1.4

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La larve, maladroite et pataude, traversa les terres mortes en semant des larmes sur son passage.

 Je suis excitée comme une puce !

 Hier, l’annonce de notre départ m’avait mis un coup au moral. Quitter Denbros, et surtout nos deux amis batraciens, me désolait. J’ai eu du mal à me concentrer lors de l’entrainement du soir avec Bertelot. Dain et moi n’avons guère brillé alors que nous avions si bien manipulé notre flamme intérieure quelques heures avant, en compagnie de Symon. Il faut croire que nous n’étions plus d’humeur.

 Mais plus tard, à l’heure du Hérisson, alors que Ioco contait une histoire, notre instructeur préféré s’est glissé jusqu’à nous. Il nous a expliqué le cas de Ferine et nous a demandé de l’aider à veiller sur elle. Nous ! Dain et moi ! Alors que nous sommes encore si jeunes, que nous ne sommes même pas des Trappeurs ! J’en frémis encore de fierté.

 Je n’ai pas pu m’empêcher d’en parler à ma mère. Non, pardon, de m’en vanter allégrement auprès de ma maman. Elle a beaucoup ri de mes réactions et de mon enthousiasme. Elle m’a encouragée aussi. Elle me dit tout le temps qu’elle est fière de moi. C’est que j’en rougirais presque plus que lorsque Symon me complimente.

 Il faut dire que ma maman, ce n’est pas n’importe qui. Le père de Symon est peut-être le chef des Souris de Tanière, mais elle, c’est la Commandante des Trappeurs. Si elle se montre douce et aimante avec moi, je l’ai déjà vue se battre comme une véritable furie. Le feu qui se dégage de son corps embrase sa Ronce comme un incendie. Elle a vaincu bien des Fourmis, mais aussi des Mantes ou des Araignées. Je l’ai déjà vue se battre une fois en duel contre d’autres Souris et pas une n’est parvenue à lui poser difficulté. Je suis très fière d’avoir une maman aussi redoutable. Alors si je peux m’illustrer, moi aussi, je ferai tout mon possible pour me montrer digne de ses exploits.

 Notre voyage reprend aujourd’hui. Denbros aura été une pause bienvenue, même si trop courte. Avant de rejoindre Dain et Symon auprès de Ferine, je tiens à embrasser ma mère pour la journée. Vu son statut, elle mène la marche auprès de Goscelin, comme une garde rapprochée. Avant de me laisser partir, elle me rend mon accolade et réajuste le nœud pourpre autour de mon cou. C’est le dernier cadeau que papa m’a fait. C’était quelques jours avant que Tanière ne soit détruite.

 Je fonce à l’arrière du groupe. Ferine s’est trouvé un bâton pour l’aider à marcher dans son état. Son ventre n’a cessé de s’arrondir depuis quelques jours. Intérieurement, je me pose des tas de questions ! J’ignore tout du miracle de la vie. Maman esquive toujours le sujet. Mais mieux vaut ne pas trop poser de questions à notre protégée du jour. La perte de son époux est encore trop récente.

 Ce sera la première naissance depuis que nous sommes en voyage. Les autres enfants étaient de tout jeunes souriceaux au moment de la catastrophe. Eux ne s’en souviennent même pas, d’ailleurs, contrairement à Dain et moi. Je me demande si ce sera un garçon ou une fille. Est-ce que les adultes peuvent choisir ?

 Nous avançons lentement, aujourd’hui. S’ils n’en disent rien, le reste du groupe reste solidaire envers Ferine. Lorsqu’ils nous distancent de trop, ils s’arrêtent pour nous attendre, et patientent même un peu plus afin qu’elle puisse reprendre son souffle, elle aussi. Seuls les plus jeunes s’en plaignent, trop impatients. Je remarque aussi que Goscelin jette des regards courroucés vers elle, mais il garde ses reproches pour lui. Parfois, un adulte vient nous tenir compagnie pendant un moment.

 Les heures s’enchainent sans trop d’encombre. Nous déambulons à travers les herbes hautes et les roseaux qui bordent la Mare Cage. La Phalène laisse place à l’Ecureuil, puis à la Fourmi, sans aucun fait notable. À l’arrière, en tout cas. À l’heure du Triton, nous faisons une pause plus importante afin de casser la graine. Littéralement. Ces derniers jours, les Trappeurs ont fait de bonnes réserves de tournesol dans lesquelles nous pouvons puiser.

 D’ordinaire, nous profitons de l’heure du Serpent pour nous reposer. Aujourd’hui, Goscelin insiste pour que nous continuions notre traversée des marais. La proposition ne ravit pas tout le monde. Même Alastair, notre prêtre, manifeste comme il peut sa désapprobation. Mais rien n’y fait, le chef nous entraine dans sa suite.

 Comme pour marquer notre désapprobation, le rythme de tout le monde ralentit, forçant Goscelin à faire de même. Symon ne veut pas laisser Ferine derrière, et le chef ne veut pas laisser son fils trop loin de lui non plus. Alors nous avançons, certes, mais à vitesse de limaçon.

 Uune araignée vient à notre rencontre un peu plus tard. A-t-elle senti que l’une des nôtres était en détresse ? Symon et deux autres Trappeurs ne la laissent pas approcher. Sous la menace de leurs Ronces enflammées, elle prend la poudre d’escampette rapidement. Pendant ce temps, Dain et moi faisons barrage de nos petits corps pour protéger Ferine. Inquiète, Echo décide de poursuivre l’araignée pour s’assurer qu’elle ne revienne pas à la charge. Ioco essaie de l’en empêcher, mais elle fonce tête baissée et disparait dans les herbes hautes, sa Ronce dressée et enflammée.

 Quand pointe l’heure du Lièvre, nous n’avons toujours pas de nouvelles d’Echo. Personne n’en parle, mais tout le monde pense la même chose. Nous ne la reverrons plus.

 Sa disparition affecte énormément Ferine. Elle est en larmes et pleurniche, se rejetant la faute. Nous faisons de notre mieux pour la consoler. Mais un vrombissement étrange finit par détourner notre attention. Quand nous comprenons enfin de quoi il s’agit, il est déjà trop tard.

 Des libellules nous attaquent.



(En attendant de trouver un moyen de vous les présenter de manière efficace, voici une horloge représentant les 12 Bêtes Divines.

https://ibb.co/M5RRjf8v (Copier coller dans votre navigateur) 

Chaque Bête Divine est associée à 2h de temps irl. La journée commence avec l'heure de la Phalène, de 5 à 7h du matin, se poursuit avec l'heure de l'Ecureuil, de 7h à 9h etc. Des 17 à 19h, on passe à l'heure du loup, puis à l'heure du Hérisson etc. jusqu'à l'Heure de la Fouine. 
Les illustrations utilisées viennent du jeu de cartes Magic The Gathering)

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