Chapitre III

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« Sub luna mendax, animae errant sine fine. »

Strasbourg – EuroStrat, district du Parlement
30 Septembre 2075

Sept jours s'étaient écoulés, une éternité pour les jeunes recrues de l'APC NeofficiN. Loin du confort de leur vie citadine, elles avaient été délocalisées au camp d’entraînement de Drachenbronn, un ancien complexe militaire mis à disposition de NeofficiN par la France.

Dans cet environnement du début du siècle, privé de la protection des murs de Strasbourg et en plein cœur de la forêt, au pied des Vosges, les plus résistantes avaient appris les rudiments du maniement des armes et les bases des techniques propres à l'APC NeofficiN. Stefan Solmeyer faisait partie de ceux-là, ainsi que Marcello Albertini, un fils d'Italiens, corpulent, à la chevelure brune mi-longue et bouclée, Rodolf Steiner, un natif de Strasbourg, petit, vif, au visage anguleux et aux cheveux châtain clair coupés court, et Vera Kowalik, une jeune femme blonde athlétique, aux traits fins et aux yeux perçants, issue d'une famille polonaise aisée immigrée en France lors de la Grande Restructuration.

Tous les quatre avaient été intégrés à la 6ᵉ section de maintien de l'ordre, sous le commandement direct du Sergent Boronov. Ils rejoignaient le Caporal Kirmann et les premières classes Carvo, Gondo, Langlois et Salomon — une femme et quatre hommes dont les traits et l'allure évoquaient plus une bande de mercenaires que des agents de police.

Lucie Langlois, à la peau claire et au visage carré marqué par la fatigue et l’expérience, affichait des cheveux noirs coupés au carré, encadrant des yeux sombres et déterminés, révélant une combattante aguerrie, toujours sur le qui-vive. Noah Salomon, vétéran d’une quarantaine d’années originaire du Proche-Orient (ex-Israël), arborait une silhouette large et robuste, la peau hâlée par le soleil et les années passées sur le terrain, avec une mâchoire carrée et des yeux noisette calmes, pleins d’une sagesse silencieuse. Leonard Gondo, grand et élancé, d’origine africaine, avait une peau ébène lisse et un visage fin aux pommettes hautes, avec des yeux d’un noir profond, toujours attentifs à l’environnement — un homme discret mais d’une présence forte. Quant à Janek Carvo, originaire d’Europe centrale, son visage pâle et allongé, encadré par une chevelure brune courte et bien entretenue, exprimait froideur et calcul ; ses yeux gris semblaient analyser chaque situation sans jamais trahir ses pensées, renforçant l’aura distante et presque menaçante qui émanait de lui.

Sept jours s'étaient écoulés à Strasbourg. Peut-être était-ce dû au sevrage imposé par l'éloignement ou à l'approche du Ground Zero, mais Solmeyer trouvait sa ville changée, l'atmosphère y était devenue lourde.

En regardant par la fenêtre du transport blindé qui les convoyait sur le site de sa première mission, il scrutait les rues abandonnées du quartier le plus huppé de Strasbourg. Un voile de cendres s'était abattu et ne semblait vouloir se lever. Au fur et à mesure que le véhicule progressait, la lumière du soleil semblait décroître. Un sentiment de malaise grandissait au sein de l'unité.

Carvo rompit le silence :
— Première mission, hein ?

Il s’adressait à Steiner. Son ton était calme, presque bienveillant. D’une main lente, il fit glisser une petite boîte translucide hors de sa poche, la posa sur ses genoux, puis l’ouvrit d’un geste sec.
— Crois-moi, ça va t’aider. Deux cachets suffiront pour toi. Pas plus.

À l’intérieur, une plaquette de comprimés brillait sous la lumière blafarde du blindé : NEUROPLEX™, marqué du sceau de NeofficiN. Steiner hésita. Ses yeux cherchèrent une échappatoire, mais le poids du regard gris de Carvo le clouait. Comme mû par un réflexe conditionné, il tendit la main et s’en saisit. Ses doigts tremblaient légèrement.

Salomon, assis à côté, eut un mouvement presque imperceptible. Son visage buriné se durcit, et il lança à Carvo un regard noir, lourd de sous-entendus. Carvo répondit d’un mince sourire, sans un mot, refermant la boîte d’un claquement sec.

Solmeyer, hypersensible aux fractures invisibles, sentit un nœud se former dans sa poitrine. Quelque chose venait de s’installer dans l’air : une ligne de faille, fragile, dangereuse.

— C'est un Français, un Italien et un Roumain qui vont à un speed dating…

Albertini ne put s’empêcher de vouloir détendre l'atmosphère avec une de ses blagues machistes, s'attirant de suite les regards noirs de Kowalik et Langlois, les deux personnels féminins de la section. Solmeyer donna un coup de coude à son voisin de chambrée, non qu'il ne souhaitât pas entendre la fin de l'histoire dont il raffolait, mais parce que le moment était manifestement mal choisi.

Vexé, le « rital », comme l'avait déjà surnommé sa section, empoigna son FA F4 et vérifia machinalement le chargeur. Il le remit en place au moment exact où le véhicule s’arrêta.

Une voix grave sortit des haut-parleurs de l'habitacle :
— On est arrivé, Soldates ! Vissez vos casques et sortez, faites pas vos danseuses, le comité d'accueil est déjà là !

Soldates. C'était ainsi que Boronov, avec son accent slave, appelait ses recrues durant l'instruction. Et c'est ainsi qu'il appelait ceux sous ses ordres, indépendamment du fait qu'ils ne soient qu'une force de police et non militaire.

Quoi qu'il en soit, la 6ᵉ section de maintien de l'ordre de l'APC NeofficiN devait prendre ses fonctions dès maintenant, et après que chacun eut complété sa tenue en enfilant son casque, ils sortirent.

La place du 13 mai, qui il y a encore une semaine fourmillait de banquiers et de traders, était en ce jour le quartier général des APC réunies sous le commandement de la Générale, l'APC de la générale de l'armement. Leurs agents s'affairaient à de multiples tâches et leurs uniformes noirs étaient omniprésents.

La 6ᵉ section avait rejoint la 5ᵉ et la 4ᵉ ; en rang, ils attendaient les directives et le retour de leurs sergents. Après une courte attente, sortant des locaux de la banque d'investissement nord-européenne réquisitionnés suite à l'attentat, six agents de l'APC NeofficiN rejoignirent les sections. Parmi eux Ivan Boronov, les deux autres sergents, deux techniciens et le Colonel Ackermann dirigeant sur le terrain les forces de l'APC NeofficiN.

À leur approche, le Caporal Barker de la 5ᵉ s’exclama :
— Fixe !

Barker, un homme d’une trentaine d’années, au crâne rasé et au visage marqué par plusieurs cicatrices discrètes, avait l’allure d’un vétéran endurci, habitué aux terrains difficiles.

À cet ordre, la trentaine d’hommes se mirent au garde-à-vous. Le Caporal Barker conclut :
— À vos ordres, mon Colonel !

Le Colonel Ackermann, une femme aux cheveux grisonnants coupés court et au port rigide, s’approcha encore, s’immobilisa face à ses hommes, les sergents se mirent à leur tour au garde-à-vous, et les techniciens munis de tablettes commencèrent à envoyer des informations aux systèmes tactiques intégrés aux casques des policiers.

Le colonel commença son briefing :
— Repos, mesdames et messieurs, bonjour, notre mission est de venir en soutien aux hommes de la Générale. Ils ont délimité des zones autour du Ground Zero, comme vous pouvez désormais le voir dans vos optiques.

Les plans de la ville, téléchargés à l'instant, apparaissaient via le casque de chacun des membres des unités.

— Vous êtes ici parce que vos profils de rentabilité vitale présentent tous un indice inférieur à soixante-dix.

La voix du colonel, dénuée d’émotion, sonnait comme une sentence dictée par un algorithme.

— L’APC NeofficiN vous offre une chance de corriger ce déficit en participant à la sécurisation du secteur 54, qui correspond au district de Kehl.
Nous interviendrons sur trois sites.

Tout d'abord, la clinique de l'Horizon où les hommes du Sergent Bordier couvriront les abords et aideront à l'évacuation des derniers patients et des stocks sensibles. Des contacts sont à prévoir avec les hommes du cartel du Masque de Verre, susceptibles d’être attirés par de la marchandise facile à capter. Le centre médical est un important client et sous contrat de protection NeofficiN.

La section du Sergent Legal prendra quant à elle position le long du mur extérieur et consolidera les brèches qui vous sont indiquées sur la carte. Des hommes du génie de la Générale vous attendent sur place avec l'équipement nécessaire.

Enfin, le Sergent Boronov aura pour charge de récupérer un D.R.T., un drone de reconnaissance de la Générale qui a cessé d'émettre aux abords du centre de tri des déchets. Avant de cesser ses émissions, il a détecté un groupe de survivants qu'il vous faudra extraire. Il s'agit vraisemblablement d'employés de la déchetterie.

— On y est ! pensa Solmeyer. Sa première mission se ferait donc directement dans le quartier le plus mal fréquenté de Strasbourg.

Le district de Kehl était réputé pour être un coupe-gorge, gangrené par les gangs de narcotrafiquants — ceux que l'on nommait les Masques de Verre — ainsi qu'une zone de transit pour les citoyens déchus de leur Classe II en attente d'un reclassement actif en ville-usine.

Cette zone industrielle avait été sauvée et intégrée à EuroStrat lors de la grande restructuration pour donner une empreinte germanique à la mégalopole du pouvoir. Mais sa situation d’ancienne cité allemande gérée par des forces françaises lui valait d'être un district instable où le port d'un uniforme n'était absolument pas recommandé !

Perdu dans ses pensées, il avait décroché du briefing et en reprit le cours sur le « Gaardvou ! » lancé par le Sergent Legal annonçant le départ du colonel.

— Repos ! Et en voiture, Soldates, le devoir nous appelle. Kirmann, tu pilotes ! conclut Boronov avant de se glisser à la place passager du VBT.

Strasbourg – EuroStrat, district de Kehl
30 Septembre 2075

Le district de Kehl était délimité à l'ouest par le Rhin et le district portuaire, et à l'est par le mur d'enceinte de la mégalopole Strasbourg. Ce district, comme tous les districts limitrophes, servait de zone tampon entre les quartiers hautement sécurisés et la Zone Agraire. La sécurité y relevait plus des mafias locales que d'une quelconque APC, qui en général n'intervenait que pour des missions de rétablissement de l'ordre.

Les rues portaient les stigmates d'une semaine d'émeutes et de pillages consécutifs à l'attentat. La population avait soit déserté les lieux pour les districts adjacents, soit vu sa mutation vers les Villes Usines s'accélérer, soit profité des brèches dans le mur pour aller chercher une liberté dangereuse en Zone Agraire — le No Man's Land en argot. Il ne restait plus que débris, barricades, voitures calcinées et corps sans vie dans les rues. Les secours, encore trop occupés à extraire les corps des dignitaires strasbourgeois en périphérie proche du Ground Zero, laissaient le soin aux rats et à la vermine inféodée au district de faire le reste.

Un groupe de corbeaux dut abandonner son repas à l'approche d'un pas lourd. Les charognards n'étaient pas les seuls à s'intéresser aux morts, mais un seul individu observait pour l'instant ce qu'ils pouvaient encore raconter. Une silhouette sinistre — un homme vêtu de cuir, portant un tablier d'acier, cagoulé, arborant d'étranges crânes à sa ceinture — se pencha sur le soldat en uniforme noir qui, quelques instants plus tôt, servait de banquet aux volatiles. Il posa la lourde hache sur laquelle il s'appuyait et entreprit un examen, ses mains parcourant le corps sans vie du membre de la Générale.

— « Que vois-tu, mon amour ? »
— « Tu vas partir à la chasse, Tată ? »
— « Oh oui, s'il te plaît, tue encore... tue plus... salis ton âme et rejoins-nous, Père. »

Des voix semblaient s'élever des crânes pendus à sa ceinture, sans perturber l'homme. Sous le gilet tactique, à hauteur du bas-ventre, il découvrit trois profondes entailles — aucune arme ou créature animale n'aurait pu en être l'origine. Son diagnostic établi, il se redressa et scruta les alentours. Soudain, des bruits à une centaine de mètres mirent fin à ses investigations.

— « Mates-moi ces petites merdes, Stefan, c'est pas le pied ces optiques, ils intègrent même l'appli Rayon-X. Faut que j'aille faire une ronde ce soir près de leur dortoir, mamamia !!! »

Albertini et Solmeyer suivaient à petite distance Kowalik et Langlois. La 6ᵉ section avait dû mettre pied à terre et se déployer afin de couvrir le secteur à la recherche du D.R.T..

Les rues, jonchées d’épaves de voitures dont la plupart dataient du début du siècle, soulignaient le bas niveau social du district. Il était fort probable qu’en abandonnant ici leurs véhicules, les habitants avaient laissé tous leurs biens.

— « Putain ! » La voix de Langlois claqua dans les casques de l’escouade.
— « Où ça ? » répliqua Albertini du tac au tac.
— « T’es trop con ! » s’esclaffa Solmeyer.
— « Ferme-la, le Rital, et ramène ton gros cul ici. »

Kowalik et Langlois avaient découvert le corps d’un membre de la Générale. Tandis que Kowalik se vidait dans le caniveau, pris de haut-le-cœur, Langlois s’accroupit. Ses doigts hésitants arrachèrent la plaque patronymique du plastron, encore tiède du sang séché.

Il lut à voix haute, le souffle court :
Dumont Fabrice. 3ᵉ section… Compagnie… Dragon.

Il marqua un temps, les yeux écarquillés, puis se tourna vers ses camarades qui venaient de le rejoindre au pas de course.

— « Dragon ? » répéta Solmeyer, incrédule. « Ça veut dire quoi, ce bordel ? »
Il jeta un coup d’œil au cadavre. « Et qu’est-ce qu’un gars de la Générale fout ici, à Kehl ? »

— « T’as vu cette blessure ? Faut être barge pour mutiler quelqu’un comme ça !!! » renchérit Albertini.

— « Soldates, on se calme. Je vous rejoins avec Kirmann… » La voix de Boronov, même si elle n’avait pas réussi à rassurer, avait au moins calmé les esprits.

— « Hey, je perçois une trace thermique par ici. » Kowalik, se reprenant, pointa du doigt une des rues adjacentes. Les infrarouges indiquaient clairement le passage récent de quelqu'un.
— « OK, on y va ! » Emmenés par Langlois, les quatre policiers saisirent leur tonfa et se mirent à courir, suivant la piste.
— « Sergent, nous allons au sud-est, par la rue de Helm, nous poursuivons un individu peut-être responsable ou témoin de la mort d'un agent de la Générale. »

À peine le seuil de la rue franchi, le petit groupe stoppa sa course. L’atmosphère était lourde, saturée d’une odeur âcre de cadavres en décomposition. Quelques véhicules finissaient de se consumer en gémissant sous l’assaut du feu, tandis qu’un camion renversé, tordu, barrait l’horizon. L’orientation de la rue avalait les rayons du soleil, plongeant le décor dans une pénombre oppressante où chaque ombre semblait vibrer d’une menace sourde. Un silence de mort planait, aussi dense qu’un voile.

— « Allez, un peu de couilles les mecs... » lança Kowalik en s’enfonçant la première dans l’obscurité, suivie de Langlois.
— « Hey Vera, c’est pas moi qui me suis vidé il y a deux minutes !!! » protesta Solmeyer, le souffle encore court, alors que les femmes du groupe s’effaçaient dans la nuit naissante.
— « Ouais, vous faites ch... » La voix grave d’Albertini se perdit brutalement dans un glapissement rauque. Un liquide chaud et visqueux éclaboussa la joue de Solmeyer, tandis qu’un voile moucheté de points lumineux obscurcissait sa vision.
— « Marcello !? » cria-t-il en se retournant, la panique griffant sa voix.

En réponse, une créature déformée, vaguement humaine, poussa un hurlement perçant avant de lui lancer, avec une force bestiale, la tête de son ami. Un mouvement brusque le fit basculer au sol, le casque heurtant violemment la dalle froide. Un larsen strident explosa dans ses oreilles, saturant son système audio jusqu’à la douleur. Il arracha le casque, haletant ; il perçut les cris de Kowalik et de Langlois bientôt couverts par une rafale de tirs de fusil d’assaut. Alors qu'il tentait de se relever pour leur venir en aide, un puissant coup de sabot le plaqua au sol. L'assassin d'Albertini ne l'avait pas oublié. De ses yeux nus, il pouvait désormais contempler son bourreau : une créature de cauchemar, un démon monté sur des pattes animales, le corps couvert de brûlures, de la chair à vif, une tête dépourvue d'yeux et des griffes acérées qui allaient bientôt le pénétrer.

Jamais, dans ses cauchemars les plus sombres, Solmeyer n’avait imaginé l’étreinte de la mort sous une forme aussi abjecte. Terrifié, soumis, il détourna le regard et ferma les paupières, attendant, impuissant, ce coup de grâce qu’il pressentait d’une violence inouïe.

— « Uuuughhh !!! » Un beuglement d'une tonalité familière se fit soudain entendre, suivi d'un son mat. Ouvrant les yeux, Solmeyer comprit que son agresseur venait de rencontrer le bouclier de Boronov et avait été projeté deux mètres plus loin, sur le capot d'un vieux monospace américain. Poursuivant son mouvement, le sergent délivra, à bout portant, trois tirs de son fusil à pompe, rénovant ainsi la peinture du véhicule à grand renfort de matière cérébrale.

— « C'est pas le moment de se reposer, Solmeyer ! » lança alors le Caporal Kirmann en tendant la main pour l'aider à se relever.
— « Les signes vitaux des agents Kowalik et Langlois sont bons, elles se dirigent rapidement vers la déchetterie. »
— « En avant, Soldates, tirez à vue, on enverra une équipe de nettoyage plus tard. » Sur ces mots Boronov s’enfonça dans la rue, arme au poing.
— « Ne te fais pas de souci, Albertini n'a pas souffert, on prendra le temps de l'honorer plus tard. En avant... » Après une tape sur l'épaule de Solmeyer, Kirmann emboîta le pas du colosse russe. Un peu étourdi et manifestement pas en état de réfléchir, le jeune strasbourgeois les suivit.

Sans opposition, les trois policiers rejoignirent le centre de tri : un vaste terrain vague clôturé où s’amoncelaient des piles de déchets ménagers, des plastiques et des métaux, mais aussi des carcasses de voitures et des containers hors d’usage. La plupart n’étaient plus que des cubes de rouille indistincts ; sur l’un d’eux, pourtant, les restes effacés d’un ancien logo maritime subsistaient.

Plus loin, on apercevait l’unité d’incinération. Les traqueurs des agents féminins s’étaient immobilisés dans l’un des préfabriqués du personnel, visible depuis la rue. Les scanners indiquaient de nombreux signes vitaux à l’intérieur du bâtiment. Discrètement, les agents de l’APC se glissèrent derrière un véhicule afin d’évaluer la situation et d’élaborer un plan pour sortir leurs deux collègues.

Au même moment, Kirmann reçut une communication.
— « Sergent, le groupe de Gondo a localisé le D.R.T. »

— « Qu'il laisse le bleu sur place et que les autres nous rejoignent, il va y avoir du sport. » ordonna Boronov.
— « Gondo, laissez Steiner en faction près du drone et ramenez-vous avec les autres, on a besoin de vous ici rapidement. » transmit Kirmann.

Des cris en provenance de la déchetterie poussèrent Ivan Boronov à précipiter l'action.
— « Pas le temps d'attendre, Soldates, je ne perdrai pas un homme de plus ! » Montrant une voiture encastrée dans la clôture à une vingtaine de mètres, il poursuivit : « Kirmann, Solmeyer, passez par là et faites évacuer le bâtiment ; je vais faire diversion. » Sur ces mots, le Russe s'élança tel un bélier vers une petite porte d’accès, lançant un juron et tirant un coup de semonce. Un cri perçant lui répondit et une créature sortit à sa rencontre.

De leur côté, Solmeyer et Kirmann s'étaient introduits dans la déchetterie ; le flot ininterrompu de jurons et de coups de feu les rassurait quant à la santé de leur sous-officier. À l’abri des déchets, ils progressaient rapidement vers le préfabriqué, chacun contrôlant un champ de vision pour éviter d'être pris à revers.

— « Contact ! » hurla Kirmann en lâchant une rafale sèche. Une forme surgie d’entre deux carcasses bondit sur lui, gueule béante, griffes prêtes à l’éventrer. Le caporal tira à bout portant, le souffle de la détonation arrachant une odeur de chair brûlée. Mais déjà d’autres silhouettes s’arrachaient aux ténèbres, contournant les amas de ferraille, rapides, trop rapides.

— « Fonce, va sortir les nanas de ce merdier, j’te couvre ! » Solmeyer n’hésita pas et se rua vers le préfabriqué. Il entendit derrière lui les rafales marteler la nuit, ponctuées de grognements et de chocs métalliques. Un cri guttural, un bruit de bottes traînées dans la boue : Kirmann était happé dans un combat qu’aucun homme seul n’aurait dû affronter. Mais il n’avait pas le choix et devait tenir.

Solmeyer enfonça la porte à l’épaule. La pièce vibra sous l’impact et s’ouvrit dans un craquement ; il entra. Un bruit humide attira son attention sur sa gauche. Le faisceau accrocha une femme enceinte, à demi nue, rampant sur le sol. Ses yeux injectés de sang fixaient Solmeyer avec une haine animale. Son visage se contracta, difforme, et un instant il crut voir des cornes soulever sa peau. Il leva son arme — trop tard.

Un coup violent l’atteignit à l’arrière du crâne, le monde chavira. Ses genoux plièrent, ses doigts lâchèrent la crosse. Dans sa chute, une sueur glacée lui mordit la nuque, et une voix d’enfant, gutturale, l’accompagna dans l’ombre :
— « Tu vas le tuer, Tată ? Dis oui… Tue-le, tue-les tous et rejoins-nous… »

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