Un dîner étrange
20h30 s’affiche sur ma montre. Je me fais une petite beauté dans les toilettes avant de quitter l’entreprise. Tout le monde est parti. J’attends en bas, là où les visiteurs siègent. La secrétaire range toutes ses affaires avant d’abandonner son bureau. Les lumières s’éteignent peu à peu et le temps défile. J’ai la forte impression que le boss ne sera pas là ce soir. J’ai été trop stupide d’imaginer qu’il y aurait un rencard entre nous. C’est pourtant lui qui m’a fait la demande… J’ai été un peu trop naïve. Je décide de partir sans réfléchir. Soudain, j’entends des voix. Le patron est là et la blonde aussi ! Quelle prestance ! Je me sens tout émoustillée. La femme passe devant moi sans rien dire en se dirigeant vers la sortie. Il m’affiche un sourire et me propose de monter sur sa moto. Je ne suis pas fan de ce genre de véhicule mais, pour lui, je vais faire une exception. Il me donne un casque et enfile le sien. Je m’installe à l’arrière sans même lui demander où nous allons ce soir. Je ne veux pas finir seule et bête comme ma voisine à me taper des plombiers ou des mécaniciens. Je tiens un discours puéril. Cela ne se fait pas de sortir à la fin du boulot avec son patron. C'est ce que je pense, mais mes actes me font dire le contraire. La route n’est pas longue. Je m’agrippe à lui. Je sens toute la forme de ses muscles. Il se gare devant un restaurant très chic. Oh non ! Trop cliché ! On sait comment cela se termine. Il voudra forcément coucher avec moi. C’est du déjà vu. Décevant ! Il entre avant moi sans me laisser passer la première. Il demande une table et me devance. Le garçon tire son siège pour que le patron s’asseye délicatement. Le serveur se rapproche de moi pour exécuter la même action, mais Monsieur Kazama l’en empêche.
— Pas besoin, elle est assez grande pour s'asseoir.
What?! Non c’est une blague ? J’éclate de rire ! C’est nerveux. Je prends place face à lui et je le fuis du regard.
— Mala ? Tu me racontes ta journée.
— Pas grand chose à dire et vous ?
— Tu peux me tutoyer, tu sais.
— Je ne me sens pas assez proche de vous pour me permettre de telles libertés.
Il affiche une moue dégoûtée. Le serveur ramène une bouteille de vin.
— Ma journée fut très longue ! Beaucoup d’appels, de signatures et j’en passe. Je ne veux pas trop parler de moi. C’est toi qui m’intéresse.
— Bien, je travaille beaucoup et je relis sans cesse les rapports de ventes. Je pourrais devenir plus efficace si Sophie ne me collait pas à chaque fois.
— Sophie Liu ?
— Oui… Insupportable !
— Je vois.
Le silence prend place. Je ne sais pas quoi lui dire d’autre. En tout cas, il ne me quitte pas des yeux. Je commence à stresser. On dîne sans échanger un mot et je l’évite du regard. Nous finissons de dîner et nous quittons le restaurant. Il me raccompagne chez moi et me laisse devant la porte. Avant de partir, nous discutons une dernière fois.
— Mala, je te trouve perturbée, tout va bien ?
— Oh oui ! Ne vous inquiétez pas.
— Tu ne veux pas me parler de toi ? Que j’apprenne à mieux te connaître...
Je fonds littéralement ! Il se rattrape un tout petit peu.
— Je dois vous le dire à l’intérieur, non ?
— Désolé mais je ne rentre pas chez mes employés. Si tu ne peux pas me le dire ici, je pars immédiatement.
Euh… Il a une façon désagréable de parler. Peut-être que c’est moi qui pensais qu’il était ce genre de mec à s’inviter chez les filles après un dîner ou peut-être que je suis en manque ? Néanmoins, je pense vraiment qu’il n’a aucun savoir vivre et aucune galanterie. Je l’ai bien remarqué au restaurant. Cela ne me donne pas envie de répondre.
— Je vais rentrer il se fait tard.
— Dis-moi ce que tu aimerais faire avec un homme si tu décidais de t’adonner au plaisir ? Je suis curieux de savoir… Suis-je un peu trop déplacé ?
Déplacé ? Non je veux te cerner et savoir où tu veux en venir ! Bizarre ou essentiel comme genre de question ? Je vais lui répondre de toute façon, je ne risque rien. Il n’a aucun contact direct avec ses salariés, donc je ne risque rien.
— J’aimerais aller au Japon. Porter un kimono et me retrouver perdue dans une grande forêt, où celui qui viendrait me sauver serait habillé en samouraï.
— Pourquoi en samouraï ?
— Parce que c’est excitant. J’ai toujours rêvé de vivre une aventure érotique, sensuelle à la japonaise. Surtout avec un guerrier que nul n’arrête !
Il ne bouge pas d’un poil.
— Monsieur Kazama, je vous dis à demain et merci pour cette fin de soirée.
— Bonne nuit, Mala.
Je ferme la porte sur lui. Je me dirige dans le salon en prenant Nestor dans les bras. Je viens de dire une chose ridicule au patron. Il est Japonais et il a dû trouver mon fantasme évident. Pourtant ce n’est pas lié à lui, c’est quelque chose qui est enfoui en moi depuis des années. L’argent est toujours sur ma table, je pense le lui rendre demain. J’ai besoin de ses explications… C’était justement le moment pour qu’il m'en donne.
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