Chapitres XXVI

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« I'm rising from the stardust,
Time after time 'cause this life is not the last.
I'm rising from the stardust,
Eternal climb — phoenix returns from the past. »
Raizer,Phoenix

Strasbourg – EuroStrat, district de Kehl – 02 Octobre 2075

Dans le tumulte, Steiner bascula, happé par une griffe. Carvo le tira d’un geste brutal et l’entraîna vers l’appartement opposé. Boronov rugit, couvrit leur retraite et abattit son épaule dans la porte, qui céda dans un hurlement de gonds.
Kirmann fit volte-face, grenade déjà armée.
— « Courez, Ivan ! »
Boronov grommela, ils n'avaient plus le temps de courir. Alors il se planta devant Carvo et Steiner, son bouclier tactique en écran protecteur.
L’explosion déchira le palier. Tout l’étage s’illumina d’un flash blanc, avant que la fumée et la poussière n’engloutissent tout. Le plafond s’effondra à moitié, avalant escalier et vampires dans un fracas de béton.
Rapidement après, Boronov poussa a la hate ce qui restait de la porte et arracha un buffet vermoulu qu'il plaqua contre il acheva de sécuriser ' en renversant devant une vitrine de bibelots
Carvo, déjà à genoux dans le nuage de poussières, avait sorti son kit de terrain. Ses doigts gantés trifouillaient avec une précision glaciale.Une petite torche entre les dents
Steiner hurlait, son bras n’était plus qu’un moignon sanglant.
— « Ferme-la », marmona Carvo sans lever les yeux. Il serra le garrot d’un geste sec, plus brutal que nécessaire.
Il sortit une seringue, y planta l’aiguille avec l’aisance d’un anesthésiste de fortune.
— « Tu vas flotter un peu, gamin. »
Le liquide passa, clair sous la lampe torche. Steiner s’agita, sa respiration se fit plus irrégulière. Ses yeux roulaient déjà.
Boronov se tourna, haletant :
— « Qu’est-ce que tu lui as foutu ? »
Carvo leva enfin le regard, un sourire mince aux lèvres.
— « J’ai stoppé l’hémorragie. Mais sans ça, il se serait vidé comme un porc dans trois minutes. »
Il se pencha sur Steiner, tapota sa joue avec un faux air de tendresse.
— « Là… il tiendra. »
Steiner gémit, drogué, incapable de protester. Boronov serra les poings, ses mâchoires craquèrent. Pus tendit une main à Carvo.

« Debout, il faut barricader les fenêtres ! »
Carvo rangea sa seringue avec lenteur, comme pour marquer son indépendance. Puis il saisit la main tendue de Boronov et se releva.
L’air était saturé de poussière. Chaque inspiration brûlait les poumons.
Ils renversèrent à deux une armoire branlante et la plaquèrent contre la baie vitrée. Le verre craqua, fissuré de toutes parts. Dans la rue, à travers les éclats, on distinguait les cris lointains et les ombres mouvantes.
Boronov souffla, la voix râpeuse :
— « S’ils passent par là, on est morts. »
Carvo haussa les épaules, toujours ce calme insupportable.
— « Alors prions qu’ils n’aient pas d’échelle. »
Steiner gémit derrière eux, sa respiration saccadée emplissant la pièce de petits râles secs. Boronov jeta un coup d’œil, mâchoire serrée, puis reporta son attention sur la barricade.
Carvo s’approcha de lui, presque trop près, sa voix basse :
— « Tu sais qu’il est foutu, Ivan. On le traîne, on y passe tous …. si on reste la, on y passe aussi …. »
Boronov se redressa lentement, son ombre avalant celle de Carvo. Ses yeux rouges de poussière fixaient son compagnon comme une bête prête à bondir. Celui ci s'écarta de deux pas au milieu du salon s'exclamant :

« Et alors on fait quoi … Sergent ?! »
Derrière la barricade, les bruits reprirent. Des griffes qui raclaient le béton, des halètements gutturaux, parfois un choc sourd, suivi d’un silence trop long. Les vampires rôdaient de l’autre côté, piégés dans les gravats, mais vivants.
Boronov grogna, mais aucune réponse ne vint. La sueur coulait en rigoles sur ses tempes. Son souffle résonnait dans la pièce comme un piston mal réglé.
Carvo écarta les bras, théâtral, ses yeux brillants dans la pénombre :
— « On crève ici, Ivan. Avec lui, on est foutus. Tu veux risquer la Classe III ou être rayé des listes pour avoir traîné un cadavre ? »
Il désigna Steiner d’un geste sec. Le jeune soldat n’était plus qu’un amas de râles, la bouche pleine de poussière, son moignon bandé dégorgeant déjà par-dessus la toile.
— « Alors quoi ? » insista Carvo. « Tu préfères t’enterrer avec lui ? Ou tu veux sauver ta peau, espérer sauver les autres ? Ils sont certainement tous morts !»
Un silence tendu s’abattit. Les griffes derrière la cloison reprirent de plus belle, raclant le béton comme une scie rouillée.
Carvo abaissa son poignet, et dans la lueur tremblante, le voyant bleu d’EUROPA s’alluma. Des grésillements coururent dans l’air saturé.
— « Moi, j’ai déjà ouvert ma ligne. NeofficiN et la Générale savent que je suis ici maintenant. Plus qu'à attendre la Cavalerie ! Je crèverai pas pour lui. »
Boronov le fixa, bouche entrouverte. Le mot qu’il cracha n’était qu’un râle :
— « Traître… »
La gifle de son poing partit avant même qu’il en prenne conscience. Le verre blindé du casque de Carvo éclata dans un claquement sec. L’homme recula d’un pas, le visage fendu d’une estafilade, mais un sourire tordu lui collait déjà aux lèvres.
— « Merci, Ivan… » souffla-t-il en crachant du sang. « Je voulais que tu montres enfin ta vraie gueule. »
Steiner geignit, ses yeux révulsés cherchant Boronov dans le noir.
— « … Sergent… »
Boronov baissa un instant la tête, ses poings encore tremblants. Le silence pesa, interrompu seulement par le souffle sifflant du blessé.
Puis un craquement sec déchira la pièce. La baie vitrée, déjà fendue, explosa sous un choc. Des bras griffus jaillirent à travers les éclats. Une silhouette immonde se hissa à l’intérieur, gueule ouverte dans un hurlement guttural.
Derrière elle, d’autres ombres s’agitaient sur le balcon.
Carvo éclata d’un rire bref, encore essuyé de sang.
— « La cavalerie, Ivan… la voilà. »
La rage de Boronov éclata dans un cri inhumain et il se jeta sur les assaillants à mains nues. Il pouvait voir ses ennemis dans le noir, leurs points faibles et il voulait sentir les os craquer sous ses poings.


NOVAYANG – 02 Novembre 2063
Combat de Gala Inaugurale

Le gong résonna comme un glas métallique, traversant le dôme orbital comme une onde sismique.
Sous les projecteurs, une hôtesse en combinaison blanche leva un écran holographique.
La foule rugit, compacte dans les gradins pressurisés. À peine vingt mille spectateurs en chair et en os — crise thanatopsique oblige. Mais des milliards d’yeux regardaient en direct, projetés en hologrammes pour les peuples de l’Alliance sino-russe et du Saint Dominion des Amériques.
Ce soir la Russie, la Chine et leurs alliés inauguraient leur capitale politique, citadelle d’acier construite autour des vestiges de l’ISS.
NOVAYANG, prouesse technologique du bloc de l’Est, s’élevait désormais au-dessus du monde terrestre, une injure pour le bloc Américain qui avait envoyé son héraut, son paladin, dans l’arène rutilante pour un match d’Enhanced Boxing de Gala.
ROUND 3
Boronov s’élança, dix-huit ans à peine, torse ruisselant, les poings serrés comme deux pistons.
Un crochet. Un direct.
Les senseurs flamboyèrent en chiffres écarlates : 82 kW. 89 kW.
L’annonceur hurlait dans les hauts-parleurs et puis ce fut l’uppercut, un coup de forge, net, irrévocable.
Les capteurs saturèrent : 101 kW — WORLD RECORD.
— « Poing du Peuple ! Poing du Peuple ! Nouveau record en direct pour l’Alliance ! »
La mâchoire de Jericho Rourke se brisa dans un craquement audible.
Son corps, sanctifié par Amen.exe, fut projeté vers le plafond de l’arène comme une offrande brisée.
La foule se leva extatique, puis un silence irréel s’abattit.
Les cris du public s’étouffèrent, déformés par la suspension des ondes.
Tout bascula dans une lenteur surnaturelle.
Rourke dérivait, silhouette martyrisée, ses implants clignotant comme des cierges mourants.
Son sang s’échappait en globes écarlates, suspendus entre les projecteurs comme une pluie figée.
Des hologrammes du Dominion se mirent à flotter au-dessus de l’arène, prêches automatiques d’Amen.exe :
« Dieu bénit le Martyr. Dieu bénit son Sang. »
Une seconde voix, métallique, s’imposa dans les haut-parleurs, recouvrant les soupirs du public :
« L’Alliance forge l’Histoire. Chaque victoire est éternelle. »
Boronov grogna, haletant.
Il se jeta dans le vide comme une bête propulsée.
Ses muscles bandés explosèrent en propulsion animale.
Il rattrapa Rourke par la cheville, l’arracha à sa dérive et, d’un geste sec, le projeta contre les grilles de l’arène.
Le corps du saint neural heurta le métal dans un craquement sourd.
Un instant, crucifié par la cage, ses bras écartés formèrent une croix dérisoire.
Boronov le rejoignit, se plaquant lui-même au contact, et la tempête commença.
Ses poings tombèrent.
Pistons furieux, impacts monstrueux répercutés par les senseurs :
102… 103… 105.
NEW WORLD RECORD.
Chaque coup propulsait Rourke contre la grille, le ramenait, l’écrasait encore dans un étau implacable.
Boronov d’un côté, la cage de l’autre et entre eux, le saint neural était broyé, sa chair éclatant en gerbes qui se dispersaient en perles flottantes.
Des écrans géants projetèrent alors une maxime répétée en boucle, couvrant la clameur :
« NOVAYANG ! Forge des champions ! »
Le public rugissait, certains en liesse, d’autres en prière.
Les slogans flottaient, froids, indifférents, omniprésents :
« L’ACIER NE PLIE PAS, IL TRIOMPHE. »
« DIEU BÉNIT LE MARTYR. »
Boronov frappait encore, les yeux injectés de sang, le souffle résonnant comme un piston d’usine.
Et Rourke, premier martyr neural du Dominion, glissait lentement vers sa fin, ses implants vacillants comme les cierges d’un dernier miracle refusé.

Strasbourg – EuroStrat, district de Kehl – 02 Octobre 2075

Le crâne du vampire craqua entre ses poings. Boronov avait mordu sa gorge, le goût métallique encore sur sa langue. Il recula, haletant, les mains couvertes de sang noir. Un vide bourdonnait dans sa tête, comme une absence, une fracture dans sa mémoire.
Il se retourna.
Carvo tenait Steiner d’une main, le canon de son arme collé à sa tempe.
— « Tu n’as pas les couilles, Ivan. Alors je vais prendre la décision pour toi. »
La rage de Boronov se libéra d’un coup. Il traversa la pièce, souleva Carvo comme une poupée et le plaqua contre le mur, ses bottes décollées du sol.
— « T’es un putain de monstre, Carvo ! » rugit-il, ses veines gonflées, ses yeux injectés de sang.
Carvo, suffoquant, eut un sourire en coin malgré tout. Ses doigts, libres, remontèrent lentement vers la nuque de Boronov. Un déclic sec résonna dans le tumulte. La douleur jaillit comme une lame glaciale, brûlant la moelle.
Entre ses doigts, Carvo exhiba un petit cylindre métallique couvert du sigle NeofficiN. Un voyant bleu pulsa une dernière fois… et il le laissa choir sur le sol carrelé.
— « Voilà, Ivan… ton collier de chien. » Sa voix rauque s’étrangla dans un rire. « On va voir qui est le vrai monstre, maintenant. »
Boronov hurla. Ses bras tremblaient, sa poigne écrasait le plastron de Carvo.
La douleur se répandit. Les murs se dissocièrent. Le temps s’effondra.
Le sang martelait ses tempes.
BONG !
Des champs de neige. Corps en lambeaux. Rafales lumineuses dans la nuit polaire.
— « Мама! Папа! Где вы?! Помогите! »
Le cri d’enfant se perdit dans le blizzard.
BONG !
Un orphelinat. Lits de fer. Gamins hagards.
Une main qui le désigne.
— « AUSGEWÄHLT ! »
BONG !
Odeur d’iode. Salle blanche. Nu, grelottant.
La seringue transperce sa veine.
Dehors, les griffes raclent le béton.
Dedans, le cœur de Carvo bat comme un gong.
BONG !
Une cuve emplie de liquide noir. Une silhouette monstrueuse y dort.
Aile repliée contre la vitre.
Câbles. Runes. Des yeux d’encre qui s’ouvrent.
BOUM… BOUM… le cœur de Carvo résonne encore.
BONG !
La cage de fer résonne.
Ses poings frappent. Frappent. Frappent encore.
— « POING DU PEUPLE ! POING DU PEUPLE ! »
Les slogans saturent l’air. Les râles de Steiner. Les hurlements des vampires.
Et Boronov frappe encore, dans la neige, dans la cage, dans Kehl.
La Russie. Novayang. Strasbourg. Tout se confond.
— « Quelle est la mission ? »
Les soldats de l’Alliance, les vampires, Carvo, Steiner : tout devient sang.
Il titube dans une forêt vosgienne. Une plaque rouillée surgit dans le brouillard :
ARCHANGE – MAGINOT.
La vision éclate. Le verre se brise.
Boronov, couvert de sang, traverse la baie vitrée du troisième étage.
Son corps s’écrase dans le sol humide de Kehl.
Et là, au contact de la terre, il hurle.
Un cri qui n’est plus celui d’un homme.
Un cri de renaissance.

Laboratoire Archange-Maginot – 02 Novembre 2063

Le bourdonnement des ventilateurs recouvrait la pièce comme un souffle d’orgue.
Rangées de consoles, techniciens en blouses tapant sur des claviers, cigarettes consumées dans des cendriers débordants. Sur le mur principal, un écran composite, volé aux flux cryptés de l’Alliance, retransmettait le combat orbital.
L’image sautillait, parasitée par des ondes brouillées, mais le spectacle demeurait lisible :
Ivan Boronov, dix-huit ans, torse ruisselant, enfermé dans la cage de Novayang.
Face à lui, Jericho Rourke, masque neural scintillant, corps martyrisé.
Les chiffres saturaient le bas de l’écran : 102. 103. 105. NEW WORLD RECORD.
Chaque impact faisait vibrer la salle, comme si les poings du gamin traversaient le relais satellite pour cogner directement les murs de béton.
Un technicien leva la voix, nerveux :
— « Sujet 14 a dépassé tous les seuils. Pression artérielle au-delà de la limite… instabilité neuro-hormonale confirmée. »
— « Notez-le, » ordonna un superviseur sans lever les yeux de son écran. « Transmettez . »
Dans la galerie vitrée, au-dessus de la salle, trois silhouettes observaient.

  • « Parfait Viktor, avec une telle performance Sujet 14 aura tôt fait d'intégrer la cour de Novayang. » commenta Henri Drac.
    Viktor Hammerstein, costume sombre, la mâchoire serrée, écrasa sa cigarette dans une coupelle. Ses yeux restaient fixés sur le gamin qui frappait encore, encore, dans le vide orbital.
    — « Le sujet est incontrôlable. »
    À ses côtés, Naram Iskhal croisa lentement les mains. Sa voix était douce, presque caressante, en décalage avec le chaos qui hurlait sur l’écran :
    — « Incontrôlable, oui… pour l'instant. J'ai anticipé cet état et fait modifier un µVigil si vous me permettez docteur. ».
    Le directeur de SYGMA tendit un écrin d'aluminium brossé. Hammerstein y decouvrit un cylindre metallique frappé du logo NeofficiN.
  • « J'apprécie le présent Naram ! » ajouta-t -il en le rangeant dans la poche de sa vetse
    Un silence pesa. Les techniciens en bas continuaient de crier des chiffres, de noter, de recalculer, comme si la fureur de Boronov pouvait être réduite à des équations.
    Henri Drac resta en retrait, bras croisés, ses traits noyés dans l’ombre.
    Son regard restait rivé sur les globes rouges qui flottaient en apesanteur à l’écran — le sang de Rourke devenu relique numérique.
    Puis il souffla, sec, sans intonation :
    — « Bientot les secrets de Novayang seront nôtres … ou nous les briserons. »
    L’écran central se brouilla, se figea dans une neige électronique.
    Dans le silence qui suivit, seul demeura le crépitement des cigarettes et la certitude glaciale que le monstre n’était plus un simple cobaye, mais une arme vivante.

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