CHAPITRE 20 - SIGNES ET SUBSTANCES
Le silence n’était pas vide. Il vibrait.
C’était le genre de silence qui précède une décision, pas une aube. Dense, contenu, comme une surface d’eau qui refuse encore de se briser. Takuya ouvrit les yeux, doucement. Pas réveillé d’un coup, mais glissant dans la conscience comme on sort d’un lac tiède. Pas de sursaut, pas de poids. Juste un retour. Lent, stable.
Son corps était calme. Aucun muscle ne protestait, aucun signal n'alertait. Il respira, profondément, et sentit la différence. Il n’était pas seulement reposé. Il était... net. Un état rare.
Il s’assit. Les bruits de la jungle étaient rares, lents, comme si eux aussi attendaient. La bâche au-dessus de lui ne bougeait pas. Les pierres, les outils, le carnet, tout était à sa place. Comme il l’avait laissé.
Mais son regard n’alla pas vers eux.
Il se leva et marcha droit vers la flaque.
Elle était là. Inchangée.
Lisse. Froide. Inerte.
Il s’accroupit à son bord. Tendant une main au-dessus, paume ouverte. Pas de sensation. Pas de chaleur. Rien.
— CAINE. Statut de la flaque.
> CAINE :
« Température : 23,4°C. Égale à la température ambiante.
Aucun résidu magique actif.
Durée d’effet des symboles précédents : 15 minutes et 12 secondes.
Dissipation totale du champ thermique. Aucune résonance détectée. »
Takuya ne dit rien.
Il regardait. Non, il observait.
La veille, il y avait eu quelque chose. Une séquence. Une construction. Une pulsation. Il avait créé, injecté, observé — et la flaque avait réagi. Les symboles s’étaient imprimés sans contact physique. Juste par sa volonté, son esprit, son souffle. Trois étapes, trois effets. Tiédeur. Ébullition. Fournaise.
Mais là...
Plus rien.
Il tendit la main. Visualisa le premier symbole de feu, comme hier. Une spirale brisée, trois pointes vers l’extérieur, une intention simple.
Rien.
Même pas une onde à la surface.
— CAINE... tu confirmes que je l’ai bien fait, hier ?
> « Affirmatif. Trois symboles de feu imprimés par injection mentale. Réaction mesurée. Température maximale : 504°C. Durée de maintien : stable jusqu’à dissipation naturelle. »
— Et pourtant, aujourd’hui, rien.
> « Affirmatif. Les conditions initiales ont changé. »
Takuya recula d’un pas. Il ferma les yeux. Reprit la respiration qu’il avait travaillée la veille. Profonde. Régulière. Lente.
Il concentra une faible dose de mana, forma une sphère d’eau suspendue entre ses mains.
Stable. Claire. Vivante.
Il leva la main droite. Visualisa le symbole. Lentement. Parfaitement.
Et tenta de l’imprimer.
Rien.
La sphère resta froide. Ne frémit pas. Le mana qu’il avait diffusé se dissipa aussitôt.
Il réessaya. Deux fois. Trois.
Même résultat.
Il dissipa la sphère d’un soupir. Se rassit près de la flaque, cette fois plus proche, genoux repliés, les coudes posés dessus.
— Je croyais l’avoir trouvé. Un langage. Un code.
> « Vous avez déclenché une réaction. Pas construit un système. »
— Tu penses que c’était... de la chance ?
> « Non. Pas de chance. Un environnement favorable. Une condition contextuelle optimale. »
— L’eau. Le sol.
> « La flaque reposait directement sur le sol. Vous avez injecté votre mana. La stabilité thermique a permis la réaction complète. »
— La sphère est instable ?
> « Suspendue. En maintien actif. Sans support terrestre. Pas de relais. »
Il regarda ses paumes. Puis la surface de l’eau.
— Et moi ? Je ne peux pas... extraire le mana autour de moi ?
> « Non. Votre noyau convertit votre énergie spirituelle interne. Vous ne puisez pas encore dans l’énergie ambiante. »
Le silence reprit.
Cette fois, il n’était plus neutre.
Il pesait.
Takuya comprenait. Lentement. Par morceaux.
Il n’avait pas déclenché une magie. Il avait lancé une impulsion dans un support passif... et ce support, connecté au sol, avait amplifié l’effet jusqu’à ce que l’énergie se dissolve.
Il n’y avait pas eu de miracle. Pas de dialogue avec le monde. Pas de volonté extérieure.
Seulement une structure mécanique, reproduite dans les bonnes conditions.
Et là, il ne les avait plus.
Il sortit son carnet. Lentement. L’ouvrit à une page vierge. Et écrivit :
> “L’eau ne retient rien d’elle-même.
Elle transmet ce qu’on lui donne, si elle repose sur un appui.
J’ai imprimé un effet. Le sol l’a porté. Et maintenant que je suis seul, l’eau ne parle plus.
Ce n’était pas le monde. C’était moi.
Et ce n’était pas assez.”
Il posa le carnet.
Regarda encore la flaque.
Puis ferma les yeux.
Et cette fois, il ne chercha pas à produire.
Il se contenta de respirer.
---
Il n’avait pas bougé.
Depuis combien de temps ? Difficile à dire. Il avait fermé les yeux, calé son dos contre une pierre stable, croisé les jambes, posé ses mains sur ses genoux, paumes tournées vers le ciel. Sa respiration s’était naturellement ralentie, sans qu’il le cherche. Les muscles de ses épaules s’étaient relâchés. Son esprit s’était déposé, sans tension.
Il n’était pas dans un état de méditation — plus dans une posture d’observation interne. Il ne voulait rien créer. Il ne cherchait aucun effet. Il s’était juste mis dans une disposition d’écoute, complète, pour confirmer une chose : que l’absence de phénomène n’était pas un oubli du monde, mais bien une inertie totale du système.
Il rouvrit légèrement les yeux.
La flaque, à quelques mètres, était parfaitement immobile.
Pas une onde. Pas une condensation. Pas la moindre signature thermique.
Le sol sous lui était froid, compact. Aucun frémissement.
— CAINE. Analyse environnementale passif.
> CAINE :
« Paramètres stables. Pression atmosphérique normale. Aucune variation de température.
Flux de mana ambiant : constant, diffus, non orienté. Aucun déplacement significatif dans votre direction.
Aucun point d’accumulation détecté à moins de trente mètres. »
Il ne répondit pas immédiatement. Il reprit une inspiration lente. Puis relâcha, en silence. Il voulait que son propre corps soit aussi neutre que l’air.
Son objectif était clair : confirmer que l’environnement ne fournissait pas d’aide active. Que le phénomène de la veille était entièrement dépendant d’une configuration physique favorable, et non d’une quelconque “réponse” énergétique.
Il se souvenait encore très précisément de la montée thermique de la veille. L’onde de chaleur, la tension qui avait vibré dans ses bras, la sensation d’un seuil franchi dans la structure de la flaque.
Aujourd’hui : rien.
Il rassembla ses données.
Il était assis depuis onze minutes, immobile. Il n’avait ni condensé d’eau, ni injecté de mana. Il n’avait pas même tendu la main. Et le système, autour de lui, était resté parfaitement neutre.
Il réactiva légèrement sa perception interne. Légère circulation dans les veines. Le noyau au centre de sa poitrine était stable. Sa réserve de mana était pleine. Il aurait pu créer une sphère d’eau en un instant. Mais il ne le fit pas.
Il voulait isoler les variables.
— CAINE, niveau d’alignement respiratoire ?
> « Niveau : élevé. Fréquence respiratoire moyenne : 5,8 cycles par minute.
Stabilité énergétique interne : 92 %. Conversion passive inactive.
Aucun flux de sortie. »
— Confirme l’absence de tout mouvement énergétique autour de moi.
> « Confirmé. Le mana ambiant ne s’organise pas.
Il reste en suspension. Vous n’êtes pas perçu comme vecteur. »
Voilà.
C’était la réponse qu’il cherchait.
Pas de tension magique en attente.
Pas d’intelligence cachée derrière les arbres.
Pas de monde à l’écoute.
Juste un champ d’énergie spirituelle inerte, diffusé comme une brume, égal dans toutes les directions.
Il rouvrit les yeux complètement. Sa mâchoire se contracta légèrement, non par crispation, mais par concentration. Il tendit doucement la main droite vers la flaque, paume ouverte.
Il ne fit rien.
Pas de visualisation.
Pas de souffle actif.
Pas de flux.
Juste le bras étendu, comme une antenne désactivée.
La flaque ne bougea pas.
Il garda la position pendant une minute. Puis laissa retomber sa main.
— Tu confirmes qu’aucune interaction n’a eu lieu ?
> « Affirmatif. Pas de transfert. Pas de perturbation.
L’eau n’a ni amplifié, ni relayé. »
Il s’humecta les lèvres. L’air était légèrement plus sec que plus tôt. La température avait peut-être monté d’un demi-degré, mais rien de mesurable. Il posa ses coudes sur ses genoux, et se pencha en avant.
— Conclusion.
> « Le système est neutre. L’effet observé hier nécessitait au moins trois conditions :
1. Support aqueux posé au sol.
2. Injection de mana directe, visualisation stable.
3. Saturation de l’environnement en mana passif, ou au minimum, un terrain capable d’agir comme relais. »
— Et sans ces trois points ?
> « Aucun effet reproductible. »
Il acquiesça.
Pas de magie. Pas d’intuition. Pas de message codé.
Juste un système énergétique basé sur la transformation, la stabilité, et la structure. Rien de plus.
Il se releva.
Son genou craqua légèrement. Il le massait d’un geste automatique quand il reprit :
— Note de synthèse :
> “Le mana ne répond pas. Il s’utilise.
Ce que j’ai déclenché hier n’était pas une résonance extérieure.
C’était une réaction de structure.
Pas de mystère. Juste une équation à trois variables.”
Il tourna la tête vers le sac posé près de la pierre plate.
Il savait ce qu’il allait faire.
Si le phénomène ne se reproduisait pas dans un système passif, il allait le forcer dans un système contrôlé.
Il n’attendrait plus. Il allait déclencher — dans les conditions les plus proches possible.
Mais cette fois, il enregistrerait tout.
Il se mit en position.
---
Il se releva sans précipitation.
Le souffle toujours stable, les muscles détendus, mais le regard précis. Son observation était terminée. Il avait tous les éléments pour affirmer ce qu’il devait affirmer : l’environnement n’avait rien offert. Aucune aide. Aucune réaction spontanée. Ce qu’il avait provoqué la veille ne s’était pas manifesté aujourd’hui, parce qu’il n’avait rien donné.
Et maintenant, il allait donner.
Il s’éloigna de quelques pas, choisissant une zone dégagée. Le sol y était sec, légèrement creusé, idéal pour canaliser un volume d’eau sans déformation.
Il s’agenouilla.
Condensa une flaque par mana.
Le liquide prit forme au centre du cercle. Une surface parfaitement circulaire, nette, de moins d’un mètre de diamètre. Le sol l’accepta sans résistance. L’eau ne bougeait pas.
Il tendit la main.
— CAINE. Statut du support.
> CAINE :
« Eau condensée. Température initiale : 23,2°C.
Surface plane. Contact direct avec le sol.
Taux de pureté : 98,7 %. Aucune perturbation. »
Il inspira lentement.
Visualisa le premier symbole. Simple. Épuré. Trois branches vers l’extérieur, base spiralée, cœur creux.
Il l’imprima, lentement, mentalement, tout en relâchant une impulsion brève de mana dans la paume.
La surface de l’eau vibra, puis se réchauffa immédiatement.
> CAINE :
« Température : 37,8°C. Réaction thermique douce.
Flux stable. Symbole absorbé sans perturbation. »
Il attendit quelques secondes. Aucun excès, aucune distorsion.
Il plaça sa deuxième main.
Deuxième symbole.
Visualisation claire. Densité plus forte, ligne fermée. Compression mentale. Il injecta une dose supérieure, calculée.
La flaque entra en ébullition en moins de trois secondes.
Des bulles remontèrent à la surface, suivies d’un léger dégagement de vapeur.
> CAINE :
« Température : 101°C. Point d’ébullition franchi.
Dissipation lente. Mana contenu par structure thermique. »
Tout allait selon le protocole.
Il inspira une dernière fois.
Troisième symbole.
Celui qui avait déclenché l’explosion thermique la veille.
Il le forma en esprit avec minutie : doubles croix croisées, points d’ancrage internes, torsion mentale du flux à injecter. Puis il relâcha.
L’eau se transforma aussitôt.
Elle devint opaque, laiteuse, comme du verre chauffé à blanc. La vapeur jaillit en un voile dense, le sol frémit sous la pression thermique.
Et la chaleur…
La chaleur le frappa comme un projectile.
Il n’avait pas bougé.
Il n’avait pas reculé.
Mais l’air brûlait.
Pas chaud.
Pas torride.
Incandescent.
Une onde sèche le traversa d’un seul bloc. Le souffle qu’il relâcha fut remplacé par une tension dans les poumons, comme si respirer de l’air devenait un acte contre-nature.
> CAINE :
« Température : 504°C. Masse aqueuse instable.
Risque de fusion thermique à proximité. Distance recommandée : 2 mètres. »
Il ne bougea pas.
Ses manches frémirent.
Le tissu se noircit d’un coup.
La manche droite se déchira au niveau du coude, laissa apparaître la peau rougie en dessous, puis se désintégra.
L’étoffe brûla sans flamme, en une poussière noire balayée par la vibration de l’air.
Son épaule gauche grinça sous l’effort. Il s’agenouilla.
Mais ne recula toujours pas.
Le bord de son pantalon devint friable, le tissu craqua à la hanche. La chaleur s’infiltrait par tous les interstices.
Ses cheveux se collaient à son front, sa sueur s’évaporait avant même de couler.
> CAINE :
« Avertissement : seuil de tolérance thermique dépassé.
Inflammation épidermique imminente. Durée d’exposition maximale restante : 11 secondes. »
Il resta.
11 secondes.
10.
9.
La douleur était là. Totale. Mais supportable. Maîtrisée. Car elle avait un objectif.
Une information.
Un seuil.
5 secondes.
Il observa la structure du liquide. Sa densité. Son opacité. L’ondulation lente qui parcourait la surface. La manière dont la vapeur ne montait pas en ligne droite mais en tourbillon radial.
C’était stable.
C’était reproductible.
Il recula d’un mouvement lent, calculé, jusqu’à sortir du cône de chaleur.
Puis il se redressa. Un morceau de tissu s’effondra de son épaule. Sa peau était rouge, boursouflée par endroits. Mais il restait debout.
Il avait tenu.
Et il savait.
— CAINE. Analyse.
> « Processus stable. Réaction thermique conforme à l’essai précédent.
Aucun soutien environnemental.
Source unique : votre mana.
Conditions de reproduction confirmées. »
Il hocha lentement la tête.
Il n’avait pas seulement répliqué un effet.
Il l’avait maîtrisé.
Décomposé.
Validé.
Il savait désormais exactement comment produire ce phénomène, et dans quelles limites.
Et il savait ce qu’il allait faire ensuite.
---
Il n’attendit pas.
Son corps hurlait, mais il ne lui accorda pas d’attention. Les muscles de ses bras étaient encore tendus, ses tempes bourdonnaient. Mais ses pensées étaient claires. Ordonnées. Il avait vu ce qu’il devait voir. Il avait reproduit. Prouvé. Constaté.
Il voulait plus.
Il recula de quelques pas. Reprenant exactement les mêmes gestes, il condensa à nouveau une flaque. Mais cette fois-ci, il la fit plus petite. Moins d’un tiers du volume précédent. Un cercle réduit, presque une tache. Le même symbole, les mêmes doses de mana. Moins d’eau, plus de densité.
Il savait ce qu’il faisait.
Il savait aussi que ce serait pire.
Il s’agenouilla à côté de cette flaque réduite.
L’air était déjà plus dense, simplement par le souvenir thermique encore présent autour de lui. Le sol avait gardé des traces. La terre était sèche, craquelée. Son genou gauche frotta contre une pierre chauffée à blanc.
Il n’avait plus de manche droite. La peau exposée était rouge, par endroits boursouflée. Le tissu de sa tunique pendait, carbonisé aux extrémités. Il ne le retira pas. Cela n’avait plus d’importance.
Il posa sa main au-dessus de la flaque.
Visualisa.
Premier symbole : injecté.
Pas de délai.
> CAINE :
« Température : 41,6°C. Augmentation plus rapide que précédemment. »
Deuxième symbole : inscrit.
Il ne sépara pas les temps. Aucune pause. Il voulait la montée continue.
La vapeur monta en deux secondes.
> « Température : 114°C. Phase d’ébullition comprimée. Stabilité réduite. »
Troisième symbole : déclenché immédiatement.
La réaction fut brutale.
La masse aqueuse devint blanche instantanément. Le halo thermique s’étendit comme une vague de choc invisible, atteignant ses avant-bras en moins d’une seconde. Le sol vibra sous son pied gauche.
La chaleur n’était plus une sensation. C’était une pression.
Son souffle se bloqua. L’air n’avait plus la densité normale. Chaque inspiration brûlait la gorge.
Son œil droit pleura sans qu’il s’en rende compte. La sueur s’était déjà évaporée.
Le tissu de son épaule gauche s’effondra littéralement.
Le coton brûlé s’éparpilla en cendres noires, consumé à moins de cinq centimètres de la flaque.
Il leva la main droite d’un cran, les doigts tremblants. Pas de recul.
> CAINE :
« Température à 15 cm de la source : 617°C.
Rayonnement thermique maximal.
Durée de maintien estimée : instable au-delà de 35 secondes. »
Il serra la mâchoire.
Sa tunique éclata sur le flanc. Le bord de son pantalon se déchira net à la hanche. Il mit un genou au sol. Pas par faiblesse. Pour réduire la surface exposée. Pour tenir.
Le sol était brûlant. Il sentait les cailloux coller à sa jambe, puis se détacher.
Il ne disait rien.
Sa respiration était lente. Rythmée. Pas pour apaiser. Pour stabiliser le flux interne. Son noyau pulsait avec régularité. Il contrôlait ce qui pouvait encore l’être.
— CAINE. Analyse thermique du centre de la flaque. Stabilité du symbole.
Pas de réponse.
Il savait ce que cela signifiait. Elle utilisait toutes ses ressources pour traiter ce qui se produisait. L’énergie dégagée était trop élevée pour maintenir un canal de communication sans perturbation.
Il baissa la tête d’un cran.
La lumière blanchâtre de la flaque l’éclairait par dessous. Ses bras étaient tendus, les veines gonflées. Il sentait des points de douleur dans les doigts. Les extrémités étaient brûlées, mais les flux tenaient encore.
Le front de Takuya se couvrit de vapeur. La sueur ne coulait plus. Elle explosait.
Il ferma les yeux une seconde.
Pas pour fuir.
Pour fixer une image.
Il voulait mémoriser la structure exacte de la flaque à ce stade. Le dessin du troisième symbole une fois déclenché. La manière dont il se pliait sous l’intensité. Comment la ligne centrale tremblait, mais ne se rompait pas.
Puis il rouvrit les yeux.
Et attendit.
Il n’y avait plus que le bruit de son souffle.
L’absence de vent.
Et cette pression brûlante qui semblait appuyer sur lui de toutes parts.
Enfin, CAINE revint.
> « Analyse en cours.
Température centrale : 622°C.
Le symbole agit comme stabilisateur du champ thermique.
Le taux de dissipation est linéaire.
Le flux interne est contenu.
Résultat : réaction compressée maîtrisée.
Durée d’effet estimée : 14 minutes 38 secondes. »
Il hocha très légèrement la tête.
C’était suffisant.
Il relâcha les épaules. Puis recula d’un mouvement lent, presque calculé.
Il sortit du cône thermique au bord de la rupture.
Les muscles de ses jambes protestaient. Sa main droite tremblait.
Mais il restait debout.
Il s’éloigna de trois pas, puis s’effondra en position assise, à genoux. Il ferma les yeux.
Pas de satisfaction.
Pas de triomphe.
Seulement un point de données clair : la réduction de volume n'altère pas l'intensité thermique. Le symbole, bien exécuté, maintient la température, même en condition extrême.
Il avait tenu.
Et il savait comment le reproduire.
---
Le silence était revenu, mais ce n’était pas le même que celui du matin.
Ce silence-là pesait.
Pas par son poids extérieur, mais parce que son corps n’avait plus de place pour le bruit. Plus de capacité pour gérer autre chose. Plus d’espace pour autre chose que l’essentiel.
Takuya était à genoux. Il ne bougeait plus. La chaleur s’était éloignée, mais elle restait dans sa peau. Pas une sensation : une empreinte.
Ses bras étaient couverts de cloques superficielles. La peau avait résisté, mais à peine. La tunique pendait par lambeaux, presque intégralement consumée. Torse nu, dos contracté, souffle lent mais court, il ressemblait à un homme sorti d’un four.
Et pourtant, il tenait encore.
Sa main droite tremblait. Il la posa à plat sur sa cuisse nue. Pas pour la calmer. Juste pour éviter qu’elle ne s’effondre.
Il inspira.
Le flux de mana, au lieu de se disperser, se concentra automatiquement vers le noyau. Il le sentit. Clairement. Pour la première fois, le circuit énergétique ne dépendait pas d’un ordre volontaire. Son corps s’était organisé seul.
Pas pour être efficace.
Pour survivre.
Une contraction remonta dans sa cage thoracique. Pas une crampe. Une onde. Il la reconnut immédiatement : sa respiration interne venait de changer de palier.
Le noyau battait doucement.
Mais plus fort.
Plus dense.
Plus rapide.
Et surtout, sans turbulence.
Il abaissa la tête, fixant un point invisible sur le sol noirci. Il sentit, avec une clarté douloureuse, que quelque chose avait cédé. Ou plutôt… que quelque chose s’était solidifié.
> CAINE (voix lente, saturée) :
« Analyse terminée.
Niveau de stress corporel : critique à 94 %.
Noyau énergétique : adaptation forcée confirmée.
Résultat : franchissement de seuil. »
Takuya cligna des yeux.
— Confirme.
> « Votre corps a percé.
Vous avez franchi la limite du rang confirmé.
Classe atteinte : Soldat – Niveau 1 Avancé. »
Il ne répondit pas.
Il attendait la suite.
> « Déclencheur : maintien du flux sous surcharge thermique prolongée.
Risque de collapse estimé à 18 secondes si la percée n’avait pas eu lieu.
Votre régulation interne a forcé une restructuration.
Si elle avait échoué, la température interne aurait provoqué une combustion organique. »
Il inclina très lentement la tête en avant. Ferma les yeux.
Il n’avait jamais été aussi proche de mourir depuis son arrivée ici.
Et il n’avait pas paniqué.
Pas un instant.
Il avait tenu jusqu’à la limite, et cette limite avait cédé.
Pas le monde.
Pas la magie.
Son corps.
Son propre système de conversion énergétique s’était modifié sous la pression.
Il sentait les effets immédiatement. Le mana ne se diffusait plus de manière brute. Il circulait. Il se posait. Il n’avait plus besoin de guider chaque micro-segment du flux. C’était comme si une seconde couche s’était ajoutée à ses canaux, les rendant plus perméables et plus précis.
Une alerte bleue clignota brièvement dans son champ de vision. Il leva les yeux. L’interface se forma d’elle-même.
> [Fenêtre système – Mise à jour]
> Nom : Takuya
Rang : Soldat – Niveau 1 (Avancé)
Condition atteinte : stabilisation du noyau sous stress thermique mortel
Nouvelle cohérence énergétique : 89,7 %
Flux de sortie : modulable à trois niveaux
Tolérance thermique accrue de 18 %
Densité de mana interne régulée automatiquement
Il cligna lentement des yeux.
— La percée était une réaction de défense.
> « Affirmatif. Elle n’aurait pas eu lieu sans surcharge.
Le système a choisi la restructuration plutôt que la rupture.
Si vous aviez hésité, vous seriez mort. »
Il serra le poing gauche. Il sentait encore la tension, mais elle était stable. Contenue. Tenable.
Pas un sursaut de pouvoir.
Une répartition nouvelle de la même énergie.
Il leva les yeux vers la flaque.
Elle avait disparu. Évaporée.
Il avait absorbé tout ce qu’il pouvait de cette expérience.
Il se releva lentement. Le sol était dur, brûlant. Ses jambes pliaient légèrement, mais ne cédèrent pas.
Le vent léger qui passait à travers la clairière le fit frissonner. Non pas de froid. De contraste.
Sa peau encore chauffée diffusait une chaleur constante, comme s’il portait une couche de braises sous l’épiderme.
> CAINE :
« Surcharge dissipée.
Priorité recommandée : récupération partielle.
Attention : seuil de stabilité nouvellement atteint. Ne pas tenter d’enchaînement immédiat sans pause. »
Il répondit d’un murmure.
— Je sais.
Mais il n’allait pas s’arrêter.
Pas tout de suite.
Il avait validé la stabilité de l’effet thermique dans une flaque posée.
Maintenant, il allait vérifier si ce même effet pouvait être encapsulé.
Porté.
Et lancé.
---
Il resta debout quelques secondes, immobile.
L’air autour de lui avait cessé de vibrer. Le sol s’était refroidi, mais la trace thermique restait palpable. Il n’avait pas encore repris un souffle complet, mais son esprit, lui, était déjà passé à l’étape suivante.
Takuya leva les bras devant lui.
Paumes vers le ciel.
Il avait repoussé les limites de son corps. Son noyau avait franchi une étape de structuration sous la contrainte. Il n’était pas question de puissance. C’était une affaire de précision. De cohérence. De transfert.
Ce qu’il voulait maintenant : encapsuler le phénomène.
L’effet thermique ne devait plus être un dôme immobile, dépendant du sol.
Il devait devenir une sphère. Contrôlable. Lançable.
Il inspira. Sa respiration était lourde mais régulière.
Il forma une sphère d’eau dans l’air, à quarante centimètres devant lui, suspendue à hauteur de poitrine.
Le mana coulait de manière douce, stable. Le volume était volontairement réduit — une vingtaine de centimètres de diamètre. Suffisant pour un test. Pas plus.
La sphère était parfaitement formée. Transparente. Sa surface vibrait à peine.
— CAINE. État ?
> CAINE :
« Eau pure à 97 %.
Volume : 4,2 litres.
Tension de surface stable.
Flottement contrôlé à 0,3 unité de pression magique. »
Takuya hocha lentement la tête.
Il passa à la suite.
Il leva la main droite, doigts repliés.
Un symbole de feu se forma dans sa paume.
Non pas un glyphe tracé, mais un flux condensé, enroulé, tordu, maintenu sous tension mentale.
Une spirale refermée, point central dense, bords acérés. Le même qu’il avait utilisé sur la flaque.
Il maintint la sphère d’eau suspendue avec la main gauche.
Puis il rapprocha les deux mains.
Le symbole glissa lentement dans la sphère.
L’eau, au contact, se troubla.
Pas d’explosion. Pas de rupture.
Mais une onde de chaleur visible se forma immédiatement au cœur du volume.
La température monta.
> CAINE :
« Fusion énergétique partielle.
Température interne : 127°C… 198°C… 346°C… »
La sphère gonfla légèrement.
Une fine couche de mana se forma naturellement autour — comme une membrane transparente, un film vibrant.
— Enveloppe stabilisée ?
> « En cours de formation.
Flux circulaire détecté autour du noyau.
Température actuelle : 501°C. »
Il ne bougea plus.
Il observa.
La sphère tremblait très légèrement, comme un cœur sous tension. La bulle externe vibrait au rythme du flux interne. Mais la forme tenait.
Pas d’éclatement.
Pas de fuite.
Il concentra son attention sur le centre.
Là où le symbole injecté pulsait encore. Il était encore actif. Non dissous.
— Analyse du maintien symbolique ?
> « Le symbole est stable.
Il agit comme point de condensation thermique.
Rétroaction circulaire interne.
Aucun affaissement structurel. »
Il s’autorisa une inspiration complète.
Puis observa les contours de la sphère.
La lumière à l’intérieur s’était teintée d’un léger orange. L’eau bouillait en silence, sans bulles — comme dans une cocotte fermée. La membrane de mana servait d’isolant et de conteneur à la pression.
Il étendit sa concentration.
> CAINE :
« Forme verrouillée.
Température : 502,8°C.
Stabilité maintenue pour dix secondes supplémentaires à puissance actuelle.
Toute augmentation de charge entraînera un déséquilibre. »
Il hocha la tête.
C’était suffisant.
Le phénomène pouvait être transféré dans un support suspendu, sans contact au sol, sans perte de structure. Il pouvait être contenu par une membrane de mana formée naturellement par son propre champ. Cela signifiait qu’il était possible de porter, viser, et projeter.
La phase suivante serait simple : lancer.
Il recula d’un pas.
Bras tendus.
Respiration alignée.
Son noyau pulsait sans résistance.
Le symbole, toujours actif à l’intérieur de la sphère, attendait.
Il savait déjà ce que provoquerait la rupture.
Mais il voulait voir la forme de cette explosion.
Et la portée.
---
La sphère vibrait doucement dans l’air.
Takuya la maintenait à distance, bras tendus, les doigts écartés, le souffle contrôlé. Le symbole à l’intérieur était parfaitement actif, noyé au cœur de l’eau en ébullition, encapsulé dans une membrane de mana qu’il ne maintenait plus consciemment. Elle se régulait seule, désormais.
Il avait réussi à la stabiliser.
Mais il savait que ce n’était pas un état durable.
Il était temps de valider l’autre paramètre : le lancer.
Il pivota lentement sur ses appuis, planta ses pieds dans le sol. Le point d’impact était déjà repéré : une zone légèrement en contrebas, à une vingtaine de mètres. Le sol y était meuble, les herbes basses, sans aucune couverture.
Parfait pour observer la forme de l’explosion.
— CAINE. Vérifie la trajectoire.
> CAINE :
« Distance : 21,3 mètres.
Dégagement total.
Vent nul.
Probabilité de déviation à l’impact : 2,4 %.
Paramètres validés. »
Il fléchit légèrement les genoux. La sphère restait suspendue, docile, entre ses mains.
Il recula la main droite d’un geste lent, puis projeta la sphère d’un mouvement franc, rapide, précis.
Elle fila dans l’air, sans vaciller.
La surface vibra légèrement. Le symbole, toujours actif, pulsa une dernière fois.
À un mètre du sol, juste avant l’impact, Takuya relâcha totalement la tension interne.
Il coupa le lien.
Rupture.
L’explosion fut brève. Sèche.
Pas de bruit sourd.
Pas de feu.
Pas de flamme.
Seulement une onde de vapeur blanche, épaisse, surcompressée, qui éclata en un disque horizontal, soufflant la végétation dans un rayon d’environ cinq mètres. La terre au centre se souleva en poussière. Le sol noircit immédiatement. Les feuilles craquèrent, puis s’effondrèrent en particules grises.
Takuya resta immobile.
Il observait.
L’air vibrait encore. Une odeur métallique flotta brièvement.
> CAINE :
« Température maximale à l’impact : 504°C
Durée de dissipation thermique : 8,1 secondes
Forme d’onde : sphérique, expansion homogène
Rayon de destruction efficace : 4,6 mètres »
Il s’autorisa une inspiration complète.
Mais à mi-chemin, ses jambes fléchirent.
Il mit un genou à terre.
Pas de douleur brutale. Juste une sensation de vide.
Le noyau n’émettait plus rien. Son flux de mana était quasiment à sec.
> CAINE :
« Réserve de mana : 7 %
Flux interrompu automatiquement pour prévenir l’épuisement total.
Risque d’arrêt respiratoire évité de justesse.
Reproduction non recommandée.
Capacité actuelle : une seule sphère de ce type par cycle complet. »
Il resta à genoux, front bas, main gauche sur la cuisse.
Le sol sous ses doigts était tiède.
Il analysait.
Pas sa fatigue.
Le résultat.
La sphère avait été maintenue en vol.
Le symbole ne s’était pas dissous pendant le mouvement.
La température finale était équivalente à celle de la flaque.
L’onde de vapeur avait été propre, concentrée, maîtrisée.
Mais le coût…
— Je ne peux en faire qu’une, c’est ça ?
> « Affirmatif. Une seule.
Au-delà, votre noyau entre en phase de régénération critique.
Risque de surcharge ou d’implosion. »
Il ne répondit pas.
Il se redressa lentement.
Ses jambes tremblaient légèrement. Son rythme cardiaque s’était accéléré, mais sans s’emballer. Il contrôlait encore.
Il leva les yeux vers la zone d’impact.
Des particules flottaient encore dans l’air, doucement dispersées par les remous thermiques. Le sol était noir, fissuré. Si une cible avait été là, elle aurait été incinérée à moins de deux mètres.
Pas désintégrée.
Brûlée.
Efficace.
Mais... trop coûteux.
Il nota mentalement :
> “Arme validée. Densité thermique conservée. Stabilité de vol acquise.
Rendement énergétique : mauvais.
Objectif suivant : réduction de la charge nécessaire.”
Ce n’était pas la puissance qui manquait.
C’était l’endurance.
Il avait produit une seule sphère.
Et cela avait suffi à vider presque tout son réservoir.
Il savait ce qu’il devait faire maintenant.
Pas créer plus fort.
Créer plus léger.
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Takuya s’était éloigné lentement du point d’impact, le pas stable mais lent, la respiration courte et silencieuse. Il ne courbait pas l’échine — pas par orgueil, mais parce qu’il savait que le moindre mouvement désaligné risquait de briser l’équilibre encore fragile qu’il maintenait.
Il s’installa contre une pierre basse, non pour méditer, non pour observer, mais simplement pour ne pas chuter. Le dos appuyé au bloc, les jambes relâchées devant lui, il ferma les yeux une seconde.
Il ne portait plus rien au-dessus de la ceinture.
La tunique avait cédé, mangée par la chaleur, puis achevée par la surcharge énergétique. Il n’en restait que quelques fils carbonisés accrochés à sa ceinture. Son torse était rougi par endroits, une bande plus foncée marquait l’épaule droite. Sa peau ne saignait pas. Mais elle portait les marques de la combustion indirecte.
Il ne ressentait ni honte, ni inconfort.
Ce n’était pas un échec.
C’était un coût.
Et il était acceptable.
Il ouvrit lentement son carnet, un coin recroquevillé par l’humidité condensée, une trace de suie sur la couverture. Il posa la main dessus. Une seconde.
Puis il écrivit, sans pause :
> Test validé.
Sphère lancée avec symbole actif.
Rupture déclenchée.
Onde thermique confirmée.
Température à l’impact : 504°C.
Rayon d’effet utile : 4,6 m.
Forme stable jusqu’à contact.
Détonation contrôlée.
Dispersion thermique homogène.
Il s’arrêta. Fit tourner le crayon une fois dans ses doigts.
> CAINE :
« Mana restant : 6,8 %.
Densité corporelle : réduite de 22 %.
Canalisation inactive.
État de stabilisation : maintenu.
Recommandation : arrêt immédiat des activités magiques. »
Il inspira par le nez. Lentement.
— Capacité de lancement actuel ?
> « Une seule sphère par cycle complet.
Toute tentative supplémentaire sans récupération déclencherait une surcharge critique.
Risque de rupture interne estimé à 72 %. »
Il nota en silence :
> Consommation = 91 % de la réserve.
Trop élevé.
Non exploitable en combat répétitif.
Arme fonctionnelle, mais non viable en série.
Il referma doucement le carnet. L’air du soir commençait à s’adoucir, glissant sur sa peau nue avec une fraîcheur presque gênante après les brûlures internes. Il se pencha légèrement vers l’avant, bras appuyés sur ses genoux.
Son cœur battait encore vite. Mais régulièrement.
Pas d’emballement.
Pas de choc thermique.
Son noyau avait tenu.
Mais il était au bout.
Il ne s’était pas effondré parce qu’il avait percé au bon moment. Parce qu’il avait tout contenu. Parce que son flux interne s’était réorganisé de force pour survivre. Pas grâce à une technique. Pas grâce à un miracle.
Grâce à sa capacité d’adaptation.
Et maintenant que l’effet était confirmé, il n’avait plus rien à ajouter.
Tout ce qui restait à faire, c’était réduire le coût.
Il rouvrit une autre section du carnet, celle dédiée aux axes de travail. Il écrivit plus lentement :
> Prochaine phase de travail :
– Réduction du volume d’eau.
– Simplification du symbole.
– Test de rendement sur sphères plus petites.
– Objectif court terme : 2 sphères / cycle.
– Objectif long terme : système modulaire.
– Alternative : symboles partiels / charges différées.
– Contrôle en mouvement.
Il resta là un moment, à fixer l’écriture.
Il n’y avait rien à célébrer.
Pas de victoire.
Juste un travail en cours.
> CAINE :
« Statut interne : stabilisation post-fracture maintenue.
Régénération passive enclenchée.
Temps estimé pour récupération complète : 3 heures 04 minutes.
Corps fonctionnel. Vigilance recommandée. »
Il ferma le carnet. Le rangea dans une poche déchirée encore utilisable. Puis se redressa lentement.
Ses muscles protestèrent, mais obéirent.
Il se remit debout, torse découvert, peau marquée, les bras toujours lourds, les jambes endolories.
Il tourna la tête vers la zone noire, encore chaude.
Le test était terminé.
Il avait une arme.
Pas encore une technique de combat.
Mais un outil.
Et il savait exactement ce qu’il allait devoir faire pour le rendre utile en situation réelle.
Il se remit en marche.
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