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— Le programme est prêt, dit Miako. H moins cinq minutes.

Pradip opina tout en tripotant nerveusement un stylo. Il n’était pas rentré chez lui et grimaçait chaque fois qu’il bougeait, incommodé par sa propre odeur. Il desserra sa cravate pour mieux respirer. Kurosawa ferma les yeux dans l’espoir de récupérer un peu de sommeil perdu.

Le compte à rebours défilait inexorablement, l’angoisse et l’épuisement déformaient les visages, l’atmosphère évoquait une étuve. Contrôle n’était que cernes, chemises froissées et vestiges de sandwich odorants.

Le programme de réponse avait été conçu au pas de charge en deux jours, deux jours au cours desquels les sursauts avaient eu lieu de nouveau, dans des mêmes conditions.

Pradip avait reçu plusieurs messages courroucés de Juliette, le menaçant de divorce. Il s’en fichait. Il réalisait subitement que leur couple était mort. Il avait aimé sa femme. Profondément. Ils avaient eu deux beaux enfants, une vie riche et harmonieuse. Puis, le projet TerraWatt avait tout balayé et plus rien ni personne n’avait compté. Se savoir à la veille d’une découverte fondamentale rendait dérisoire la perspective d’une séparation.

— J’espère que ça va marcher…, dit-il à voix basse, pour que seule la jeune ingénieure l’entende.

Elle ouvrit les yeux et sourit. Comme toujours.

Elle avait les cheveux en bataille et les yeux rouges d’avoir trop fixé les écrans. Une fine pellicule de sueur recouvrait son visage.

— S’il y a un nouveau sursaut, répondit Miako, cinq groupes de dix mille sunsats changeront d’orbite de manière synchronisée. Les intervalles de déclenchement sont programmés pour se produire toutes les treize secondes. Un groupe de dix mille, suivi d’un autre et ainsi de suite. Tous les sunsats reviendront à leur emplacement d’origine une fois le show terminé.

Pradip opina d’un air renfrogné.

Une minute.

— Et si rien ne se passe, que ferons-nous ?, dit-il.

— Alors, nous devrons rallumer et réfléchir à une autre expérience. Peut-être envoyer un signal vers le soleil. Et, nous devrons analyser le comportement individuel de douze millions d’appareils. Nous perdrons deux ou trois ans sur le calendrier.

— Et le consortium TerraWatt perdra des milliards, murmura le professeur.

Miako haussa les épaules. Elle se fichait éperdument des milliards du consortium.

L’écran s’anima soudain, neuf minutes plus tôt, et pour le sixième jour consécutif, le soleil avait joué les troubles fêtes dans la mécanique bien huilée de l’essaim.

L’algorithme avait activé les changements d’orbites. Des paquets de données transitaient depuis les sunsats.

Neuf minutes de décalage avec le soleil, songea Pradip. C’est le temps qu’il fallait à la lumière pour voyager depuis l’étoile jusqu’à la Terre. Des millions d’instruments étaient braqués sur l’astre, enregistrant les données et les faisant transiter par liaison laser au travers des relais positionnés sur le chemin. Une fois reçues, les ordinateurs les analysaient avant d’en livrer une synthèse.

TerraWatt avait accepté de mettre à disposition un superordinateur quantique supplémentaire pour traiter la masse d’informations additionnelles.

— On a quelque chose…, dit Miako.

Son visage était un mélange d’excitation et d’incrédulité.

Pradip consulta le compte à rebours. La réponse parvenait tout juste une minute après les changements d’orbite. C’était bien trop rapide. La panne était forcément matérielle, se dit-il.

— Ok. Affichez-moi ça sur l’écran général.

Les fenêtres de diagnostic s’effacèrent et furent remplacées par une courbe de production.

Cinquante mille sunsats — précisément ceux qui avaient changé d’orbites — avaient enregistré une récolte de 1,618033 mégawatt au même instant, alors qu’ils répondaient au sursaut.

Le nombre d’or.

Un frisson de terreur parcouru le corps de Pradip. Des exclamations de joie et de surprise s’envolèrent partout dans la salle.

Miako se jeta dans ses bras et l’étreignit en poussant des cris joyeux.

Le soleil avait répondu.

Et, la chaleur du corps de la jeune femme contre le sien le troublait plus que de raison.

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