FLASH INFO IV
Strasbourg – EuroStrat, District de Metz – 01 Octobre 2075, 20h45
Le bar Blockhaus 82 était presque vide.
Trois habitués se tassaient au fond, un couple de Classe III s’échinait sur un demi tiède, et le patron essuyait nerveusement son comptoir, comme s’il cherchait à polir l’ennui.
Au-dessus de la caisse, un écran mural diffusait en boucle le flux officiel de la Générale.
Un jingle métallique retentit. Le logo stylisé de l’APC s’imposa sur fond bleu nuit.
Les conversations cessèrent.
Même la musique s’éteignit, coupée par l’ordre central.
Le visage d’Henri Drac de St Genest apparut : bureau solennel, drapeaux de la Générale et de l’Europe en arrière-plan.
Sa voix, d’abord posée, résonna comme un glas :
— Citoyennes, citoyens…
Ce soir, je vous parle sans détour. Depuis la nuit du 23 septembre, notre capitale a été frappée en son cœur. Ce que nos experts ont découvert dépasse tout ce que nous pensions possible.
Nous ne faisons plus face à une rébellion, ni à une contagion.
Nous faisons face à quelque chose venu d’ailleurs.
Un des clients lâcha un rire amer.
Le patron lui fit signe de se taire.
Sur l’écran, l’image bascula vers des séquences thermiques : silhouettes bestiales rôdant dans les ruines de Kehl, corps déformés, visages sans yeux, hurlant dans le silence.
Le bandeau rouge claquait :
"MENACE EXTRATERRESTRE CONFIRMÉE"
Un silence épais s’abattit dans le bar.
Le couple se serra l’un contre l’autre.
L’un des vieux leva la main machinalement, traça dans l’air un signe de croix hésitant…
puis la retira aussitôt, comme brûlé par sa propre faute.
Drac poursuivit, la voix montant en intensité :
— L’état de siège est décrété. Le district de Kehl est placé sous verrou militaire. Les populations frontalières sont invitées à se cloîtrer.
Nous restaurerons l’ordre. Nous tiendrons le front.
L’humanité ne reculera pas.
Puis, plus lent, chaque mot pesé comme une sentence :
— Nous découvrirons ceux qui ont tourné le dos à l'humanité.
Leurs noms seront arrachés à l'ombre et jetés à la lumière.
Un verre se brisa derrière le comptoir.
Le patron jura entre ses dents, puis ralluma la musique aussitôt que le jingle de fin retentit.
Sur l’écran noir, l’avertissement final résonna dans le bar vide :
« Collaborez. Obéissez. Évoluez. »
Personne ne parla.
Chacun but une gorgée, comme pour noyer le goût métallique laissé dans l’air.

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