Chapitre 26

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Earl restait planté là à regarder les deux hommes se juger. Il avait encore des questions à poser, mais Wig le coupa.

— Je suis désolé petit, mais j’ai d’autres affaires qui m’attende, je ne peux pas t’aider.

— Nous nous sommes déplacés jusqu’ici pour ça et tu oses me dire que tu as autre chose à faire ?! s’emporta le capitaine

— Exactement. Je ne veux pas m’emmêler dans tes histoires de perle ou autres conneries du genre. Je t’ai déjà dit ce que j’en pensais, la discussion est close.

Le plus vieux se leva et prit quelques objets en main avant de partir dans une autre salle. Mais le phénix était tenace et le suivit.

— Tu préfères amasser des babioles plutôt qu’aider un novice dans le besoin ? Tu as bien changé depuis la dernière fois.

— La dernière fois, tu m’apportais le corps sans vie de ma fille et aujourd’hui tu reviens avec son fils ! Comment veux-tu que je lui fasse face !

Le garçon s’immobilisa alors qu’il marchait pour les rejoindre. Sa fille ? Ma mère était son enfant ? Alors… Impossible. Comment ça pouvait être possible ! En fin de compte, il ne connaissait rien de ses origines, de sa véritable famille.

— Je m’efforce de ne rien oublier, mais son visage commence déjà à disparaitre lentement de ma mémoire…

Le vieil homme se calma, une pointe de tristesse se lisait dans le timbre de sa voix. Earl s’approcha de l’encadrement de la porte tandis que Wynric restait en arrière.

— C’est pour ça que vous gardez toutes ces choses.

Il montra les étoffes qu’il avait gardées dans sa main. Des morceaux de tissu noir, parsemé de crâne, d’ossement et de dessins en tout genre. De vieux étendards de navire pirate.

— Vous gardez et stockez tous les objets susceptibles de vous rappeler le passé, pour ne jamais oublier qui que ce soit.

Wig confirma les dires du garçon.

— La seule chose que je ne peux pas garder en mémoire, ce sont leurs visages… Mais leurs noms restent gravés sur chacun de ces objets. Et je sais que, ainsi, je ne les oublierais jamais.

Il frotta entre ses doigts une boussole abîmée, donc le verre était cassé et la flèche déchire.

— C’est une malédiction. Une punition pire que la mort elle-même…

Celle de vivre éternellement en oubliant ceux qui se sont tenus à ces côtés. Earl en prit pleinement conscience lorsque son regard croisa celui d’Arawn. Il était condamné à oublier ce capitaine et son équipage. Non. Il n’oubliera pas. Jamais. Il fera en sorte de ne jamais oublier qui que ce soit. Toutes les personnes qui croiseront sa route resteront dans sa tête jusqu’à sa mort, même si cette dernière se faisait attendre.

Il déposa les pavillons détériorés sur le coin d’un buffet et soupira. Le phénix préféra quitta la pièce tandis que l’enfant s’approcha du plus vieux. Il lui fit face et lui sourit.

— Je suis venu ici pour en apprendre plus sur ma personne et mes pouvoirs. Je ne pensais pas y retrouver mon grand-père.

Sa voix était posée et patiente. La lueur d’espoir d’acquérir un mentor remplissait ses yeux, ce qui réconforta son vis-à-vis.

— Tu lui ressembles beaucoup.

Silence. Earl ne savait pas quoi répondre à ça. Il n’avait que de rare souvenir de sa mère, il n’avait jamais vu de photo d’elle dans son adolescence. Mais si son aïeul l’affirmait, c’est que ça devait être vrai.

— J’ai bien compris tes intentions en venant ici.

— Vous allez m’apprendre ?

— T’apprendre quoi ?

— Eh bien…

Le garçon ne savait pas réellement ce qu’il voulait apprendre. La maitrise de ses pouvoirs ? Les secrets de son passé ? Ou l’avenir qui l’attendait ?

— Je… Je ne sais pas vraiment…

— C’est normal d’être perdue. Je ne peux pas te révéler plus de choses sur ta défunte mère, Arawn le pourra peut-être. Pour ce qui est du reste, tu pourras venir me retrouver sur la plage plus tard, je te montrerais ce que je sais.

L’enfant le remercier et quitta la pièce. L’homme se remit à ranger ses trouvailles et objets de valeurs alors que son petit-fils quittait la bâtisse en compagnie du canonnier. Ils retrouvèrent le capitaine sur la terrasse surplombant la crique ; de là, ont pouvait voir absolument tout, la plage, le village, le port et ses navires, jusqu’à l’entrée de la baie.

Earl s’approcha de la rambarde de marbre pour profiter de la brise. Sa langue le piquait pour poser ses questions, mais il souhaitait profiter de cet instant de calme. Sans réfléchir. Sans parler. Jouir simplement du moment.

— J’ai quelque chose à te montrer.

Arawn semblait perplexe sur sa décision, mais il quitta la terrasse en incitant son protégé à suivre ses pas. Wynric reçut l’ordre de retourner au Phoenix et donner l’autorisation à l’équipage de mettre pied à terre pour la nuit, puis s’enfonça dans la jungle.

Ses grandes enjambées étaient handicapantes pour le jeune homme qui trottait derrière lui. Le Mannred ne savait pas où il était emmené, mais il avait confiance en cet homme. S’il avait quelque chose à lui montrer, il devait le suivre sans poser de question. Sa respiration s’était accélérée tandis qu’il sautait au-dessus des racines que le capitaine franchissait sans difficulté.

— Attendez.

Pas assez fort. Son souffle était saccadé, les feuillages fouettaient sa peau et l’entaillait. La silhouette du pirate disparaissait peu à peu dans la végétation, et la peur envahit le corps du garçon. Une anxiété incontrôlable le submergea, un long frisson parcourut son dos, il tendit son bras pour rattraper son protecteur. Puis trébuche.

— Ah !

Coucher à plat ventre, il se redressa difficilement. Son pied s’était pris dans une racine sortie du sol. À genoux, il leva vivement la tête par crainte d’avoir perdu la trace du phénix. Mais il vit une main tendant vers lui et un sourire chaleureux.

— Tu vas bien ?

Aucun son ne sortit de la bouche du plus jeune. Il contempla l’aide qui lui était donnée et la saisit. Une fois sur pied, il ne lâcha pas la main du capitaine. Son visage était chaud, il pouvait le sentir. Sa vue se brouilla et ses joues s’humidifièrent. Il baissa immédiatement la tête lorsqu’il comprit qu’il était tout simplement en train de pleurer. Mais pourquoi ?

— Eh, tout va bien ?

Pourquoi est-ce que je pleure ? Quelle est cette sensation ? Qu’est-ce qu’il m’arrive ?!

— Earl, regarde-moi. Tu es blessé quelque part ?

— N-non.

— Alors pourquoi pleures-tu ?

— Je ne sais pas !

L’incompréhension pouvait se lire sur le visage des deux hommes qui se faisaient face. L’un ne comprenait pas les sentiments qui se bousculaient dans sa poitrine, l’autre appréhendait le moment où il les comprendrait.

— Je… J’ai eu peur de vous perdre.

— Tu ne m’as pas perdue, tu avais juste à suivre ma trace.

— Mais… je… j’ai eu peur. C’est tout. J’ai eu peur de vous perdre à tout jamais et de devoir me débrouiller seul.

— Earl, tu ne me perdras jamais.

Le phénix prit le menton de son protégé entre ses doigts pour l’obliger à redresser la tête.

— Quoi qu’il arrive, tu ne me perdras jamais. Tu me retrouveras toujours. Et si tu es capturé et éloigné de moi, je remuerais ciel et terre pour te retrouver.

La respiration du garçon se calma et ses larmes disparurent. La voix du plus vieux le rassura. Ce n’était pas des paroles en l’air, il le savait. Le phénix lui prêtait serment, ici et maintenant.

— Ou vouliez-vous m’emmener ? reprit le garçon.

— Juste ici.

Le capitaine poussa un amas de branches pour déboucher sur une clairière. Timidement, Earl sortit de la jungle luxuriante pour pénétrer dans cette anse. Il s’agissait d’un grand cercle de sable, en son centre se trouvait une étendue d’eau peu profonde, à hauteur de cheville. Des pierres se trouvaient enfoncer dans ce cercle, de différente taille et différente forme. Tandis que le garçon s’aventurait dans cette eau bleutée, le pirate lui restait sur le sable.

— Vous ne venez pas ?

— Je n’ai pas le droit. Continue.

Il continua son chemin à travers les pierres. Certaines étaient entièrement recouvertes d’algues et de mousses, d’autres de fleurs. La roche était parfois endommagée par le temps et les marées, mais il remarqua que la plupart étaient gravés. Il se pencha sur l’une d’elles et essaya de lire les inscriptions.

— Elios… 1627…

Il s’arrêta dans sa lecture, se redressa et regarda le pirate. Arawn ne fit qu’acquiser d’un hochement de tête. Ce n’était pas qu’une simple baie. C’était un cimetière.

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