20.

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Dans la voiture, aux côtés d'Hugo, derrière le volant, qui crie les paroles d'une chanson qu'elle ne reconnaît pas ; Acacia, les cheveux voletant par les fenêtres ouvertes, jette un regard à l'arrière, à travers le rétroviseur central, pour y découvrir son fils, ainsi qu'Aline, qui partagent des écouteurs. Elle ne peut retenir ce sourire immense, qui lui ferait presque mal. Le soleil lui pique les bras, comme après un long hiver, un qu'elle ne pensait pas voir finir, se terminer, qu'elle voyait s'achever avec elle. Mais, il n'en est rien, elle est bel et bien vivante, elle inspire cette odeur de vacances, et de bord de mer.

Ils ne partent pas loin, ils changent simplement de côte, ils se déportent à quelques kilomètres plus loin, où ils ont loué une maison pour quelques jours, tous ensemble. Rien qu'entre eux, rien que pour se créer de nouveaux souvenirs, plus frais, moins collants que ceux, plus anciens, et avec leurs enfants, à eux tous. Acacia dépose son chapeau de paille sur sa tête, entouré d'un ruban bleu ciel, le même qu'elle portait lors de leurs premières vacances à eux, Adrien, leur fils, et elle. Acacia le sent, le voit partout. Elle l'entend dans le rire d'Hugo, qui s'amuse à chatouiller sa fille dès qu'elle le peut. Elle l'aperçoit dans le regard clair de son fils, posé partout, à mesure qu'ils avancent, qu'ils se déplacent. Elle peut sentir son effluve dans les embruns.

Les deux voitures se garent dans l'allée en gravillons, et dans celle qui les précèdent, en sort le reste de la bande. Théodore a, absolument, tenu à prendre la voiture de son père pour faire le voyage. D'abord, parce qu'elle se trouve être spacieuse, même s'ils n'ont pas tant de bagages que ça, mais aussi, parce qu'il voulait absolument la sortir à la lumière du jour. A ne pas être sorti de son box depuis des années, c'était l'occasion rêvée. Et Théodore n'a pas peur de la casser, il fait confiance aux soins avisés de son défunt père, mais aussi parce qu'il n'a pas peur de le faire, justement, parce que c'est celle de son père.

Acacia le voit rejoindre sa femme, comme si son absence avait été interminable. Ça les fait rire. On décharge les coffres, et Acacia se porte volontaire pour aller faire les courses avec Théodore et Florian. Ils remontent dans l'habitacle, dont Acacia s'appropprie rapidement le siège avant, que Florian ne peut pas lui refuser. Les autres découvrent l'intérieur, et répartissent les chambres. Ce n'est qu'à son retour qu'Acacia apprendra que son fils et Erik dormiront ensemble toute cette semaine.

Pour le moment, elle se prend à rire aux blagues que lui font les deux hommes avec elle, ses amis, et elle imagine très bien Adrien s'insérer dans la conversation, assis à l'arrière. Adrien pince sans rire, capable de décocher les pires choses, avec son sourire toujours aussi charmant. Acacia paierait cher pour pouvoir le revoir, pour l'entendre, encore.

─ Vous avez déjà pensé à faire d'autres enfants ?

Elle demande, subitement, sans préambule, sans que leur conversation ne tende vers ce sujet-là. Acacia est accoudée à la fenêtre, elle leur tourne le dos, elle embrasse le paysage des yeux, et elle semble complètement absorbée, tout en attendant leur réponses, cependant. C'est Théodore qui se lance, après s'être raclé la gorge. Il laisse ses mains glisser sur le volant, et baisse même le son de la radio, parce qu'il sent très bien la nouvelle gravité de leur discussion.

─ On a essayé, avec Hugo. Mais elle était tellement sous le choc qu'on a vite abandonné. On était déjà tellement heureux d'avoir Aly.

─ Pour Cam c'était juste impossible. Elle disait tout le temps qu'elle ne pouvait pas te faire ça.

Acacia a un rire brisé en les entendant, tour à tour. Elle inspire une dernière bouffée d'air, au-dehors, avant de rasseoir dans son siège. Elle les regarde, un par un, puis croise les bras contre sa poitrine, et dépose ses pieds nus, débarrassée de ses tongs, sur le tableau de bord brûlant.

─ Ça c'est leurs avis, à elles. Mais vous, vous en pensiez quoi ?

Acacia enfonce le clou, et elle sent bien que le malaise s'installe, entre eux. Elle leur donne un sourire rassurant, pour bien leur prouver qu'elle ne cherche pas à créer d'orages, mais bien qu'elle se pose sincèrement la question. Théodore déclenche son clignotant, et fait le tour d'un rond-point.

─ J'arrêtais pas de penser à Cerise, pour être honnête, j'osais pas imaginer ce que tu devais ressentir. Ça m'a complètement miné, alors quand on a retrouvé notre intimité, c'était juste hors de propos.

Acacia hoche doucement la tête, à l'écoute de Florian. En réalité, elle est aussi peinée, que touchée. Peinée parce qu'ils auraient pu fonder une famille bien plus grande, étendue, établie, et pourtant, ça n'a pas été le cas. A cause d'elle ? Et touchée, parce que leurs liens, entre eux, sont si solides, que les effets du drame, on eu des répercutions, des dommages collatéraux, des répliques sismiques. Elle se tourne vers Théo, qui a le visage un peu plus fermé, désormais. Il serre les mains contre le volant, et garde son regard sur la route, pour ne pas affronter celui de son amie de longue date.

─ Quand c'est arrivé, Hugo ne me parlait plus, elle restait tout le temps dans la chambre. Je devais jongler entre le boulot et la petite, c'était pas simple. Et quand je me retrouvais tout seul, j'arrêtais pas de penser à mon pote. On n'en parlait pas, alors ça nous a éloignés, et ça c'est juste pas fait.

Réchauffée par leur honnêteté, à tous les deux, Acacia coule dans le fond de son siège, entourée de souvenirs. Son chapeau barre son visage, et l'accès à ses yeux, mais elle répond, à voix basse.

─ Adri' voulait une famille nombreuse, la sienne.

C'est ce qu'il lui avait dit, quand ils étaient enfin installés dans leur premier appartement commun, contre la rambarde de la terrasse, tandis que Thom dormait paisiblement dans sa chambre, la veilleuse allumée, celle en forme de mouton. Acacia fumait une cigarette, une des rares qu'elle s'accordait, tant que son fils n'était pas dans les parages. Adrien avait arrêté, et la tenait par la taille. Il embrassait l'épaule nue d'Acacia, qui se faisait la malle de son gilet en tricot, couleur pêche. Ils regardaient tous les deux les lumières de la ville, qu'ils semblaient posséder, ce soir-là, en silence, et sans révolte.

─ Est-ce que tu serais d'accord pour qu'on continue ?

Il lui avait demandé, avec une extrême douceur. Acacia s'était alors tourné vers lui, un sourcil haussé. Son étreinte ne se perdait pas, il continuait de la serrer contre lui, sans se départir de ce sourire inimitable, qu'Acacia ne retrouvera jamais nulle part.

─ De quoi tu parles ?

─ De ce qu'on a commencé avec Thom.

Et, cette nuit-là, ils ont appris à faire l'amour sans un bruit, sans un cri. Ils se buvaient des yeux, se dévoraient de baisers et ponçaient leurs corps par d'inombrables caresses. Sueurs et sourires infinies. Evidemment qu'Acacia était d'accord. Ils pouvaient produire un peu plus de morceaux d'eux, de leurs sentiments libres, translucides qu'ils se portaient.

Acacia le sait, Adrien a toujours eu cette vision de plusieurs chambres, de plusieurs lits, quand il a commencé à la fréquenter. Parce qu'il croisait Gabin, toujours en retard, son sac sur le dos, des cernes sous les yeux et le ventre vide. Et parce qu'Acacia était celle qui déposait les jumeaux à l'école primaire, quand elle était encore au lycée. Il la vue, plusieurs fois, l'appeler en pleine nuit, parce que sa mère avait encore fait des siennes, et que son départ ne tenait qu'à un fil. Ce fil, ses frères et sa sœur. Si elle avait grandi seule, elle se refusait à ce que cela soit le cas aussi, pour eux.

Acacia a grandi dans une maison ni petite ni grande, sans être ni riche ni pauvre. En parcourant les photos, accrochées, partout, aux murs ; elle pouvait lire le véritable bonheur qu'a ressenti sa mère en donnant naissance à sa première fille. Son mari, à son côté, les yeux brillants, humides, tandis qu'ils prennent la pause tout près du lit d'hôpital, le bébé dans les bras. L'expression qu'ils portaient, ils l'ont gardé durant les premières années de la vie d'Acacia. Son père partait souvent en déplacement, pour son travail, mais sa mère était toujours, du moins à l'époque, heureuse de le voir rentrer, et peinée de le voir partir. Mais cette fenêtre d'absence à laisser entrer une troisième personne, un troisième parti. Acacia l'a entendu de la bouche même de son père, avec cette autre femme, il fuyait la vie en intérieur, les sacs de courses et les deux semaines de vacances obligatoires au mois d'août. Il ne s'y sentait plus vraiment à sa place, il ne cherchait pas plus à s'y imposer non plus. Il a laissé son épouse faire. Il a préféré qu'elle créer une relation fusionnelle et indéfectible avec leur fille, plutôt que de se rapprocher d'elle, la soutenir, et cesser ses activités extraconjugales. Ce qui n'a pas empêché l'arrivée de Gamin, au final. A mesure qu'Acacia piaffait d'impatience en voyant ce ventre s'arrondir, la gamine a bien vu les traits de sa mère se tirer, devenir si gris que le soleil n'y est plus jamais revenu. A sept mois de grossesse, son père a tout lâché. Il a fait une valise, il lui a dit qu'il ne pouvait plus faire "tout ça", qu'il ne supportait plus, qu'ils "se mentaient à eux-mêmes". Il la laissé, en larmes, sur le pas de la porte d'entrée, et l'a refermé sur elle. Alors, ce gamin même pas encore né est devenu le bouc émissaire, celui vers lequel tous les malheurs de sa mère étaient tournés, dirigés. Elle ne faisait plus attention à son alimentation, elle s'autorisait des verres de vin rouge pendant les repas, et ne se privait jamais d'une cigarette. Et quand Gabin est né avec un mois d'avance, et qu'il a fallu le laisser à la maternité, c'est tout juste si leur mère s'y présentait. Ce n'est que parce qu'Acacia lui faisait remarquer, seulement parce que l'aînée comprenait déjà qu'elle se devait de protéger son frère. Elle rechignait, lui disait que, de toute façon le bébé n'allait pas "s'envoler". Et Acacia pense que sa mère aurait peut-être préféré. Ça n'aurait résolu aucun de ses problèmes, son ex-mari désormais, ne reviendrait pas, mais il était tellement plus simple pour elle de blâmer un nourrisson. Gabin qui n'a jamais demandé à être là, et qui ne cessait de pleurer, quand il est arrivé à la maison. Il avait beau être propre, changé, nourrit, au chaud ; ses pleurs ne diminuaient pas. Il sentait déjà un manque alors que sa mère ne s'était jamais présentée à lui. Alors, c'est Acacia, même à six ans, qui le prenait contre elle, qui le berçait, qui cherchait à comprendre ce qui clochait. Comme un test, Gabin la mettait à l'épreuve, et quand il a compris qu'elle ne le lâcherait pas, qu'elle n'allait nulle part, il a fini par se calmer. Acacia poussait sur la pointe des pieds pour pouvoir le coucher dans son berceau, en bas, sa mère descendait une nouvelle bouteille de vin, et remplissait des cendriers.

En grandissant, il n'a toujours été question que d'eux. Acacia, dès que la paie de sa mère tombait, en début de mois, puisqu'elle s'était trouvé un emploi de couturière en conséquence des deux bouches qu'elle avait à nourrir ; en gardait une partie. Elle savait très bien ce dont ils avaient besoin pour tenir le mois, tout en dégageant une somme assez ronde pour les excès de sa mère, sans qu'elle ne remarque ce léger trou budgétaire. Dès dix ans, Cassie remplissait une enveloppe qu'elle cachait derrière une plinthe du parquet hors d'âge de sa chambre. Elle faisait les courses elle-même, puisqu'en sortant de son jour de travail, leur mère ne rentrait que tard, pour aller enchaîner les verres au bar adjacent à l'usine. De nombreuses fois, elle a dû attraper son frère par le poignet, le tirer de son lit pour le cacher sous ses draps, après avoir bloqué la porte avec une chaise. Leur mère avait l'alcool mauvais, violent, mais surtout réprobateur, toujours contre ses enfants, les plus grands fautifs de sa vie. Elle se calmait après être devenue tempête, et s'endormait souvent à même le sol, dans le couloir, adossée contre un mur et les ronflements bruyants et gras. La confiance de son frère était définitivement rompu, impossible de trouver le sommeil dans cette maison pleine d'ombres, et qui se gonflait des relents de tout ce que buvait leur mère infiniment triste.

En terminant le collège, Acacia a vu reparaître son père. Il avait perdu du poids, ses cheveux étaient désormais soupoudré de sel. Il avait les traits creusés, et semblait bien minable dans son costume devenu trop grand. C'est en partant, un matin, vers la fin de son année scolaire, qu'elle les a vu, là, assis à la table de la cuisine, face à face, leurs mains entremêlés. Cassie n'a pas eu le courage d'afronter tout ça, pas maintenant, pas après la dureté de leurs existences depuis son départ égoïste et sur un coup de tête. Acacia avait fini par les haïr, tous les deux, sans exception. Son père pour les avoir traité à la légère, insignifiants, sans importance. Et contre sa mère parce qu'elle n'était tout simplement pas faite pour l'être, loin de là. Elle a tiré Gabin vers la sortie avant qu'il ne puisse se jeter dans les bras de leur père, parce que l'ainée savait très bien qu'il était capable de tout accepter, de tout lui pardonner. Parce qu'il ne le connaissait tout simplement pas. Acacia a oublié, durant la journée, surtout parce qu'Adrien osait lui prendre la main devant tout le monde, et qu'elle ne s'est jamais sentie aussi légère, que lorsqu'elle se tenait à son côté. Mais, il a bien fallu rentrer, il a bien fallu revenir. Son père n'avait pas bougé. Etonnant, pour quelqu'un qui semblait si pressé de ne plus voir cette maison. Elle ne l'a pas salué, elle a posé son sac dans l'entrée, et à indiquer à son frère de monter. Un bruit qui a attiré l'attention de leur père, bien évidemment. Sans rien dire, sans un regard, Acacia a rangé le peu de courses qu'elle avait réussi à faire sur sa pause de midi.

─ Tu as tellement grandie.

Silence froid. Cassie se refusait complètement de l'intégrer, de nouveau, à sa vie. Sa mère n'était pas dans les parages, occupée à une nouvelle lubie qu'il lui avait mis dans la tête, sans doute. Dos à lui, elle rangeait rapidement et efficacement. Elle a pris le temps de vider le lave-vaisselle qu'elle avait lancé ce matin, étant donné que sa mère n'y pensait tout simplement jamais, et se complaisait à laisser la vaisselle sale patauger dans l'évier.

─ Ton frère aussi, d'ailleurs.

─ Tu l'as jamais vu, comment tu peux le savoir.

Le ton d'Acacia est dur, coupant. Elle range soigneusement dans les placards, les tiroirs. La jeune fille essayait de garder un semblant de normalité, en préservant la propreté et l'ordre dans cette maison qu'elle rêvait déjà de fuir, de s'extraire. Mais Gabin comme une ancre, elle ne pouvait pas encore l'emporter avec lui. Et tout a été encore un peu plus compliqué, quand ils leur ont annoncé, peut-être un mois après son retour, qu'ils attendaient un nouvel enfant, ensemble. Si Gabin s'est naïvement réjoui, Acacia n'a pas pu s'empêcher de renverser la table basse, avec violence, entre eux, au milieu du salon, puis d'aller se terrer derrière la porte close de sa chambre. Revenait le nœud qu'elle portait à la gorge, les fers contre ses poignets et ses chevilles. Ses parents étaient tout simplement inconscients, hors de contrôle. Elle ne s'en tirerait jamais, elle n'aurait jamais le droit à ce vent de liberté, tout contre son visage. Parce que l'adolescence savait très bien que, même avec son père de retour, les corvées de couches et de biberons ne seraient pas pour eux, mais bien pour Acacia qui est "tellement serviable". Et ce qu'elle s'imaginait n'a pas loupé.

Après la naissance des jumeaux, Acacia ne s'est, à aucun moment, laissé bernée par ce semblant de nouvelle parentalité. Sa mère lui avait même dit, une fois rentrée avec deux nouveaux berceaux, qu'elle allait "pouvoir recommencer ce qu'elle n'avait pas réussi avec eux." La rage d'Acacia qui redouble. Ses meubles, ses murs y passent. Coups de pieds, coups de poings et cigarette en cachette, adossée à la porte du garage, en pleine nuit. Elle se sentait si désemparée, si désespérée, prête à imploser. Etait-elle la seule à voir, à quel point, sa famille était bancale et sans avenir ?

Seize ans et écartelée entre l'éducation de son frère et le confort des jumeaux, Garance et Gaëtan. Ses journées commençaient toujours de la même manière, et enfermait de plus en plus la jeune femme. Levée aux aurores pour lancer et étendre une machine, à la suite de laquelle, elle prenait peut-être dix minutes pour se réveiller sous l'eau, et dans un silence rare, dans cette maison faite de cris et d'insultes. Ensuite elle allait réveiller Gabin pour qu'il aille prendre une douche, et s'habiller, puis descendre prendre son petit-déjeuner. Venait le tour des jumeaux, d'un an et demi, qu'il fallait prendre dans les bras, parce qu'ils s'étaient réveillés en entendant le logement prendre vie. Deux biberons de lait chocolaté pour les calmer, avant qu'elle ne les lave, un par un, et ne les habille pour les déposer à la garderie.

Pendant ce temps-là, leur deux parents étaient encore sous les draps, et prenaient leur temps, feignant de ne pas entendre ce qui se passait dans les pièces d'à-côté. Une attitude insolente qui avait le dont de mettre Acacia hors d'elle. C'est bien simple, son état normal se résumait à être énervée, irritable et constamment sur la défensive. Adrien l'avait perçu. Le manque d'attention en cours, sa façon de toujours être préoccupée par quelque chose, d'avoir oublié, sans mettre le doigts dessus pour autant. Alors, inquiets pour elle, ses amis s'étaient mis à sa disposition, ils répondaient présents. Ils voyaient bien qu'Acacia n'avouerait jamais avoir besoin d'aide, alors ils se sont d'abord imposés pour qu'elle accepte.

Un soir, après les cours, c'est Adrien qui a accompagnée Acacia jusque chez elle, main dans la main, il pouvait déjà lire l'inquiètude sur ses traits, à mesure qu'ils approchaient du lotissement. Est-ce que Gabin avait encore fait des siennes au collège ? Est-ce que sa mère avait pensé à aller récupérer les jumeaux ? Est-ce que son père avait rempli le frigo, comme il lui avait promis ce matin ? Acacia pensait à tout le monde, sauf à elle. C'est là qu'elle a vu que ses parents lui avaient laissé une note. Ils étaient partis manger au restaurant, bien évidemment sans préciser ce que leurs enfants allaient manger le soir-même. Un rire ironique de la part d'Acacia, défaite dans la cuisine, fatiguée de se battre. Adrien la vu tomber contre une chaise, les bras ballants, le long du corps. Puis, elle a déposé son front contre la table, dans un bruit sourd. Elle a expiré si longuement, qu'elle a bien cru que son âme partait avec. Adrien a, alors, passé quelques appels, discrètement. Elle avait besoin d'eux. Gabin était rentré et se terrait déjà dans sa chambre, renfrogné, blessé. En bas, sa grande sœur lève les yeux vers l'horloge, au mur, et comprend qu'elle doit se remettre en marche, qu'elle ne peut pas rester là. Même si elle a le sentiment de ne plus avoir aucun courage, aucune force. Elle est épuisée, exsangue de faire plaisir à tout le monde, et de maintenir une façade, qui s'effrite et est prête à s'effondrer. Mais, malgré tout ça, elle se redresse, elle glisse son sac à main sur son épaule, ainsi que ses clefs pour se rendre à la garderie, à pieds. Elle se stoppe quand elle voit qu'Adrien n'est pas parti, qu'il ne l'a pas laissée. Il avait ce regard déterminé, brûlant d'une colère qu'il commençait à partager avec elle. Acacia a ouvert la bouche sans que rien n'en sorte et il a tout simplement lié ses doigts aux siens, pour l'accompagner. Elle n'a rien dit, elle ne l'a pas repoussé. Elle était tellement éreintée qu'elle en aurait été bien incapable.

A la grille de la garderie, on ne pose même plus de question, quand on voit le visage adolescent d'Acacia qui se présente, pour venir chercher son frère et sa sœur. On s'inquiète pour elle, on lui donne des regards peinées, compatissants ; de pitié peut-être aussi. Mais Acacia passe au-dessus, parce que lorsqu'elle voit la manière avec laquelle les jumeaux courent vers elle et se jettent contre elle ; elle sait qu'elle ne s'est pas trompé, qu'elle se devait de rester, elle ne pouvait pas les fuir. Qui serait resté pour eux, à part elle ? Après de drôles de regards jetés contre Adrien, qu'ils ne connaissaient pas encore, Gaëtan s'est laissé hisser, facilement, et Adrien la déposé sur ses épaules. Garance, elle, plus timide, gardait sa main fermement serrée dans celle de sa sœur.

Acacia aurait pu tomber à genoux, lorsqu'elle a vu que sa maison était allumée, remplie de personne, et que, dès l'entrée, elle a senti que le dîner était prêt. Cam aux fourneaux, aidée de Théodore, tandis qu'Hugo mettait la table. Il s'agissait d'eux cinq, tous ensemble, pour se protéger et se soutenir.

Et c'est cette entraide qu'Adrien a sans doute voulu recréer, avec sa propre famille cette fois, avec deux parents solides, à l'écoute, et prêt à tout pour leurs enfants. Les parents d'Acacia ont eu cette chance, et l'ont gâché, leur fille, elle, n'a tout simplement pas eu ce choix, ou le temps de prendre une décision : on lui a tout arraché.

* * *

─ Où sont les jumeaux, d'ailleurs ?

Théodore demande, alors qu'ils se garent sur le parking du supermarché. La voiture a beau être garée, personne ne bouge. Il baisse même les vitres pour pouvoir continuer la conversation qu'a lancé Acacia.

─ Ils habitent sur le campus de leurs facs.

─ Qu'est-ce qu'ils font ?

─ Une école d'Art pour Garance, et Gaëtan a trouvé sa voie dans la menuiserie.

─ C'est toi qui les a élevé ces gosses. Elle est , ta famille nombreuse.

Théodore note, avec une pointe d'amertume. Il a très bien vu la libération qui a lissé les traits et les pensées de leur amie, lorsqu'elle a enfin pu habiter chez elle, pour elle. Lorsque Gabin était déjà parti à l'étranger et que les jumeaux grandissaient dans la maison qu'ils ont toujours connu, en présence de leur père, qui est finalement resté, qui a compris qu'il ne pouvait pas les laisser se débrouiller par eux-même, qu'il devait laisser partir ses aînés, qu'ils fassent leurs vies, eux aussi. C'est surtout le décès de sa propre femme, qui l'a fait s'ancrer ici. Parce que tout ce qu'il gardait d'elle, se tenait ici, sur ces fondations bancales. Leur mère qui n'a jamais cessé de vivre pour son bon plaisir, et rien d'autre. Elle n'a jamais pu se libérer de ses démons liquides, de son égoïsme sans faille, et qui ne s'arrête pour personne. Même son mari, n'a pas été dans la capacité de la sauver. Elle ne voulait tout simplement pas l'être. Ils ont essayé les centres de désintoxication. Elle en revenait pleine de vie, légère par les médicaments qu'on lui fournissait, et qu'elle ingurgitait sans faillir, sans oublier, à heure fixe. Une prison chimique qui donnait de faux espoirs à ses enfants, qui leur faisait croire qu'elle était revenue, pour de bon, auprès d'eux. Elle leur accordait enfin l'importance et la visibilité dont ils crevaient d'envie désespérée. Acacia se rassure un peu, en se disant que les jumeaux ont, au moins, eu ça. Même si c'était faux, joué, emprunt des nombreuses plaquettes en aluminium qu'elle s'enfilait. Elle essaie de se dire que c'est déjà bien plus que ce que pouvait prétendre d'obtenir son frère et elle, qui a décidé de complètement couper les ponts dès son départ. Il est resté proche d'Acacia, il voyait les jumeaux quand elle les gardait, avec Adrien, mais il n'est jamais plus revenu dans cette maison. Même pas pour l'enterrement, dont l'aînée a bien dû s'occuper avec son père, parce qu'il était dévasté par le chagrin, malgré tout. Même si leur mère a vécu la pire de ses nombreuses descente aux enfers. Il était toujours plus facile de tomber, que de tendre les bras et de s'extraire de ce trou immense, auprès duquel elle marchait, elle se tenait bien trop proche. Elle ne s'en est jamais relevé, quand sa fille se bridait un maximum pour s'en éloigner. Elle a toujours eu peur de lui ressembler, et, en grandissant, quand elle s'observait dans le miroir, il était toujours douloureux de constater que c'était le cas, même si ce n'était que physique. Gabin n'y a pas échappé. Il a eu des problèmes de boisson, d'addiction dont il semblait incapable de se dépêtrer. Il a été cette personne, et sa sœur a tout mis en œuvre, tout ce qui était en son pouvoir, avec ses dernières forces, pour qu'il ne connaisse pas le même sort. C'est le cas aujourd'hui, mais la menace plane évidemment toujours.

* * *

En silence, trois corps sortent de la voiture, comme groggy, puis écrasés de soleil sur le parking du supermarché. Ses deux amis se tiennent fermement à son côté, ils l'encadrent, à la manière d'hommes de main, et ça l'a fait sourire. Elle sait très bien qu'elle s'en est sorti, qu'elle ne fait plus partie de ce monde-là, elle a évolué, grandi ; mais aussi que, si elle tombe, le sol ne va pas érafler son visage, ou ses mains, ils la rattraperont bien avant, dès les premiers signes de faiblesse ou de vertige.

Florian pousse un caddie, tandis que Théodore et Acacia le remplissent au grès des rayons, et des allées. Un rituel simple, futile même, mais qui rappelle pourtant à Acacia le temps où elle avait le privilège de le faire avec l'homme qui partageait sa vie. Adrien avait cette façon de trouver des idées de plats, de dessert, rien qu'en parcourant le magasin. Il faisait toujours en sorte que, chaque semaine, un repas contienne quelque chose qu'aime sa compagne, ou son fils, par-dessus tout. Un crumble aux abricots et aux pêches pour Thom. Une salade composée pour Acacia. De simples attentions qu'il a toujours eu pour elle, dès qu'ils se sont côtoyé, et qu'elle n'acceptait pas toujours, qu'elle ne pensait pas mériter, parce qu'elle n'y avait tout simplement jamais été habituée. Dès les premiers temps, elle était persuadée qu'Adrien partirait, soit parce que lassé, soit parce qu'incapable de faire face à toutes les blessures et les peurs de Cassie. Elle le poussait à bout parce qu'elle était persuadée d'avoir raison, parce que l'ordre établi de leur vie ne concordait pas avec celui qu'elle retrouvait à la maison, auprès de ses parents. Et pourtant, il était, encore et toujours, là, avec elle. Il venait l'attendre dans sa rue, le matin, pour se rendre au lycée. Il lui demandait toujours comment elle allait, lui glissait des compliments amusés, pour lui dire qu'elle était belle. Toute occasion était bonne à prendre pour lui offrir des fleurs. Mais surtout, il ne lui demandait jamais comment ça se passait à la maison, il ne cherchait pas à savoir si sa mère, ivre, avait encore hurlé sur l'un d'eux, voire même levé la main. Il faisait abstraction de tout ça, parce qu'il savait très bien qu'elle y pensait, d'elle-même, déjà bien trop. Il lui faisait oublier. Il ouvrait une fenêtre pleine de lumière sur le cagibis dans lequel elle se tenait, accroupie, et sans espoir.

Acacia rempli un sac de fruits, elle veut faire plaisir à son fils, et peut-être que cela lui rappellera des sensations, à lui aussi. Elle ne veut pas que cela soit douloureux, ni pour lui ni pour elle. Ils ont ce besoin de se réapproprier leurs souvenirs, de vivre avec, sans laisser les fantômes prendre le dessus et les empêcher d'avancer. Adrien a été présent pour elle, comme personne ne l'a fait avant, alors elle se doit de l'être aussi pour son fils, encore un peu plus.

Ils chargent tous les trois les courses dans le coffre, et Acacia laisse sa place à l'avant, pour s'installer derrière eux. Théodore ouvre grand les quatre fenêtres, et laisse l'air filtrer de partout dans l'habitacle. Il monte le son de la radio, et ça leur rappelle, à tous, les vacances d'été qu'ils ont passé ensemble. Quand ils partaient en convoi, dans des voitures hors d'âge et bien trop chargées, à dix-sept ou dix-huit ans. Quand ils s'échappaient de tout, qu'ils fuyaient le trop lourd. Le pied sur l'accélérateur en espérant disparaître du monde, devenir des ombres.

Fenêtres baissées, et leur cheveux qui voltigent sur le voyage retour. Acacia ne peut se défaire du sourire qu'elle porte, parce que son cœur bat plus gros, plus fort. Elle a comme le sentiment de faire la paix avec qui elle a été, qui elle rêvait d'être, et qui elle se trouve être aujourd'hui. Acacia sent presque la présence d'Adrien, qui ne l'a quittera jamais vraiment. Sa main, toujours froide, tout contre sa cuisse, et la manière qu'il avait de l'accueillir, contre lui, dans le creux de son épaule. Quand il l'entourait de ses bras, solidement, à la manière d'un dernier filet de sécurité, qu'Acacia ne risquait pas de rompre, tant Adrien était prêt à tout pour elle. Jamais il ne l'aurait abandonnée, du moins, pas s'il avait le choix, pas si elle le lui demandait. Et c'est ce qu'elle a fait, quand il se devait de partir à l'étranger, et que ses mensonges, pour couvrir Théodore, devenaient irrespirables pour eux. Elle aurait tant aimé avoir cette chance de pouvoir tout mettre à plat, face à eux. Elle aurait tant aimé pouvoir en discuter avec lui, désamorcer la situation, lui faire comprendre que l'espace qu'il partageait la rassurait assez, pour qu'elle puisse supporter ce poids avec lui, ces décisions, ces choix cachés. Mais, encore une fois, comme tout le long de sa vie, de celle qu'ils ont partagé ensemble ; Adrien faisait toujours passer en priorité son confort, à elle, sa sécurité, et celle de leur fils, par extension. Si elle l'avait en face d'elle, Acacia pourrait l'engueuler, le saisir par le col et le secouer pour qu'il lui avoue tout. Mais elle n'avait pas cette force de caractère, quand il était encore là. C'est bien son décès qui la renforcée, qui la fait rebondir, se découvrir, déceler la femme, la mère forte qu'elle peut être et qu'elle est devenue. En réalité, c'est le dernier cadeau inestimable qu'Adrien lui a fait. Il la fait grandir, et fleurir comme personne n'aurait pu le faire, à part lui. Il voyait et connaissait son potentiel. Adrien lui a donné l'opportunité, le temps, les outils. Acacia aurait simplement aimé pouvoir se réaliser à ses côtés, tout proche de lui. Elle est persuadée, qu'elle aussi, elle aurait pu lui apprendre quelques petites choses, qu'ils se seraient transformés, rien qu'en étant en la présence de l'autre.

Mais ça n'aura pas lieu.

Comme dans un songe, Acacia suit les garçons pour décharger le coffre, et rempli le frigo de la villa qu'ils ont réservée tous ensemble. Thom et Erik sont allongés dans un hamac, à l'ombre d'un olivier, en partageant un livre. Aline et Hugo sont déjà en maillot de bain, en train de bronzer au bord de la piscine. Dans sa nuque, Acacia retrouve le tatouage de son amie dans un frisson. Celui qu'elle a fait quand elle avait dix-huit ans, et qu'elle ne supportait tout simplement plus l'attitude de Théodore. Un dessin qui la sidère, quand elle aperçoit l'anneau brillant qu'elle porte à l'annulaire, et qu'elle lève la tête pour recevoir un baiser de son mari, le même qui est à l'origine de ce tatouage.

Acacia y a déjà pensé. En réalité, le fait de graver quelque chose à l'encre, à même sa peau, l'a toujours attiré. Pour autant, elle n'a jamais sauter le pas. Elle a accompagné Théodore et Florian, à la suite, quand ils rêvaient tous les deux de manchettes complètes. Elle a tenu la main de Cam quand elle a voulu faire dessiner un citronnier, à l'arrière de son bras gauche. C'est un ligne qui les rapproche tous les quatre, mais auquel Acacia n'a jamais cédé. Parce qu'elle n'avait aucune idée de quelque chose d'assez significatif, pour qu'il lui appartienne pleinement, et qu'elle le laisse flotter sur son épiderme.

Mais, récemment, Théodore leur a rapporté que, dans le box de son père, se trouvaient de nombreux cartons poussiéreux. Majoritairement des papiers administratifs, des fiches de salaire ... Mais Théo est également tombé, au grès de ses recherches, sur un cartons plein d'albums photos. De famille, d'amis. Et notamment de leurs jeunesses. Théodore n'aurait jamais pensé que son père puisse être assez sentimental, pour conserver tout ça. Il avait éloigné tout ça de sa vie, en y gardant dans le noir, mais il n'a, semble-t-il, jamais été capable d'y mettre à la poubelle. Alors, forcément, les cinq amis d'enfance y ont mis leurs nez, et c'est comme ça qu'Acacia est tombé sur une photo en portrait. A la table de jardin des parents de Théodore, Adrien est assis. Sur ses genoux, Thom, qui n'a que quelques mois. Le gamin est tout sourire, et le regard que lui porte son père semble réduire à néant tout ce qui se trouve autour d'eux. Quand elle a saisi le cliché, Acacia en a ressenti un frémissement, tout le long de son corps. Elle a pris un sourire qu'elle n'avait pas ressorti depuis des années. Elle en est tombé, assise, stoïque, presque choquée, tant elle ne se souvenait absolument pas de cette photo. En la rejoignant, Théodore lui a soufflé quelle lui revenait de droit, bien évidemment. Et c'est de là que lui est venu cette idée de tatouage. Alors, elle a fait ses recherches. Elle a passé un mail, et a pris rendez-vous, après avoir expliqué le projet qu'elle désirait. Solidement gardé, comme un secret, dans son porte-feuille, Acacia emmène la photo partout avec elle désormais.

Elle jette un œil à son téléphone, et comprend qu'elle va bientôt devoir se mettre en route. Quand elle explique qu'elle a quelque chose à faire, toute seule, tout le monde affiche une mine d'incompréhension, qui pourrait presque porter à sourire. Florian et Hugo se proposent de l'accompagner, mais elle refuse d'un simple geste de la main. Son fils lui demande si tout va bien, et elle hoche la tête. Cam, qui lui fait toujours confiance, lui indique où se trouve les clefs de leur voiture. Acacia la remercie avant de se mettre en marche, en tournant le dos à des mines déconfites. Elle s'installe derrière le volant, règle la hauteur et la profondeur de siège et démarre. Le salon n'est qu'à une dizaine de kilomètres et elle trouve cela assez symbolique de pouvoir faire ça sur leur semaine de vacances à eux, en commun.

Elle se gare, et, dans l'habitacle, elle pousse un long soupir. A son côté, elle peut voir le regard amusé d'Adrien, qui la taquine parce qu'elle angoisse. Elle lui grogne après. Acacia n'a pas peur qu'on l'entende, elle sait qu'elle est toute seule, elle sait qu'elle s'imagine ces choses. Mais ce sont ces mêmes choses qui l'a rassurent et la mettent en confiance. Alors si parler toute seule peut la faire aller mieux, elle passe au-dessus. Un début de guérison profonde, qui commence quand elle passe la porte de l'artiste tatoueur.

Quand elle en ressort, un peu plus d'une heure plus tard, le soleil décrois. Elle remonte en voiture. Il y a un peu de trafic, mais ça ne la gêne pas, ça lui laisse le temps d'admirer le portrait qu'elle porte désormais sur l'avant-bras droit. Tourné vers elle, simplement avec des lignes fines, elle y reconnaît son compagnon, ainsi que leur fils. Elle monte le son de la radio, quand elle entend "Running Up That Hill" de Kate Bush se lancer. Elle sourit quand elle voit que la radio par défaut de la voiture de Cam est une station qui passe d'anciennes chansons, des années 80.

En se doutant qu'à la maison, un choix de dîner doit être en train de se décider, elle roule jusque chez un boucher, pour repartir avec de quoi faire un barbecue. Un peu plus haut se trouve un bureau de tabac, et elle y entre pour acheter un paquet de cigarettes. Les mêmes que celles qu'avait l'habitude de fumer Adrien. Elle n'a plus besoin de sa présence maintenant qu'elle le porte sur sa peau, mais elle veut maintenir ce lien. Elle veut se rapprocher de toutes ces choses, ces détails, qui ont parcouru la vie de la seule personne qu'elle a aimé.

Un petit sourire aux lèvres, Acacia se gare bientôt dans la cour, et quand tout le monde aperçoit les sacs de viande qu'elle ramène, elle est accueillie comme une héroïne. Florian saute sur ses pieds pour mettre en route le barbecue au charbon de bois, et Théodore lui court après pour lui passer devant. Quand Acacia dépose le tout à la cuisine, Thom, Hugo et Cam la rejoignent. Tous sont intrigués par son mystérieux rendez-vous, et comprennent bien vite en découvrant le plastique qu'elle porte au bras, et l'encre, mélangée de cicatrisant, qui s'y trouvent en-dessous. Thom ouvre de grands yeux ébahis, tandis que sa mère peut lire les expressions touchées de ses deux amies, qui comprennent tout à fait l'origine de ce dessin.

Tout le monde s'active et la table est mise en rien de temps. On allume des guirlandes, des bougies, tout autour de la terrasse. Aline et Erik se battent dans le salon pour savoir quelle musique doit être diffusée à travers l'enceinte, jusqu'à l'extérieur. Thom, lui, se précipite presque pour pouvoir s'asseoir aux côtés de sa mère. Sous la table, ils se tiennent la main, tandis que Cam et Théodore servent l'apéritif.

Après leur repas, quand il fait finalement nuit, et que l'air se rafraîchit, ils décident de rester, de passer au digestif. Ils ont le temps, ils le prennent, le saisissent à pleines mains. Les ombres vacillantes courent sur leurs visages, dues aux bougies soufflées par la légère brise.

A ce moment, tout semble à sa place dans l'univers. Le leur.

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