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L’Icare était une navette logistique banale, modifiée pour accueillir la chambre de confinement dans laquelle se trouvait Miako.
Elle avait la forme d’une toupie afin de toujours présenter son bouclier thermique au soleil. Seuls quelques réservoirs d’azote liquide lui avaient été ajoutés pour parfaire le refroidissement.
Il lui faudrait trois semaines de voyage pour rejoindre sa destination. L’accélération durerait deux semaines. À ce moment, Pradip gagnerait la nacelle de secours et éjecterait la chambre de Miako en direction du point de transfert. L’Icare, bardé de capteur, poursuivrait sa chute en direction du point chaud.
Le professeur serait récupéré par un patrouilleur lointain, assisté par cinq cents drones, tous reprogrammés pour pouvoir lui porter secours dans une zone de plusieurs millions de kilomètres cubes.
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Il s’équipa lentement, méthodiquement, un œil sur les constantes vitales de Miako. Il sortit de sa chambre salua les techniciens qui l’entouraient et s’engagea dans le couloir d’accès.
Une équipe l’attendait pour l’aider à revêtir sa combinaison de vol thermorésistante. Il fut ensuite escorté jusqu’au sas de la zone blanche. Stanislas l’observait de l’autre côté d’un hublot. Le fonctionnaire opina de manière presque chaleureuse.
Pradip pénétra dans la navette, referma le sas derrière lui et se rendit jusqu’au poste de pilotage où il procéda à la liste de vérifications.
Carburant. Intelligence Artificielle. Trajectoire et navigation. Batteries IPAx. Vivres. Recyclage. Échangeurs thermiques. Explosifs à antimatière. Confinement du réacteur. Radar de radiation. État du blindage.
La liste continuait pendant une dizaine de pages. Une intelligence artificielle se chargerait de l’ensemble des manœuvres de pilotage, mais les procédures imposaient une validation humaine au moment du décollage.
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L’Icare s’ébranla quand les amarres magnétiques se relâchèrent. Les boosters de manœuvre placèrent l’engin sur sa trajectoire et produisirent une première poussée afin de l’éloigner de la station lunaire. Quand la navette franchit la limite de libération, les réacteurs à plasma s’allumèrent.
Un frisson de terreur traversa Pradip. Chaque seconde qui passait l’éloignait de plusieurs milliers de kilomètres de la biosphère qui l’avait vu naître, de ses enfants, de ses proches. Son corps n’était désormais protégé du vide et de ses dangers que par un blindage dans lequel il ne pouvait pas se résoudre à avoir confiance malgré ses connaissances scientifiques.
Il chercha sa cravate, geste machinal qui lui permettait de conjurer son anxiété. Il ne la trouva pas. Ses mains se mirent à trembler.
Le professeur Singh sortait de sa zone de confort pour accomplir les dernières volontés de son amante, de vingt ans sa cadette.
Et cela le remplissait de fierté et d’effroi.
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