Chapitre 24

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Le navire s’était amarré dans l’une des criques de l’île. Tandis que les hommes se préparaient à mettre pied à terre, Earl observait les traits de l’îlot. La montagne qui se dessinait devant eux était tellement haute que le garçon n’en vit pas sa crête, une jungle luxuriante la recouvrait telle une couverture de végétation dense. D’innombrables falaises se jetaient à la mer, empêchant quiconque de fouler le sable. À l’exception d’une petite plage que le capitaine semblait avoir ciblée pour descendre sur l’île.

Les subrécargues avaient mis à l’eau un canot pour permettre à un petit groupe de gagner la côte. Le capitaine en fit partie, ainsi que son protégé et deux marins expérimenter. L’un d’eux allait rester sur la plage pour surveiller l’embarcation, les trois autres s’aventureraient à travers la forêt pour rejoindre le village d’Anouk.

Le phénix fut le premier à descendre dans l’embarcation et aida le garçon à le rejoindre sans encombre. Une fois sur l’eau, les deux marins commencèrent à ramer, s’éloignant lentement du navire. Le capitaine avait donner son commandement à son second et son quartier-maître, ils savaient quoi faire : attendre l’autorisation de mettre pied à terre eux aussi. Sans cela, ils étaient obligés d’attendre sur le Phoenix le retour de leur capitaine.

Une fois le petit groupe arriver sur la plage, le subrécargue resta proche de la barque pour y attendre le retour de son supérieur. Le garçon se permit d’examiner la jungle qui se dressait devant eux alors que le capitaine donnait ses ordres à ses deux hommes.

Le chant des mouettes fut remplacé par ceux d’oiseaux exotiques et de cri de singes hurleur. Étrangement, il n’était pas inquiet à l’idée d’entrée dans une forêt inconnue. Intérieurement, il se sentait en sécurité, non pas à cause de la présence d’Arawn, mais grâce à une force invisible qui l’attirait vers les profondeurs de l’île.

— Earl.

Une main se posa sur son épaule, le sortant de sa contemplation. Le pirate le fixa un instant, examinant l’état de son protégé, avant d’amorcer le pas pour entrer dans la jungle. Après avoir poussé quelques grandes feuilles de leur passage, Earl vit un chemin déjà tracer à travers la végétation, comme si elle avait été empruntée de nombreuses fois dans le passé.

Il ne leur fallut pas longtemps avant d’arriver à un cul-de-sac. Un grand mur rocheux recouvert de lianes les empêchait d’avancer davantage. Le jeune homme se retourna vers le chemin déjà parcouru et frissonna. Un courant d’air caressa la cime des arbres et courut jusqu’à ses oreilles, lui apportant un chuchotement lointain.

Earl…

Son corps se figea. Cette voix. Il en était sûr, c’était cette voix qu’il avait entendue sur le pont du navire.

Viens à moi…

— Earl, tout va bien ?

Il sursauta à la voix du capitaine. Ce dernier se tenait devant lui, le regard inquiet. Le garçon ni fit que hocher la tête en signe de réponse.

— Comment allons-nous continuer ? demanda Earl en essayant d’oublier cette voix.

— En passant par ici.

Le pirate souleva un amas de lianes qui cachait un passage dans la roche. Un tunnel creuser à travers le flan de la montagne et semblait mener de l’autre côté de l’île. L’enfant n’hésita pas une seconde et entra dans la fissure, suivie du capitaine et du canonnier. Les parois étaient serrées et humides, même s’il n’y avait aucun moyen de s’éclairer, Earl y voyait clair. Comme si son corps connaissait les lieux et le guidait par habitude. Quelques minutes plus tard, il finit par arriver à destination. Il se retrouva en haut d’une colline face au village d’Anouk, et fut bouche bée.

Il se trouvait dans une grande crique de l’île, entourée de falaise et de végétation, à l’abri des regards. Ils s’aventurèrent dans les rues de la cité, ce qui permit à Earl d’observer les nombreuses habitations qui s’y trouvaient. Certaines étaient faites de bois de récupérations, sans doute sur d’anciens navires ; d’autres étaient construites en pierre rouge, plus robuste.

Malgré la civilisation qui avait établi son campement ici, il remarqua la présence de deux pubs, d’une taverne et d’un bordel. Il y avait aussi des marchands d’armes, de poissons ou de boissons. Plus loin sur la plage, il observa un petit port de fortune ou se trouvait amarrer trois bateaux de pêche et un galion.

Arawn semblait savoir où ils devaient aller, car il ne fit aucunement attention aux regards surpris et curieux que certaines personnes leur lançaient. Il alla directement voir le marchand d’armes et s’arrêta à son échoppe pour discuter.

— Mais qui voilà ! s’exclama l’inconnu en levant les bras au ciel. Le seul et l’unique phénix de Manhal !

— Heureux de te revoir aussi, Toma.

— Quel bon vent amène ce légendaire capitaine à nos portes ?

— Est-ce que Wig est dans les parages ?

La question du pirate sembla geler le marchand qui perdit son grand sourire.

— Il est toujours au manoir. Je pensais que tu viendrais pour une autre raison, vu ce qu’il s’est passé la dernière fois.

— C’est de l’histoire ancienne.

— Pas pour lui.

Le regard du marchand s’orienta vers les deux marins qui accompagnaient son interlocuteur, et ses yeux s’arrêtèrent sur le jeune garçon.

— Oh. Je vois. Tu lui ramènes son fils ?

— Occupe-toi de tes oignons, avant que je ne m’énerve.

— Tu sais très bien qu’aucune de tes menaces ne fonctionnera ici.

Les deux hommes se toisaient du regard avant que le capitaine ne se détourne et reprenne sa route.

— C’est toujours un plaisir de discuter avec toi Arawn !

Earl ne comprit pas du tout la réaction des deux hommes, mais il se doutait qu’il en été une nouvelle fois la cause. Il ne savait pas ou le pirate les emmenait, il le suivit simplement et machinalement. Il examina les environs et s’arrêta net à côté d’un bâtiment.

— Ouah…

Ses yeux fixaient deux personnes à côté d’un cocotier. L’une était assise, l’autre debout. Elles semblaient normales, hormis un détail ou deux. Premièrement : la couleur de leur peau était étrangement dorée. Deuxièmement : leurs membres semblaient anormalement longs, que ce soit les bras ou les jambes. D’ailleurs leurs jambes n’étaient pas normales. Ils étaient digitigrades, un peu comme les pattes arrière d’un chat. Très grande et étrangement axés, mais qui semblait leur permettre d’atteindre la cime des arbres moyens.

— Ce sont des hybrides.

Arawn se tenait dans son dos et regardait le duo face à eux.

— Entre humains et…?

— Personne ne le sait. Mais on les appelle communément des Cangra. Ils vivent ici en harmonie avec le reste des habitants. Ils ne sont pas traités comme des monstres à exterminer.

Les Cangras en question tournèrent leurs têtes vers le trio qui les observait, intrigué. Le capitaine hocha la tête en signe de politesse et le duo en fit de même avant de rejoindre un bâtiment.

— C’est impressionnant.

— Et encore, tu n’as pas rencontré le plus extraordinaire de tous.

— Wig ?

Arawn regarda son protégé dans les yeux et lui sourit. Il ne fut pas étonné de sa mémoire, et du rapprochement qu’il avait fait aussi rapidement. Le capitaine ne lui répondit rien et continua sa route vers le haut d’une falaise qui surplombait la crique. Là, le garçon remarqua la présence d’un vieux manoir qui devait autrefois appartenir à la couronne.

— Ce n’est quand même pas ici qu’il habite, si ?

Toujours aucune réponse. Le pirate semblait se taire dans le mystère qu’apportait ce lieu. Cela ne dérangea pas le Mannred, mais l’appréhension gagna vite son corps lorsqu’ils franchirent les marches menant au porche. Alors qu’il s’attendait à voir le capitaine frapper, ce dernier prit simplement la peine de pousser la porte et d’entrer.

Earl entra lentement dans le bâtiment et fut surpris de ce qu’il y vit. La pièce principale était sombre, les murs étaient recouverts de carte et de papier en tout genre, le sol de tapis en peaux de bête de plusieurs espèces exotiques. La grande table au centre de la pièce n’était pas épargnée du capharnaüm de documents qui coulait jusqu’au sol. D’innombrables bougies étaient allumées sur des buffets, chandeliers ou directement sur le parquet.

Lorsqu’il tourna la tête, il fit face à une immense bibliothèque contenant des fioles de toutes tailles, renfermant bien des choses. Il ne préféra pas lire les étiquettes qui les habillaient, rien que l’œil qui flottait dans l’eau cramoisie lui donna la nausée.

Des ossements étaient suspendus au plafond et pendouillaient un peu partout. Des crânes étaient entreposés sur les murs ou dans un coin de la salle. Ils s’aventuraient dans une autre pièce à vivre, et le même spectacle s’offrit à eux. De grandes bibliothèques habillaient les murs, des rideaux déchirés recouvraient les fenêtres. Des bouquets d’herbes étaient attachés à des barres en métal.

Encore une pièce et toujours la même chose. Le pirate semblait chercher le propriétaire des lieux dans chaque pièce, mais ce dernier semblait absent. Alors qu’ils s’aventuraient dans une nouvelle salle identique aux autres, Earl fut surpris d’une chose. Malgré les différents types d’objets en tout genre, qui se trouvait à côté de lui ; ossements, herbes, bougies, tapisseries, etc. ; il fut surpris de sentir un doux parfum embaumé la bâtisse.

— De la cannelle.

— Quoi ? lui demanda le canonnier qui n’avait encore rien dit depuis leurs départs du navire.

— Ça sent la cannelle.

— C’est qu’il n’est pas très loin, répondit Arawn en se tournant vers eux. Wig, cesse de jouer et montre-toi.

Une ombre fit son apparition dans le dos des deux matelots. Une respiration s’échoua au creux de leurs nuques, les faisant sursauter. Tandis que Wynric se tourna, son épée en main, Earl fonça sur le capitaine pour chercher protection. Alors que la main du phénix se posait dans son dos, son regard fixa la silhouette qui leur faisait maintenant face.

Il vit un homme de grande taille aux cheveux courts d’un noir absolu, à la peau recouverte de cicatrice en tout genre, et un regard ténébreux. Il portait une vieille chemise crasseuse et un pantalon marron. Ses mains étaient habillées de bagues et de bracelets en tout genre, de cuir, d’argent ou d’or. Mais ses yeux ne quittèrent pas ceux du phénix.

Le silence qui régnait dans la pièce ne rassura pas le garçon qui chercha une explication en levant la tête vers son sauveur. Cependant, ce dernier resta fixer sur l’homme qui leur faisait face. Ce fut d’ailleurs l’inconnu qui brisa le silence en prononçant une phrase qui glaça le sens du garçon.

— Ça faisait longtemps, assassin.

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