19.

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Ça a commencé par une bande de garçons, au collège. Ils s'étaient retrouvé ensemble parce que du même âge, de la même ville. Une dizaine d'âmes livrées à elles-même, avec une rage contenue, qui se portait sur un rejet de leurs parents, de leurs éducations, sur un système où ils se sentaient emprisonnés, qu'ils voulaient briser par tous les moyens. Et cette soif de destruction s'est encore plus accentué quand ils sont entré au lycée, avec la force, la traction, du groupe. Vadim les côtoyait, toujours, encore. Il se sentait comme protégé derrière cette bande. Parce qu'on ne les cherchait pas, on s'écartait sur leur passage. On les admirait, quelque part, et il y avait quelque chose de libérateur et d'euphorique là-dedans. Mais aussi de menaçant, quand ils prenaient certains élèves pour cible, de dangereux quand ils buvaient de l'alcool, en quantité, et qu'ils en venaient aux mains face à tout ce qui apparaissait face à eux, et qui ne leur revenait pas, parce que ça leur rappelait leurs erreurs, leurs coups de sang, un parent. Et c'était souvent le cas. Intenables et incapables de se regarder dans le miroir. Il était plus simple d'en briser le reflet, plutôt que de s'y attarder.

Vadim ne cautionnait, pour ainsi dire, pas grand chose de ce qu'ils accomplissaient, de ce qu'ils représentaient. Ils n'étaient pas d'accord avec certains mots, certaines insultes qu'ils employaient. Le fait qu'ils se justifient, pour tout, par la violence le révulsait, et le terrifiait à la fois. Mais, naïvement, Vadim pensait, il en était convaincu, que, parce qu'il se tenait du même côté qu'eux, rien ne pourrait lui arriver, il disparaîtrait simplement de leurs vies, dès qu'il aurait quitté le lycée. Il se cachait derrière leurs carrures élancées, qui le retenaient tout autant prisonnier.

Mais est arrivé un jour où, entre deux cours, Vadim est arrivé après une tempête, une scène choquante. Ils venaient de prendre à partie deux filles, en classe de première. L'une d'elle était en larmes, la seconde la consolait, en la serrant contre elle, le regard mauvais sur toute cette "fine équipe de connards", comme elle leur a craché au visage. Il était question de croyances et de mensonges. On avait menti à la première, ballottée par de faux sentiments, tout ça pour en obtenir plus, évidemment. Vadim n'a compris qu'en l'apercevant lors de la dernière action de l'association d'Aline, qu'il s'agissait de Maura, déjà à l'époque.

Prêt à user, de nouveau, de son venin avant ses poings, Vadim s'est alors interposé avant que tout ne dérape, encore. La fois de trop, sans doute. Il a tenu tête au chef de groupe désigné, il a tenté de le calmer, de le raisonner, même si c'était bien évidemment impossible avec lui ; alors que tous pouvaient très bien se rendre compte, que le reste de leur groupe, restait choqué, paralysé par la scène. Il avait été trop loin, et pourtant personne ne le remettait en doute. Personne, sauf Vadim.

C'est à ce moment, parce qu'il a osé, parce qu'il voulait mettre un terme à un système sans faille, parce qu'on ne leur refusait jamais rien, que Vadim s'est pris ce retour de flamme. Il est devenu la cible à abattre. Lui qui n'avait pas de lien plus profond que ça avec eux, parce qu'ils ne s'y intéressaient pas, parce que c'était un "truc de meufs" de discuter plus profondément, les uns avec les autres. C'est ce dont ils auraient eu besoin, peut-être.

On invitait Vadim à se joindre à eux, pour des sorties, des soirées. Vadim a tout refusé. Il ne supportait plus son ombre mélangée avec les leurs. Bientôt, dans l'enceinte du lycée, les bousculades, les insultes, les crachas qui sont devenus fréquents, toujours quand il pensait en être à l'abri. Alors, Vadim a commencé à se méfier, à être bien plus prudent, transparent. Mais, bien évidemment, cela n'a pas suffit. Il avait beau arpenter le lycée quand il pensait leur avoir échappé, ils le retrouvaient toujours. Les bousculades sont devenus des coups. Les insultes ont pris la forme d'une seule : "pédé". Les crachas ont redoublé.

Vadim en bête noire, tout se retournait contre lui, parce qu'il était tellement plus simple de se venger littéralement sur lui, plutôt que de tenir tête à celui qui les guidait sur la mauvaise pente et ses travers. Vadim n'était plus tranquille, plus en sécurité. Un tout, une ambiance qui chassaient et réduisaient drastiquement son sommeil, et le plongeaient dans une perdition au jour le jour. Son attention s'étiolait pour disparaître, et c'est tout son dossier scolaire qui s'est effondré. Il arrivait en retard, ou ne venait tout simplement pas. Habité par un stress, une angoisse, immenses, qui bouffaient sa vie. Il aurait pu continuer à subir, en se rassurant, se disant que, bientôt, tout ça serait fini, qu'il ne les verrait jamais plus. Cependant, il y a eu cet incident de trop.

Un soir, après un entraînement tardif. Le volley en dernier refuge, puisqu'aucun de ses agresseurs ne s'y présentaient. Il pensait être à l'abri, il pensait que leurs attaques ne l'atteindraient pas, jusqu'ici.

Il y croyait.

Mais quand Vadim est sorti des vestiaires, son sac sur l'épaule, ce sont six silhouettes qui se sont jeté sur lui. Un premier coup de poing, qui lui a ouvert la lèvre. Un second qui l'a fait tomber au sol. Ensuite, à terre, une pluie de coups de pieds, dans le ventre, dans les côtes, contre le dos. Vadim, paralysé par la peur, le souffle court et la vision trouble, s'est complètement dissocié de la situation. Il savait qu'on cognait son corps, ses muscles, son visage. Il se rendait bien compte qu'il pleurait, et que ses larmes se mélangeaient à son sang épais et chaud. Il a bien vu comment le groupe l'entourait, en arc-de-cercle, pour laisser agir leur chef de groupe. Pour qu'il s'assoit sur lui, à lui bloquer tout l'air dans les poumons, jusqu'à ce qu'il s'étouffe, qu'il bleuisse, pour qu'il puisse continuer de le rouer de coups, jusqu'à lui briser les os, les tissus ; le défigurer. Et puis, soudainement, il y a cette lubie de vouloir le débarrasser de ses vêtements, de le soumettre et l'humilier encore un peu plus. Amorphe, proche de l'inconscience, Vadim a sentit des doigts, des mains froides dévoiler sa peau nue. Celle de son torse, de ses cuisses, puis bientôt de son entre-jambe. Curieusement, il n'y avait plus qu'une seule silhouette en mouvement. Plus de bruit. Plus de coup. Vadim nu sous les paumes d'une soif impossible de domination et de destruction, dans un silence froid et complice.

Et puis, au loin, en arrière-fond, une voix. Vadim, sur le coup, a cru que cette fois c'était bon pour lui, il allait fermé les yeux, et puis plus rien. Pourtant, quand il les a rouvert, les ombres avaient disparues. Une nouvelle se tenait proche de lui. Elle a couvert son corps ensanglanté avec ses vêtements froissées, déformées. Elle l'a redressé et serré contre elle, pour le faire revenir, pour le soigner. A mesure qu'elle lui appliquait du désinfectant et des pansements, les gestes sûrs mais le regard paniqué, Vadim a compris qu'il s'agissait de Noam, le capitaine de l'équipe d'en face, qui partageait leur terrain d'entraînement. Une compréhension qu'il n'a faite que lorsqu'il est venu voir le match d'Erik. Chaque événement l'a rapproché de ces faits qui le terrifient encore, le paralysent. Ils ont eu un regard l'un pour l'autre, compréhensif, mais rien de plus. Ils savaient tout, sans se le dire. Ils n'envahissent pas l'espace de l'autre.

Après ça, c'est leur coach qui a mis un terme à leurs petites visites dans le gymnase, et les vestiaires, quand ça leur chantaient, rien que pour le menacer, ou l'insulter, comme souvent. Deux exclusions. Trois punitions. Vadim sait bien que cela ne va pas les arrêter. Ces mesures les ralentissent, tout au plus. Il vit avec cette peur, au jour le jour, qu'ils finiront quand même par le trouver, où qu'il soit, où qu'il aille. Et que cette angoisse qui lui serre l'estomac, la gorge, il ne peut que l'emmener partout, parce qu'il ne peut pas encore s'en débarrasser, parce qu'il n'est pas encore complètement rassuré, parce qu'il ne possède plus cette pleine confiance en lui-même.

Et tout ça, Vadim l'explique, assis en face d'Aline, en tailleur, sur son lit, dans sa chambre, alors que les premières lueurs du jour percent au fenêtre, sans qu'ils aient fermé les yeux. Elle n'a l'a pas laissé repartir sans elle. Il lui a raconté, en une fois, sans craquer, sans s'interrompre. Et Aline est restée saisie, en l'écoutant, silencieuse, en se retenant de faire des commentaires, de rage, pour ne pas le perdre, et le laisser vider complètement son sac.

C'est le cas. Et, quand il s'arrête enfin, il est presque essoufflé. Aline, elle, a de l'humidité au bord des yeux, et ouvre simplement les bras pour que le corps élancé de Vadim puisse s'y réfugier. C'est ce qu'il fait. Aline lui caresse le dos, de haut en bas, appuyée, appliquée. Elle le berce doucement, et sent qu'il se détend, peu à peu, tout contre elle. Elle aimerait pouvoir étendre une couverture de nuit, sur lui, les creux, les trous de son cœur, en armure renforcée. Elle se sent capable de le soutenir, de l'écouter, de chercher à le comprendre, à réfléchir comme lui, à essayer de lier ses réactions, bonne ou mauvaises, à son passé pour ne pas s'emporter contre lui, ou se détacher, parce que dans l'incompréhension. Elle se sent prête, elle peut faire ce pas, elle peut porter tout ça sur ses épaules, elle sera assez forte. C'est ce qu'elle se dit. Elle ne sait pas que ces convictions vont la tester, la mettre à l'épreuve à l'avenir.

Mais, pour le moment, elle continue juste de rassurer Vadim, et lui souffler des mots doux, des paroles pour qu'il se renforce, pour qu'il se retrouve. Quand il relève la tête, leurs visages tout proche, Aline ferme les paupières et le laisse l'embrasser avec une simplicité infinie, déconcertante. Elle le laisse s'avancer un peu plus près d'elle, parce qu'elle a obtenu quelques unes des réponses dont elle avait besoin. Parce que Vadim fait cet effort, et s'approche, pas à pas, jusqu'à résoudre ses traumatismes. Aline a déjà rêvé de ce moment. Elle veut en être.

Ils s'allongent, tous les deux, face à face, et, après de légers sourires en croissants de lune dans l'obscurité, ils s'endorment enfin.

* * *

Dans la maison, quelques rues plus loin, c'est Thom qui se réveille, nu, entre les bras d'un Erik encore plongé dans le sommeil, son corps brûlant, piquant. Les entraînements en extérieur, ont encore un peu plus cuit sa peau. Etendue de sable chaud et brillant d'or, dont Thom ne se lasse pas d'y passer les doigts ou la langue. Il prend toutes les précautions pour qu'Erik ne sorte pas de ses songes. Doucement, lentement, en silence. Tout en écoutant la profondeur de sa respiration comme guide, indications. Il enfile rapidement un jean, et le même sweat quAline lui a prêté, hier, pour l'action ; et s'échappe de la pièce sans croiser personne, pas même sa mère, alors que le parquet craque, face à la porte de la chambre, alors qu'elle a le sommeil si léger d'habitude. Un coup de clef à la porte d'entrée et il s'extirpe dehors, dans la fraîcheur matinale. Dirigeant son vélo d'une main, un gobelet de café hermétique dans l'autre, il pédale doucement, et profite d'une ville rien que pour lui, qui s'offre et se déplie en pétales. Les lampadaires s'éteignent sur son chemin, un par un, tandis qu'il se rend jusqu'au cimetière. Il n'a pas acheté de bouquet, mais il sait que sa présence suffira.

Le fait d'avoir réalisé ce projet de photographies, avec les mêmes vers qu'il a trouvé écrits de la main de son père, lui a fait comprendre qu'il avait besoin de ça, qu'il devait s'y rendre, s'y présenter. Le papier glacé et jauni ne lui suffisent plus, il a besoin de réel, de concret, de complet.

Alors, sans rien dire, à personne, même pas à Erik, à qui il ne cache jamais rien pourtant, et après y avoir longuement réfléchi ; il freine et dépose son vélo tout-contre la grille d'entrée. Il arpente les nombreuses allées, où il ne croise évidemment personne, et s'arrête enfin face à l'une des tombes. Ce qui attire immédiatement son regard, c'est ce poème, qu'il adorait, selon sa mère :

The stars are not wanted now: put out every one;

Pack up the moon and dismantle the sun;

Pour away the ocean and sweep up the wood;

For nothing now can never come to any good.[1]

Thom le relit plusieurs fois pour s'en imprégner. Sa mère lui en a longuement parlé. Il fait partie du premier recueil de poèmes qu'il lui a fait lire, puis offert. Inscrire ces vers, contre la pierre tombale du seul homme qu'elle a jamais aimé, lui a paru comme une évidence. Son fils en a ressenti des frissons, parce qu'il a, de son côté, pensé au premier roman qu'ils ont tous les trois lus en commun. Le genre littéraire est différent, mais on peut en trouver, en souligner les points communs.

Thom nettoie rapidement la pierre de ses mains. Il enlève les feuilles mortes qui s'y sont amoncelées, et retire les bouquets cuits de soleil et fanés. Contre le froid de la pierre, Thom découvre que de nombreuses plaques ont été apportées, demandées, en l'honneur de son père. On y décrit ses regrets, son manque, sa frustration de ne pas pouvoir grandir et vieillir à son côté. Un compagnon, un père, un fils, un ami ... Des mots qui prennent Thom à la gorge et le fond s'asseoir sur le rebord de la pierre. Il expire, et prend une gorgée de café brûlant. Il n'y avait pas pensé auparavant, mais les parents de son père, ses propres grands-parents sont peut-être encore de ce monde. Sa mère ne lui en a jamais vraiment parlé. Il met ces questions dans un coin de sa tête, il y reviendra. Là, dans le silence, Thom salue son père pour la première fois depuis de nombreuses années.

Thom s'excuse de ne pas être venu plus tôt, mais tout ça lui faisait peur, lui apparaissait comme dans un brouillard. Il lui explique que cela ne fait pas si longtemps de ça que, sa mère, Acacia, lui a finalement tout avoué. Qu'elle lui a raconté leur rencontre, leurs sentiments vite réciproques, leurs soirées, leurs sorties de route adolescentes, leurs rancœurs, leurs difficultés, leurs doutes, leurs silences. Les larmes.

Thom expose, dans les détails, tout ce qu'ils ont été capables de lier, et de comprendre, rien qu'eux seuls, tous les trois. L'adolescent imagine son père, le sourire aux lèvres, amusé de ces trois petits détectives. Il passerait peut-être une main dans ses boucles, et le féliciterait. Et puis, il en vient à ce qu'il est, lui, son fils, maintenant, dans ce présent qui est à eux ; ce qu'il aimerait devenir aussi. Ce qui se passe dans sa vie, qui il est venu à côtoyer, tandis que la vie de son père s'est arrêté, stoppé net, tandis qu'il faut faire sans lui, parce qu'il n'a pas pu les suivre.

Pris dans sa tirade, sans interlocuteur physique, Thom ne se rend pas compte, que certains défunts ont de la visite, que le cimetière se rempli petit à petit, à mesure que le soleil monte. Son café est froid, et sa gorge sèche, après s'être déchargé de la sorte, après avoir vidé son cœur, entreprit d'apprivoiser cette présence qui lui fait défaut, et dont il n'a que très peu de souvenirs, et pour la plupart, vagues, troubles. Il soupire, en se redressant. Il embrasse sa main pour ensuite la déposer contre la plaque principale, près de ces dates bien trop définitives. Et, sur le chemin du retour, en écrasant les gravillons de ses semelles, Thom sent que le vent, qui se lève subitement, le pousse, l'enserre. Son père lui demande de prendre sa vie en main, de la mener comme il l'entend, sans arrière-pensées, sans attache ; Thom en est persuadé. Il lui fait aussi promettre de venir le voir dès que c'est possible, dès qu'il en aura le besoin.

Thom, bien plus léger, un poids qui disparaît de ses poumons, de sa poitrine. Il enfourche de nouveau son vélo et roule jusque chez lui, dans le sens inverse. Il se fait la réflexion, dans un sourire, qu'un matin de vacances comme celui-ci doit être partagé avec tout le monde. Et ça le fait sourire de voir qu'il ne s'est pas trompé, puisque lorsqu'il rentre chez lui, les quatre inséparables sont déjà présents, ainsi qu'Erik, tout juste sorti du lit. Thom le rassure d'un baiser, concernant son absence, avant de lancer le premier service de café, pour tout le monde.

Lorsqu'ils s'installent à la table de la terrasse, Acacia passe une main affectueuse dans les cheveux de son fils, et serre une tasse de café à Erik. Florian prend le temps de disposer les pâtisseries que Cam tenait à faire, même de bon matin, même avec des préparations culinaires à rallonges. Le père chasse la main précipitée de son fils par une tape. Hugo fixe l'horloge, à l'intérieur, contre l'un des murs du salon, en fronçant les sourcils. Elle s'inquiète de ne pas voir paraître sa fille, et son mari la rassure d'une main posée sur sa cuisse. Elle viendra, plus tard. Il la vu rentrer en compagnie de Vadim, la nuit dernière, et il s'est douté que leur levé serait compliqué ce matin, et c'est le cas.

Une fois tout le monde servis et assis, Cam annonce que tout ce qu'ils voient dans les assiettes, et bols, feront partie de sa première carte en tant qu'entreprise de traiteur. Fiérement, elle annonce qu'elle a enfin créée sa nouvelle entreprise, et reçoit des applaudissements enthousiastes de la part de ses amis, mais également des deux adolescents. Sourires aux lèvres, ils se font alors un plaisir de goûter en avant-première ces ébauches de carte. Cam a encore beaucoup de travail, elle le sait, elle s'y attend. Mais leurs présences, à tous, est son premier moteur. Acacia a signé le contrat en tant qu'associée pour moitié, et Hugo, de son côté, est devenue partenaire minoritaire. Les liens se resserrent encore un peu plus avec ces nouveaux projets. Tandis qu'une nouvelle assiette se vide et rejoint la pile de toutes celles qui sont dans le même état, Florian demande.

─ Et comment elle s'appelle cette nouvelle boite ?

Tacha Feta Traiteur.

─ Quoi ? Mais qu'est-ce que c'est que ce nom ?

Cam se prend à rire en entendant la réflexion de son mari. Celles au courant, dans l'affaire désormais, ont également un grand sourire. C'est Hugo qui révèle la véritable portée de la marque qu'elles ont créée, et qui, au premier abord, ne fait pas beaucoup de sens.

─ On a cherché par rapport à des choses que Cam aime, ou qui l'intéresse.

─ Sauf que je ne suis pas toute seule dans l'entreprise.

L'intéressée répond, tandis que les trois femmes font leur exposé avec enthousiasme. Au tour d'Acacia d'apporter son éclairage.

─ Alors, on a pensé à un anagramme, et on a utilisé toutes les premières lettres de tous nos prénoms, ensemble.

─ C'est pour ça que ça veut rien dire.

Erik commente enfin, tandis que Thom lui donne une tape contre le bras, et que leurs interactions font sourire tout le monde. Le fils d'Acacia les complimente alors.

─ Vous allez nous emmener partout.

─ Bon courage !

Erik raille, mais il est si fier d'elles toutes. Cam affiche un large sourire, encore un peu plus brillant. Elles sont heureuses d'être parvenues à cette finalité. Parce qu'ils seront les seuls à le savoir, à posséder cette référence à eux tous, parce qu'il y aura une fierté immense en voyant apparaître les papiers officiels, les en-têtes de papier à lettres, les tampons, les cartes de visites ... Ce sera écrit noir sur blanc, ils commencent une sorte de dynastie, un empire, ils répandent leurs branches, leurs racines un peu plus loin. Plus forts tous ensemble, plus créatifs, plus ambitieux, plus motivés.

Après avoir félicité, encore et encore, les trois femmes, les bols et les assiettes sont tombé bien vides. Tout le monde s'est mis en marche, et s'est dirigé vers la cuisine pour aller laver le tout. Hugo, les mains fripées d'eau et pleines de savon, frotte, tandis que son mari essuie. Il n'arrête pas de la coller, de lui voler des baisers, de presser son corps contre le sien, dès qu'il en a l'occasion. Les joues rosies, parcourues de tout un tas de nouvelles couleurs et éclats, Hugo en a le cœur battant à tout rompre. Elle laisse carte blanche, libre-court à ses émotions, ses attachements ; et elle ne peut plus nier la flamme dévorante qu'elle porte et qu'elle a ravivé pour son mari.

─ Viens avec moi, ce sera marrant.

─ Ta définition de marrant est très différente de la mienne.

La ligne de défense d'Hugo est bien faible face à l'insistence, presque adolescente, de Théodore. Il piaffe, il trépigne. Il veut de ce moment, mais seulement avec elle.

Le clerc de notaire, à lui et sa mère, en charge de la faible succession de son père, leur a rapporté l'existence d'un bien. Ils croyaient dur comme fer que Franck ne leur apporterait que des dettes de jeux, de boissons. Et pourtant, lorsque le représentant de la succession a pu leur en dire plus, il a fait cas de l'état de ses finances. Il ne roulait pas sur l'or, mais se tenait toujours en-dehors de la limite, du rouge. Il n'avait aucun bien immobilier, mais payait son loyer dans les temps. Il arrivait à se nourrir, mais jamais sans extra, et toujours avec une petite enveloppe pour entretenir son besoin d'alcool, évidemment. Quand il n'avait pas les moyens d'aller au bar, le bar venait chez lui, en quelque sorte. Dans son appartement, on a retrouvé une quantité impressionnante de bouteilles, quelques meubles, des cendriers bien trop remplis, une odeur de tabac froid, de renfermé, et d'humidité qui commençait à dévorer les murs. Cependant, en faisant l'inventaire, l'huissier s'est rendu compte que l'appartement contenant également un box, un garage, un espace supplémentaire. Alors, les deux représentants s'y sont présentés. Là, de nombreux cartons de souvenirs, beaucoup de photos, répandues dans des albums, des récompenses quand il était encore capable d'être skipper au sein d'un équipage, quand il pouvait encore prendre la mer. Mais le plus étonnant était cette voiture, cachée par une large bâche, où la poussière s'y était amoncelée. Lorsqu'ils l'ont retirée, ils y ont découvert une Alfa Romeo GTV6 de 1983. Ils en ont estimé la valeur, mais celle-ci se cache bien ailleurs, pour ceux qui ont côtoyé son propriétaire. La première voiture de son père, de couleur rouge pour lui rappeler son équipe favorite sur les circuits de F1. Une voiture dont Théodore se souvient très bien, pour y avoir passé des heures pour aller en vacances. Une voiture que sa mère pensait que Franck avait vendue depuis le temps, parce qu'elle se faisait trop vieille, parce qu'elle avait des problèmes mécaniques, parce qu'elle consommait bien trop pour leurs faibles moyens de l'époque.

Théodore l'a vu sur les traits de sa mère, la surprise, l'incompréhension, et puis le soulagement, parce que, dans le fond, elle y tenait si fort à cette voiture, sans réellement se l'avouer. Une réaction qui a paru idiote, à la femme âgée, ce n'est qu'une voiture, n'est-ce pas ? Pourtant, sa couleur brillante, lui a tout de suite rappelé alors ses bons jours. Quand on pouvait parler à Franck, sans qu'il ne s'énerve ou n'en vienne à lever la main sur sa propre épouse. Parce qu'il ne buvait pas, pour être capable de prendre soin de son petit bijou de mécanique. Des moments que Théodore pouvaient passer avec son père, sans qu'il ne lui crie dessus, ne le diminue. Des moments, rares, où il lui faisait confiance, où il lui demandait de l'aide, et où le fils enregistrait tous les apprentissages et les conseils que son père lui donnait, parce que le gamin était bien conscient que cela ne durerait pas, que l'orage poindrait bientôt. Rosa a eu l'intuition de racheter le Mischievous quand Franck n'a plus été capable de l'entretenir, parce qu'il avait besoin d'argent. Ils étaient déjà divorcés, et elle savait très bien que leur fils aurait les épaules, pour pouvoir reprendre le voilier, parce que cela lui faisait envie, parce qu'il aimait ça. Parce qu'à une certaine période, ça le rapprochait de son père, comme il ne pourrait plus le faire. Et ça était le cas. Cela a même été un catalyseur incroyable pour ce jeune adulte perdu, et avec ce besoin de balancer sa rage.

Alors, quand ils ont su pour la voiture, Rosa lui a laissé le choix. Elle lui a dit "fait comme tu veux, elle est à toi". Et le cœur de Théo s'est mit à battre un peu plus fort, parce qu'il s'est dit qu'il pourrait, à son tour, prendre le volant de cette voiture chargée de souvenirs. Il s'est dit qu'il pourrait en faire cadeau à sa propre fille, qu'ils pourraient la faire passer dans la famille, comme un véritable héritable dont ils sont fiers, tout le contraire de ce que leur ont donné leurs parents, pour Hugo et Théo d'un même tenant.

Voilà pourquoi Théodore n'arrête pas de tanner son épouse pour qu'elle vienne faire un tour avec lui, pour qu'elle l'accompagne. Théodore est venu faire les vérifications dans le box. Elle est dans un état de fonctionnement admirable. En fait, son père n'a jamais cessé de l'entretenir, de se dégager un budget pour pouvoir en prendre soin. Elle ne roulait plus, mais elle est en état de le faire.

Hugo, en s'essuyant les mains, pousse un long soupir en voyant la lueur allumée dans les yeux de son mari. Elle peut le revoir, à seize ans, gamin allumette, prêt à prendre feu au moindre effleurement. Il se raccroche à tout ce que lui a transmis son père, le meilleur, l'ensoleillé, il veut se l'approprier, en faire quelque chose de mieux, de plus grand. Elle lui cède quand elle voit, dans son dos, que le soleil traverse les corps amoncelés, accumulés de nuages, et que la pluie ne tombera peut-être pas tout de suite.

─ D'accord, mais pas de conneries.

─ Juré ! T'as juste à glisser tes petites fesses dedans.

Théodore lance, bien trop rapidement pour que cela soit vrai, en levant les mains en signe de reddition. Elle va pour le menacer, par rapport à sa dernière réflexion, mais il prend bientôt la main de sa femme, et se précipite dehors, elle à sa suite, draguée par les courant qu'il crée. Ils expliquent rapidement où ils se rendent, à leurs amis, dans la maison, et leur demandent de les contacter si Aline se présente, s'ils ne sont pas rentrés avant.

Un simple hochement de tête, commun. On leur demande tout de même de faire attention, pour la forme.

Assise à la table du salon, Acacia réalise de nouveaux petits bijoux pour son magasin. Cam la rejoint pour en faire de même, l'aider en suivant les conseils que son amie lui donne ; tandis que Florian a ressorti son matériel de bricolage, pour terminer de poncer les volets qui en ont encore besoin, et les repeindre. Erik et Thom, quant à eux, profitent d'un matin lent pour pouvoir s'allonger, l'un sur l'autre, dans le canapé, deux corps entremêlés, chacun son livre dans les mains.

─ Tu as vu le regard de Théo ?

Acacia demande à Cam, les mains et les yeux pris à son ouvrage. Cam rit doucement, en liant perles et ruban de tissu ensemble.

─ Toujours le même gamin.

─ Mais il a l'air tellement plus léger, mieux dans sa peau.

─ Il a tout retrouvé.

Cam pose ses mots, de façon définitive, parce qu'ils le voient, ils le comprennent. Théodore possède un monde entier dans le creux de ses paumes, et c'est à lui de le sculpter, de le créer selon ses envies. On lui laisse enfin une seconde chance, une chance de se prouver. Les deux femmes portent de petits sourires aux lèvres. Elles sont fières de lui, elle le voit se prendre en mains, devenir tellement plus que ce à quoi il se destinait. Il change de jour en jour.

Un grognement mécanique, de moteur, tire Aline de son sommeil, lovée dans les bras immenses de Vadim. Sans se douter qu'il s'agit de ses parents, au loin, elle se redresse et se frotte les yeux. En la sentant bouger, grogner, Vadim ouvre également les yeux. Il la dévore du regard, il s'imprègne du cadre, du tableau qui lui fait face, ce matin, il aimerait s'en souvenir. Pour longtemps. Aline, ses cheveux répandus tout autour de son visage, lui donne un franc sourire avant de se pencher près de lui, et de l'embrasser de nouveau. Vadim accueille son geste en déposant une main contre sa joue.

─ Tu veux un café ?

─ Un petit et je rentre.

─ Déjà ?

Aline demande, un sourcil haussé. Vadim lui explique alors que ses parents ne sont pas encore complètement à l'aise de le savoir dehors, de le voir découcher, ailleurs, avec des personnes qu'ils ne connaissent pas ; alors qu'ils s'inquiètent encore tellement pour leur fils, parce qu'ils ne sont pas encore sûrs que tout soit résolu pour lui. Ils ont fait tout ce qui était possible, tout ce qui était en leur pouvoir, mais ils restent très protecteurs, et ça rassure leur fils, aussi. Aline enfile un pull par-dessus son pyjama, et quand elle se tourne vers lui, c'est pour annoncer, toute sourire.

─ Il va falloir que je les rencontre alors.

Définitivement réveillé par ses propos, Vadim se redresse vivement. Aline est déjà debout, dans la pièce, prête à descendre, elle le regarde, rassurante.

─ T'es sûre ?

─ On est amis, je vois pas le problème.

Et avec ce raisonnement aussi simple, accompagné d'un clin d'œil, Aline descend pour aller préparer le café qu'elle lui a promis. Vadim soupire dans un sourire et se rhabille en silence. Le feu follet qu'il porte au corps continue de le réchauffer, encore un peu plus quand elle est dans les parages.

Deux tasses utilisées dans l'évier, et Aline dépose un dernier baiser contre la joue de Vadim alors qu'il met sa moto en marche. Toujours ce même signe lointain, du bras, alors qu'il s'éloigne. Aline se précipite à l'intérieur, pour aller prendre une douche, et rejoindre ses parents chez Cassie, avant que leurs soupçons ne l'écrasent un peu plus et ne la pousse à tout avouer. Pour le moment, elle aimerait y garder pour elle, de son côté, comme une boite précieuse, mais fermée. Elle veut agir et laisser évoluer les choses, sans que personne ne soit véritablement au courant, et ne donne son avis, n'altère le sien.

Aline file au pas de courses dans les lotissements, et atteint bientôt la maison qu'elle vise. Elle rentre pour découvrir que ni sa mère ni son père ne sont présents. Acacia l'accueille avec un grand sourire, et lui explique bientôt la raison de leur absence. Cam lui apporte une tasse de café, en rattrapage, et Thom et Erik, amorphes, l'un contre l'autre, ne la saluent que d'une simple main levée, là, dans le canapé. Aline roule des yeux face à leur attitude et s'asseoit bientôt avec les deux femmes.

─ On pensait aller au restaurant, tous ensemble, ça te tente ?

─ Evidemment !

L'amour de la nourriture d'Aline les font rire, tandis que Cassie presse son fils d'aller prendre sa douche, pour qu'ils soient tous prêts à partir, dès qu'Hugo et Théodore seront de retour. Thom mime le déchirement théâtral, de devoir quitter Erik, qui, lui, feint la mort sur le coup. Les deux adolescents se mettent à rire et Aline ne peut se retenir de balancer à l'intention de celui qui reste :

─ T'avais déjà pas beaucoup de neurones, mais Thom achève les derniers !

Acacia et Cam se mettent à rire, tout comme Florian, les mains pleines de peintures, qui entre sur cette réflexion. La réaction d'Erik ne tarde pas, puisqu'il lui balance une tong, qui atterrit contre son dos, dans un claquement. Revancharde, Aline se lève subitement pour le courser à travers la maison, jusque dans le jardin. Florian s'asseoit près de ses amies, amusé par les adolescents.

─ Ils sont intenables.

─ Et c'est toi qui dit ça ?

Florian s'offusque faussement, et Acacia en rajoute.

─ T'as fait pire à Théo et Hugo.

─ C'est trop facile de les mener par le bout du nez, ces deux-là.

Florian se félicite, tandis que, dans l'entrée, la porte s'ouvre et accueille les deux concernés.

─ Tu veux qu'on reparle de la fois où t'as fini enfermé dehors, et à poil ?

Théodore lance, défié et joueur. Hugo se prend à rire, tout comme ses amies, rien qu'en se remémorant les faits. Florian se tourne alors vers lui, une étincelle de fanfaronnade dans le regard.

─ C'est pas comme ça que ton téléphone a fini dans la piscine ?

Tandis que ces deux-là reprennent leurs chamailleries d'il y a une dizaine d'années, les femmes débarrassent les tasses, et les déposent dans le lave-vaisselle.

─ Alors, ce tour d'Alpha ?

Acacia demande à Hugo, qui s'illumine bientôt de lumière et de couleurs, à travers un nouveau sourire.

─ Il m'a emmenée près de la côte. Il sait toujours jouer les lovers.

Ses amies rient doucement. Ce qu'Hugo ne dit pas, c'est qu'ils se sont arrêtés, près de cette fameuse côte, pour admirer la mer. Mais aussi se tenir la main, assis sur le capot encore chaud de la voiture. Pour s'embrasser. Hugo ne les met pas non plus dans la confidence qu'elle a retrouvé ce battement fougueux, électrique, de leurs années adolescentes. Elle ne leur décrit pas comment il la déshabillé, à l'arrière, sur la banquette, et comment il lui a rappelé qu'elle ne brûlera jamais aussi fort pour quelqu'un, que pour lui seul. Hugo complètement consumée, qui produit le même effet sur Théodore. Acacia et Cam décident de ne pas noter ses cheveux ébouriffés ainsi que sa blouse froissée, qui la trahissent à grand bruit.

Quand tout le monde a réglé ses comptes, tout le monde s'entassent dans deux voitures. Ils se dirigent vers un des restaurant situé près du port, où ils ont eu leurs habitudes. Et quand ils pénètrent à l'intérieur, le patron, déjà d'un certain âge, les salue comme de vieux amis. Parce que c'est ce qu'ils sont, parce qu'ils les connait depuis longtemps. Parce qu'il les a vu, à seize ans, ne prendre qu'une corbeille de frites pour six. Et que désormais, ils commandes entrées, plats et desserts, mais cette fois pour huit.

Quand un serveur aux cheveux blonds et à la carrure élancée, Abel, comme l'indique son badge ; leur dépose l'addition tout près, c'est la bataille rangée. Tout le monde dégaine sa carte bancaire, et les trois adolescents n'ont jamais été exposé à ce genre de scène. Elle les amuse, parce que Florian bloque le bras d'Hugo, en disant qu'il refuse l'argent de Théodore. Cam essaie de distraire Acacia, pour qu'elle n'en fasse pas de même. Un joyeux bordel qui les suivent, partout où ils vont, et quand ils sont ensemble. Et quand le patron perçoit le brouhaha venant de leur table, il s'en approche, et les considère comme s'ils s'agissait de ses propres enfants et petits-enfants, les poings sur les hanches.

─ C'est pour la maison.

─ Quoi ? Non, tu peux pas faire ça !

Théodore repousse l'offre, tandis que le patron leur offre un grand sourire ensoleillé, et fier.

─ Dites-vous qu'Adrien vous invite.

Après cette phrase, plus un mot. Tout le monde range son porte-feuille et porte un sourire de compréhension commune. Parce qu'il est ici, avec eux. Ils ne s'en sont pas fait la réflexion jusqu'à maintenant, mais, la dernière fois qu'ils se sont tous présentés ici, Adrien était encore de ce monde, avec eux. Alors, comme d'un seul homme, ils facilitent le travail de leur serveur, en regroupant les assiettes, les tasses, les couverts ensemble, puis se lèvent pour aller se promener le long de la marina. Non sans avoir serré le patron du restaurant, un par un, contre eux.

Sur le ponton, les groupes se font et se défont. Cam saisit la main de Florian, leurs yeux tout contre les légères vaguelettes qui lèchent les coques des bateaux accostés. Erik se prend à taquiner Aline sur son retard de ce matin, il se renseigne. Il lui tire carrément les verres du nez, concernant Vadim. Et elle est bien obligée de lui expliquer. Elle sait qu'il s'y intéresse parce qu'il s'inquiète, parce qu'il veut encore et toujours étendre sa protection jusqu'à elle. Erik ne fait aucune différence, il s'agit de sa sœur. Théodore et Hugo traînent à l'arrière, l'un contre l'autre, s'arrêtant souvent pour s'octroyer de nouveaux baisers, ce qui fait rouler leur fille des yeux, dans un faux dégout. Elle le feint pour cacher sa véritable joie de les voir agir ainsi, ensemble, parce qu'ils se sont retrouvés, et écoutés.

Acacia profite de son fils, un bras autour de ses épaules, juste devant eux. Thom entoure les hanches de sa mère, et ils marchent en silence. Acacia remarque alors que son fils la dépasse, de par sa taille, que le temps de l'enfance semble révolu. Une légère pointe au cœur, mais aussi une grande fierté.

─ Il connaissait papa ?

Thom demande, en faisant référence à leur repas. Acacia hoche la tête, et porte ses yeux à l'horizon.

─ C'est lui qui nous a emmené la première fois. Il adorait se mettre près des fenêtres, il disait que la mer était toute à nous, comme ça.

─ J'ai été le voir, ce matin.

Thom explique bientôt, et sa mère le regarde finalement, en attendant plus.

─ J'aimerais apprendre à le connaitre un peu plus.

─ Ça doit pouvoir se faire.

Sa mère le rassure, puis le serre un peu plus fort contre elle. Le cortège avance et le ponton semble infini. Aucune idée d'où ils se rendent, mais ils s'y rendent. Quoi qu'il arrive, tous seront là. Ils ne bougent pas.

[1] Stop all the clocks, cut out the telephone’ ─ W. H. AUDEN.

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