Talonné par Célestine et Églantine, Renaud partit dans le jardin. Marie était toujours en pleine discussion avec Lisa Nordet, avec qui elle s’entendait à merveille. Mais quand elle vit arriver les fées, elle comprit. Son père avait quelque chose à lui dire.

À son tour, elle réprima un sanglot. Son père allait partir, pour de bon cette fois. Cette fois, elle eut l’occasion de dire à son père qu’elle l’aimait et qu’elle était fière de lui.

– Moi aussi, je suis fier de toi, ma fille. Tu grandis avec de belles valeurs, et je sais que tu seras bien entourée pour qu'elles donnent tout leur potentiel.

– Je ne te reverrai plus, cette fois… Pas vrai ?

– J’ai passé assez de temps sur terre, ma chérie… Il est temps que je goûte vraiment au repos éternel.

Sur ces mots, Marie fondit en larmes.

– Célestine te l’avait dit, Marie…

– Oui… Je pensais être prête… Mais je crois que j’avais tort.

– Non… C’est normal que ça te fasse un peu mal. Mais ça va passer, ne t’en fais pas.

– Je ne t’oublierai jamais, mon papa !

– Je sais, ma puce. C’est pour ça que je ne serai jamais complètement parti pour toi.

La jeune fille tenta de serrer son père dans ses bras, sans succès. On ne pouvait toujours pas étreindre un fantôme. Lasse, elle se tourna vers Célestine, et se laissa aller à pleurer dans ses bras.

– Allons, allons, mon p’tit chou. Je vous l’avais dit que ça finirait comme ça. Et c’était ce qui pouvait arriver de mieux à votre papa. C’est le paradis qui l’attend, si tout va bien.

– Oui… Je sais… répondit-elle entre deux sanglots. J’espère que Saint-Pierre sera sympa avec lui.

– Oh, il le sera, j’en suis sûre.

Marie, serra de plus belle Célestine dans ses bras. La fée fut presque embarrassée, mais glissa sa main dans ses cheveux et posa l’autre sur son dos.

– Est-ce qu’on se reverra ? Demanda la jeune fille.

– Ça ne tient qu’à vous, mon p’tit chou, vous avez toujours ma carte de visite, non ?

Marie opina du chef.

– Alors appelez-moi quand vous voudrez. Il y aura toujours du thé et des scones pour vous, et Mélusine sera ravie que quelqu’un joue avec elle. Appelez-moi, et l’appartement ne sera jamais en mode absent pour vous.

Après ces adieux, Renaud put enfin partir. L’un des anges à la suite de Saint-Pierre vint le chercher. Le gardien du Paradis avait suivi avec intérêt ce qui s’était passé. Il y avait un peu trop de surnaturel à son goût. Mais si on se basait sur le résultat final, il y avait une entreprise qui allait prendre un nouveau tour, plus éthique, plus soucieux du sort du monde. Il y avait aussi un homme à la vie détruite, qui allait pouvoir se reconstruire, avec beaucoup plus que ce qu’il avait auparavant.

Enfin, il y avait une veuve et sa fille, qui avaient enfin eu la vérité sur la mort d’un homme qui leur était cher. Et elle l’avaient obtenue avec son concours.

Renaud partait dans l’au-delà l’esprit tranquille. La dernière image qu’on retiendrait de lui était celle d’un homme qui avait fait des erreurs, mais qui s’était racheté.

Saint-Pierre, face à cette âme qui avait évolué, même par-delà la mort, accepta donc de bon cœur de le laisser entrer au Paradis tant espéré. De là, il continuerait de voir sa femme et sa fille, vivre, rendre le monde meilleur, vivre des vies riches et heureuses, en attendant le jour où elles le rejoindraient.

Il eut aussi une pensée pour Célestine et sa fille, ces drôles de femmes, ces fées, capables de communiquer avec les fantômes. Parfois, quand il pensait à elles, il avait l’impression qu’elles lui répondaient. Il se sentait infiniment reconnaissant envers elles, sans qui rien n’eût été possible.