Chapitre 25

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— Heureux également, même si j’avais aimé un accueil plus chaleureux.

— Comment pourrais-je accueillir à bras ouvert un meurtrier ?

Les deux hommes se fusillaient du regard. Earl recula dans un coin de la pièce, loin d’eux. Il les observait sans trop savoir quoi faire. Wynric avait toujours son épée en main, celle d’Arawn était rangée dans son fourreau, mais son propriétaire était prêt à la dégêner. Le garçon ne comprenait pas pourquoi cet homme, qui était censé les aider, surnommait le phénix d’assassin. Qui avait-il tué ? Les sombres iris de Wig se posèrent sur sa personne, et le firent frémir de peur. Il avait déjà vu ce regard quelque part, et il pensait ne plus jamais avoir affaire à eux.

— Tu oses ramener son rejeton ici ?

Sa voix était menaçante, mais le phénix ne fléchit pas.

— Je suis venu ici chercher ton aide, pas ta rancœur.

— Tu n’obtiendras rien de moi. Surtout pas pour lui.

— Wig, pourrait-on oublier le passé et se concentrer sur-

— Oublier le passé ?!

Un courant d’air éteignit toutes les bougies. L’enfant recula de nouveau dans le fond de la pièce. Ses doigts effleuraient le bois d’une commode et quelques objets s’y trouvant. Il s’agissait de pièce de différente monnaie, de bracelet de coquillages ou de pierre, et des morceaux de tissu.

Des étoffes ?

Il dégagea l’une d’elle et fut stupéfait. Les éclats de voix à ses côtés le ramenèrent à confrontation qui avait lieu dans la pièce, mais sa découverte lui permis de comprendre un peu plus.

— Comment veux-tu que j’oublie le passé ? Je vis depuis si longtemps que je ne compte plus les aurores et les crépuscules qui se sont écoulés à l’horizon, les visages qui ont croisé ma route et qui ont péri. Je ne me rappelle plus des premières personnes qui n’ont fait partie de mon équipage, ni des dernières. Je ne cesse d’essayer de ramener ces souvenirs dans mon crâne en vain, et tu me demandes d’oublier !?

— Le passé n’est plus, il faut se tourner vers l’avenir.

— Et tu arrives à faire face à son fils avec ces balivernes ?!

Earl le savait. Il savait que le capitaine connaissait sa mère, mais cet homme aussi ? Alors, le meurtre qu’aurait commis son sauveur serait celui de… sa mère ? Impossible. Pour quelles raisons ? Après tout, il ne connaissait pas les liens scellés entre sa défunte mère et ce pirate.

— Ce n’est pas la même chose, déclara Arawn

— Vraiment ? Alors tu lui as tout raconté et il a accepté tes paroles ?

— Non, et il n’a pas besoin de savoir-

— Que quoi ? Que nous connaissions sa mère ? Cette chère Sibel ? Et que tu as mis fin à ses jours sans remords ?!

— Ce n’est pas ça !

— Assez !

Earl hurla dans la pièce, rapportant l’attention sur sa personne. Les flammes s’étaient rallumées et les verres d’eau éclatés. Le garçon se tenait droit, le regard sombre, la respiration calme, mais les mains contractées autour de morceaux de tissus.

— J’en ai assez. Assez de vos belles paroles et de vos balivernes. De vos mensonges et vos secrets. Je veux savoir, j’ai le droit de savoir. Que s’est-il passé avec ma mère. Qui êtes-vous pour elle, et pour moi.

Sa voix était devenue froide, elle avait perdu toute joie qui d’ordinaire était bien présente. Il était fatigué qu’on lui cache des choses importantes sur lui et sa famille. Il méritait de savoir ce qu’il s’était passé dans son enfance, pourquoi ont lui avait arracher sa mère ? Pourquoi ont l’avait traité comme un monstre après cela ? Et pourquoi on l’avait condamné à mort pour des pouvoirs qui ne lui appartenaient même pas.

Alors qu’il s’attendait à une réponse du phénix comme à son habitude, il fut coupé par leur hôte qui prit la parole.

— Tu mère était une habitante de cette île. Elle avait toujours vécu ici, reclus du monde extérieur, mais à l’abri des chasseurs de trésors, matériel comme humain, commença doucement Wig en se calmant. Dans son adolescence, elle rencontra ce mécréant qui s’était échoué sur la plage après avoir tenté de traverser les courants.

Il désigna le capitaine du coup de menton et pris place sur une chaise.

— Elle avait apporté cet avorton à ma porte en me suppliant de le soigner, ce que j’ai fait. Les jours devinrent des semaines. Puis des mois, et ces deux gamins s’étaient attachés l’un l’autre. Mais ce garçon devait repartir, alors il lui a proposé de l’emmener, et cette idiote a accepté.

Arawn baissa la tête et soupira. L’atmosphère se calma peu à peu, permettant à Wynric de ranger son arme.

— Je ne la revis que plusieurs mois après, toujours accompagné de ce crétin. Ils avaient visité le sud de Manhal, et ce rejeton s’était fait un nom en tant que nouveau capitaine d’un rafiot. Mais étonnement, il ne l’avait jamais utilisé comme objet pour ses pouvoirs de Mannred. Il la considérait comme une humaine comme les autres.

Le phénix s’appuya contre le mur dans son dos et écouta silencieusement le récit du plus vieux, comme s’il n’avait pas son mot à dire dans cette histoire.

— Des années plus tard, je le vis revenir. Sans Sibel. Ce jour-là, il était venu m’annoncer qu’elle avait été capturer des années auparavant, et qu’elle avait été unie avec un commodore désireux de son pouvoir. Il souhaitait mon aide pour la délivrer. Hors de moi, je l’ai chassé en le menaçant s’il revenait un jour sur cette île. Mais cet idiot était tenace.

— Ce jour-là, je savais qu’elle devait prendre la mer pour rejoindre Nelak, là où elle serait exécutée. Avec mon équipage, nous avons tenté de la sauver. Mais elle fut blessée lors de l’abordage.

Sa voix était sinistre. Les flammes dans les yeux du phénix semblaient s’être doucement éteintes.

— Mourante, elle m’a demandé de la ramener à sa terre natale. Je l’ai donc ramené ici. Et j’ai fini par achever ses tourments de mes propres mains, puisque la terre semblait vouloir la faire souffrir.

— C’est pour ça que vous le traitez d’assassin ?

— Elle aurait pu survivre… Les Mannred sont des êtres éternels, ils ne peuvent pas mourir aussi facilement.

— Sauf si l’océan en décide autrement, murmura le garçon.

Earl ne dit pas un mot de plus. Il assimilait ce qui venait de lui être dit. Ses mains suintèrent, humidifiant les tissus qu’il tenait.

— Vous avez dit que les Mannred sont des êtres éternels, c’est-à-dire ?

Wig tourna la tête vers lui et le jugea pendant de longues secondes.

— Tu ne sais pas qui tu es réellement petit, je me trompe ?

— C’est pour ça que je suis ici. Pour avoir des réponses.

Un soupir. Agacé ou lassé, aucune idée.

— Les Mannred sont des enfants maudits, tu le sais sans doute. Mais sais-tu pourquoi nous appelons ça une malédiction ?

— À cause de nos pouvoirs ?

L’homme secoua la tête en signe de négation.

— Nous sommes maudits par une vie éternelle. Nous sommes des fantômes, condamnés à errer sur cette terre pour l’éternité. Obligés de regarder ceux qui nous sont chers périr avec le temps. Sans la possibilité de nous donner la mort et d’abréger nos souffrances. Voilà la vraie malédiction que nous a offerte l’océan.

Une sentence pire que la mort elle-même.

— Pourquoi ? Pour quelle raison la mer ou les dieux qui nous gouvernent nous maudissent-ils ainsi ? Qu’avons-nous fait pour mériter ça ?!

— Personne ne le sait. C’est ainsi depuis la nuit des temps, et ça restera ainsi jusqu’à la fin du monde.

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