─ Tu fais une petite fête avec tes potes, et tu m'invites même pas ? Je sais pas, je pensais au moins avoir droit à un pot de départ !

La voix de Quentin est brumeuse, il a but. Il fait de grands gestes, il ne se tient pas droit, il chancèle mais se rattrape au dernier moment.

─ Tu mérites rien, enfoiré.

─ Théo !

Hugo tempête contre son propre mari, en essayant vainement de le calmer, mais il ne lâche pas, campe sur ses positions. Quentin lève les mains en signe de reddition, et fait quelques pas en arrière, maladroitement, sous l'alcool, comme si la menace ne venait pas de lui, mais bien des autres, qu'il n'avait rien à voir avec tout ça, qu'il est l'agressé plutôt que l'agresseur, et que ce n'est pas lui qui est connu pour des faits de violence.

─ Tu me fous à la porte, mais tu leur ouvres, à eux ?

Quentin relance, en posant les yeux sur Acacia. Un orage contenu, prêt à tomber. Elle se ressaisi, elle fait face à son ancien compagnon, elle se tient droite, ferme, forte. Elle ne rentre pas dans son jeu, et s'avance pour le faire reculer.

─ T'as rien à faire ici.

─ Pourtant tu voulais bien de moi quand ce connard s'est planté sur la route, et que t'as perdu ton bébé, non ?

L'air se raréfie tant toute l'assistance retient son souffle face aux propos ignobles de l'intru, qui claquent dans l'air à la manière d'un fouet. Hugo semble désormais prête à lui en mettre une, hors d'elle, pour protéger son amie, qui ne mérite rien de tout ça, et c'est au tour de Théodore de l'arrêter, une main dure contre son épaule. Choquée, comme giflée, les larmes au bord des yeux, Acacia se met à trembler et ça fait rire Quentin un peu plus fort, tant son point faible, sensible, est encore si facile à atteindre, visible. Une véritable cible peinte contre sa poitrine.

─ Le plus drôle, c'est que t'accueilles quelqu'un qui en sait bien plus qu'il ne le dit, n'est-ce pas Théo ?

─ Casse-toi.

Théodore lui crache au visage, menaçant. Mais Quentin a gagné, parce qu'il sème le trouble. Acacia et Hugo, d'un même mouvement, froncent les sourcils. La première ne lâche pas Quentin des yeux, la seconde questionne silencieusement son mari d'un regard.

─ Ton bel Adrien, ce soir-là, il a reçu un appel, sur la route, hein Théo.

─ Comment tu peux le savoir ?

Acacia relance, à mi-chemin entre le tremblement de voix, et le roulement de tonnerre. Ce qui la dégoûte le plus, c'est d'encore avoir besoin de lui, pour savoir la complète vérité, dans ces moindres détails. Quentin hausse nonchalamment les épaules, la laissant seule pour tracer un chemin de pensées, relier tout ensemble. Le sang d'Acacia ne fait qu'un tour, ses yeux s'arrondissent d'effroi, elle percute.

─ Pourquoi tu l'as appelé ?

Acacia est un mélange de ton humide, et de son rocailleux, pris de rage. Il commence à pleuvoir sur ses joues. Elle serre les dents, les poings à s'en marquer les paumes. Son cœur bat frénétiquement, tant elle est effrayée parce qu'il sait, et qu'il la révulse. Elle ne le lâche pas des yeux, même si elle se fissure largement.

─ Vous étiez en froid tous les deux, j'étais le seul à pouvoir te convenir, alors je me suis dit qu'il fallait qu'il le sache, lui aussi.

Silence. Le sourire de Quentin s'approfondi encore un peu plus, tant il trouve ça jubilatoire de pouvoir encore faire du mal à son ex-compagne. La maîtresse ne lui a rien fait, son départ non plus. Et comme il est homme à toujours vouloir avoir raison, il s'est dit, l'alcool aidant, qu'il avait encore des choses à lui dire, à lui planter en plein thorax. Habitué à ce qu'elle ne lui réponde pas, à ce qu'elle accepte tout de lui, Quentin utilise ses dernières armes de persuasion désespérées, pour la faire tomber, la réduire à néant. C'est dans cet état qu'il la rencontrée vraiment, et c'est dans cet état qu'il veut la remettre.

Et, en effet, Acacia s'effondre complètement. Elle a les jambes qui tremblent et est prise de sueurs froides. Elle continue de serrer les dents, pour faire face, et se tourne pour regarder Théo, qui s'est redressé. Il sait, Quentin ne ment pas, et il se trahit par son attitude. Théodore lui a encore menti, caché la vérité, et c'est toujours aussi douloureux. Acacia déglutit. Si Quentin pensait qu'elle fuirait l'affrontement, les tensions, elle réduit vivement la distance entre elle et l'instigateur d'orages. Elle le saisit par le col. Quentin pâli, n'étant pas habitué à ce genre de démonstrations de sa part. Il ne s'y attendait pas. Il peut presque voir les chaînes, qu'elle a brisé elle-même, traîner à ses chevilles et ses poignets, derrière elle.

─ C'est toi ... C'est toi qui l'as tué.

─ Ton mec est mort en pensant que la petite Cerise était de moi.

Quentin porte un rictus conquérant, affreux. Sans réfléchir, dans un courant électrique brûlant, Acacia lui décoche un coup de poing en pleine mâchoire. Quentin chancèle mais Acacia ne lui laisse aucun répit. Un coup de poing au ventre qui le fait se plier en deux, puis Acacia lui assène un coup de genou en plein visage. Elle crie, elle pleure sa frustration, sa rage. Elle agit à l'instinct, par quelque chose de primaire qui date de bien plus longtemps, au plus profond d'elle-même. Adrien, sa mère, son père. Et quand Quentin se retrouve au sol, elle continue de le frapper de coups de pieds, à bout de souffle et la vision embuée par toutes les larmes qui se déversent contre son visage. Les cheveux hirsutes, et une longue plainte douloureuse qui sort de sa bouche, Acacia perd complètement la raison. Elle s'acharne. C'est à ce moment que ses amis réagissent et la stoppe, en l'attrapant par les bras. Contre Hugo, elle pleure à grand bruit, son amie lui caresse les cheveux, la soutient, la protège de tout son corps. Le visage en sang, Quentin est anesthésié, il gémit de douleur, crispé. Florian le saisit par le col, fermement, sans ménagement, et le dégage rapidement de la maison d'Acacia. Il le projette sur le béton de la rue, et le laisse là. Dans un dernier regard, il crache non loin de lui.

Hugo escorte Acacia à l'intérieur qui, choquée, ne cesse de fixer ses jointures devenues rouges, éraflées par les coups. Elle continue de trembler. Quand elles traversent le salon, Acacia ne remarque pas son fils, figé de terreur, d'horreur. Il ne reconnaît tout simplement pas sa propre mère. Hugo l'installe dans sa chambre, lui donne des somnifères, et patiente à son côté, le temps qu'elle s'endorme enfin, épuisée mentalement et physiquement. Théodore part faire un tour de jardin, pour se calmer, il se traite de "con", et cogne du pied contre le tronc d'un arbre. Florian, lui, ramasse les morceaux de verre brisés sur la terrasse. Et c'est sur cette scène qu'arrive finalement Cam, après la tempête. Dans l'entrée, Erik essaie d'attraper les doigts de Thom, mais celui-ci s'y refuse, bloqué, brisé.

* * *

De l'autre côté de la ville, loin de la tempête, Aline a menti. Elle n'est pas chez elle, entourée de quelques amies, mais dans un café, son téléphone à la main, en attendant Vadim, la personne qui a sollicité son aide, par les réseaux sociaux de l'association, et qui, à force de longues discussions, et de confiance à double-sens, s'est décidé à la rejoindre. Il lui a donné son nom, ses histoires d'enfance et lui a également indiqué qu'il n'habite qu'à vingt minutes d'ici, et c'est pour cela qu'il a entendu parler de l'association. Aline a d'abord été étonné de voir qu'il s'agissait d'un garçon, et quand il lui a envoyé des photos de lui, elle a été frappé par le fait que les agressions ne se voient absolument pas sur les victimes. Elles ne portent pas leur passé sur elles. Cela peut être n'importe qui, n'importe où, sans raison. Elle en a ressenti un courant froid dans tout le dos et sur les bras, parce les menaces sont partout.

La jeune femme a commandé un thé glacé, et se dresse bientôt afin de pouvoir faire la bise au nouvel arrivant. Elle lui donne un grand sourire, et cela réchauffe Vadim, pleine poitrine. Ils s'assoient, et il commande un café.

─ Je ne t'imgainais pas aussi grand.

Aline brise la glace facilement, et ça les fait rire. En effet, du haut de son mètre quatre-vingt-dix, Vadim la surplombe largement, et elle préfère qu'ils se tiennent assis, elle se sent moins réduite. Il a deux ans de plus qu'elle, il va bientôt finir le lycée, et quitter les horreurs qu'il y subit aussi. Aline y pense, rien qu'en posant les yeux sur lui. Il possède peut-être la stature, mais il semble si frêle, si pâle, vulnérable. Alors, elle relance, pour le mettre à l'aise, parce que ça lui vient facilement, naturellement. Comme lorsqu'ils s'écritent, tard le soir.

─ Tu pars, pour les vacances ?

─ Mes parents ont une maison à la campagne, c'est l'endroit rêvé pour lire, et se baigner. Et toi ?

─ Quelques escapades avec mes amis, mais rien de plus. Amis qui ne sont pas au courant que je suis là, d'ailleurs.

Aline lui glisse dans un sourire plein de secrets. Le café de Vadim est déposé contre la table, entre eux, avec leur addition.

─ Pourquoi ?

─ J'ai fait un genre de crise de panique quand on a commencé à discuter, ma mère a flippé, donc je ne veux pas l'inquièter encore un peu plus.

─ Désolé ...

Vadim baisse les yeux, honteux, penaud, et mal à l'aise d'avoir provoqué tout ça chez elle. Aline prend une gorgée de thé, elle se penche un peu plus vers lui, rassurante.

─ C'est pas ta faute. Je suis du genre à foncer tête baissée, à m'impliquer, et qui se souvient qu'après qu'elle a besoin de respirer.

Nouveau léger rire de la part d'Aline, qui allume une cigarette. Cigarette que Vadim fixe longuement. Aline fronce les sourcils avant de lui tendre son paquet et son briquet. Il lève la main pour refuser.

─ Ils utilisent ça aussi.

─ De quoi ?

─ Les cigarettes, pour se venger.

La voix de Vadim est si faible, que le cœur d'Aline se serre. Mais quand elle va pour éteindre la cigarette, qui lui rappelle tant de choses, dont il doit porter les marques sur son corps, il la stoppe par le poignet.

─ C'est pas grave, je sais que c'est toi. Ça m'a juste traversé l'esprit.

Les phalanges de Vadim restent quelques secondes contre sa peau, avant de revenir à ses cuisses, cachés sous la table.

─ Ça continue ?

Aline demande, parce qu'elle sait très bien que l'ambiance vient de virer et que c'est le moment pour qu'ils mettent un peu plus de choses sur la table, couchées, face à eux, maintenant qu'ils sont seuls, et ensemble, face à face, capables de s'entendre de vive voix, et pas par messages interposés.

Vadim lui explique alors que le harcèlement qu'il subit pour qu'il se taise s'est quelque peu calmé depuis que son coach de volley s'est interposé, quand il en a surpris certains en train de l'insulter ou le bousculer. Il en a exclu deux. Punis trois autres. Une situation qui le laisse respirer un peu plus librement, mais qui le fait aussi trépigner d'impatience quand à la fin des cours, et se tirer de là.

─ Pas stressé pour le bac ?

─ Ça ira.

Enfin, Vadim lui accorde un sourire, quand Aline dévie sur des choses un peu moins lourdes. Il termine son café, quand elle percute à retardement.

─ Tu m'as bien dit que tu faisais du volley ?

─ Ouais ?

─ Un de mes meilleurs amis en fait aussi, il a un match dans quelques semaines, ça te dirait de venir avec moi ? Son copain est vraiment insupportable quand il joue, ça me fera un soutien moral.

Ils se remettent à rire doucement, tous les deux, et Vadim hoche la tête pour répondre à sa proposition. Il a réellement envie de passer plus de temps avec celle qui porte une lumière intérieure, un genre d'étoiles sur deux jambes fines. Ils paient leurs consommations, et décident d'une promenade dans la ville, sous un soleil qui chute à l'horizon.

* * *

─ Donc, tu lis du Jane Austen !

Cette découverte, Aline la fait, quand ils discutent, face à face, assis sur le rebord d'une fontaine, une barquette de frites encore chaudes entre eux. Cela fait deux, peut-être trois heures qu'ils se découvrent, discutent naturellement, de façon détachée, en se découvrant de nombreux points communs. Aline voit clairement que cela fait grand bien à Vadim, qui se laisse approcher, et qui se réchauffe petit à petit. Il est un peu moins sur la réserve. Les lampadaires grésillent quand ils s'allument, et c'est le signal qui fait comprendre à Aline qu'elle ne devrait pas trop tarder. Ses parents sont peut-être chez Acacia, et rentreront dans la nuit, mais ils viendront regarder dans son lit, si elle est bien là.

Vadim le comprend lorsqu'elle s'essuie les mains, et laisse tomber ses pieds au sol. Il jette la barquette, et quand il revient vers elle, elle porte de nouveau ce sourire énorme. Luminescent, brillant, plein de dorures. Ils se font de nouveau la bise, mais celle-ci dure un peu plus, sur chaque joue, que la première.

─ Attends-toi à ce que je te harcèles de messages pour connaître toute ta bibliothèque.

Il rit, et souffle que cela ne le dérange aucunement. Ils se saluent simplement de la main, une dernière fois. Elle se retourne sur lui quand il s'éloigne, et lui la cherche de nouveau du regard quand il arrive à une intersection.

Sur son petit nuage, légère et avec un sourire qui ne l'a quitte pas, Aline marche jusque chez elle, dépasse le portail, qu'elle se prend à escalader comme enfant sauvage, et retombe dans la cour. Elle fronce les sourcils en s'apercevant que les deux voitures sont déjà là, et que la lumière du salon est allumée. Il n'est pourtant pas si tard. Quelque chose se trame, Aline accélère le pas. Et au moment où elle passe la porte, elle rencontre un orage, dans l'entrée, sa mère, le regard sévère et les poings sur les hanches.

─ Tu étais où ? Je croyais que tes potes venaient ici.

─ C'est le cas, mais on a été prendre à manger dehors. Vous êtes déjà là ?

Aline explique simplement, s'entoure d'un petit mensonge pour ne pas la blesser. Mais quand elle termine sa question, elle voit bien que sa mère est épuisée, les traits tirés. Elle a pleuré aussi. Sa fille s'approche, et s'appuie bientôt contre elle, elle se réfugie. Hugo l'entoure de ses bras et la serre, avant de chuchoter :

─ On a eu une soirée étrange.

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