Chapitre 28

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Le soleil se couchait à l’horizon lorsque l’équipage fit son apparition aux abords du village. Ils furent accueillis dans la taverne principale et eurent un bon repas. Malgré quelques regards indiscret et parfois dédaigneux de certains habitants, ils poursuivirent leur diner avant de se disperser. La plupart avaient rejoint le navire pour y passer la nuit, d’autres préféraient profiter un peu plus de l’hospitalité des villageois.

Le nouveau mousse ne les avait pas rejoints pour cette soirée, trop occupé à assimiler toutes les informations que lui fournissait Wig. Ils étaient installés sur la plage de la crique, à l’écart des festivités. Le capitaine les avait abandonnés après être revenu du sanctuaire et avait rejoint ses hommes.

Son nouveau mentor lui enseignait l’histoire des Mannred, leurs apparitions, leurs pouvoirs et leurs histoires. C’était intéressant, mais Earl était intéressé par une chose en particulier : le contrôle de ses pouvoirs. Il voulait être capable de les utiliser lors d’un combat pour se protéger, lui et l’équipage. Bien que le l’histoire de la malédiction fut très intéressante, son attention se détourna bien vite du monologue de Wig.

— … Et c’est ainsi que nous sommes arrivés sur cette île et…

Le plus vieux s’arrêta dans sa phrase pour constater que son apprenti n’écoutait pas la moindre de ses paroles.

— Et tu ne m’écoutes pas du tout.

— Hein ? Quoi ?

— Je pensais que tu étais venu ici pour en apprendre plus sur les Mannred. Je me vois constater que tu ne m’écoutes pas d’une oreille attentive.

— Désolé, je…

Le garçon ne termina pas sa phrase. Ses pensées étaient embrouillées, si bien qu’un léger mal de tête fit surface et le fit grimacer.

— Je sais que ça fait beaucoup d’informations d’un coup, mais elles sont importantes, Earl.

— Oui, je sais. Allez-y je vous écoute. Comment vous êtes-vous retrouvé sur cette île, vous tous ?

Wig souffla par le nez et sourit. Malgré la fatigue accumulée, ce gamin était tenace.

— Il y a une centaine d’années, les Mannred étaient chassés pour leurs pouvoirs. Beaucoup ont péri, si bien que nous avons failli disparaitre à jamais. Une poignée d’entre nous avons réussi à prendre le large, et nous avons naviguer jusqu’à l’archipel de Thorrak en pensant pouvoir nous mettre à l’abri.

— Mais ce ne fut pas le cas ?

— Au début, nous étions désespérés. La mer était colérique, les vagues nous secouaient et nous avons bien cru que la coque allait se fendre face aux courants. Le ciel se déchirait et la pluie nous gênait dans nos manœuvres. J’étais à la barre cette nuit-là.

Earl était captivé par son récit. Assis autour du feu, le clapotis des vagues sur le sable et le chant de quelques oiseaux marins rendait cette histoire encore plus envoûtante.

— Je ne sais pas par quelle force mystérieuse c’est arriver, mais à l’approche de cette île, la barre ne répondait plus. Malgré la force que j’y mettais, je n’arrivais plus à diriger le Black Swan. Après de longues minutes à être secoué à travers les courants forts, nous avons fini par échouer dans cette crique.

Il désigna le village un peu plus loin, et plus précisément de l’autre côté, ou Earl put apercevoir un mât englouti par l’eau. Il devina la silhouette du navire coucher au fond de la crique, seule la mâture restait dressée vers le ciel.

— Après avoir rejoint la plage, nous avons observé les navires qui nous poursuivaient être emmenés vers le large. Ils n’avaient pas réussi à franchir la barrière de corail et les courants forts qui nous avaient amenés ici. C’est au petit matin que nous avons constaté notre chance. Nous étions sur une île déserte, isolée de l’archipel et qui regorgeait de vivre. La jungle nous a offert à manger et de quoi nous abriter. Ce n’était pas facile au départ, mais avec un peu de motivation, nous avons fini par construire ce paradis.

Le jeune homme contempla le village de l’île. C’était des bâtisses assez rustiques, mais qui permettait à chacun d’être à l’abri du mauvais temps et des dangers extérieurs. Et puis, il y avait de quoi s’amuser : une taverne, deux pubs, un bordel, des marchands d’armes ou de poissons.

— Au fil des années, nous sommes parvenues à quitter l’île, mais nous sommes très vite revenues.

— À cause des corsaires ?

— Entre autres, mais aussi parce que nous avions trouvé notre utopie. Nous sommes ici chez nous. Nous avons de quoi manger et boire, un toit pour nous protéger et un lit ou dormir le soir, de la bonne compagnie et de bons amis.

Earl sourit, mais reporta son regard au-dessus de sa tête. En haut de la falaise se trouvait le manoir où habitait Wig. Une grande bâtisse aux pierres blanchâtres qui semblait dater de plusieurs décennies.

— Vous avez dit que, lors de votre arrivée, l’île était inhabitée. Mais qui a construit le manoir ?

— Personne ne le sait. Nous ne l’avons pas construit. Mais aucune trace d’habitations n’était présente à notre arrivée. Le propriétaire de cette demeure a dû disparaitre bien avant notre arrivée.

— Une aubaine donc…

Son mentor se leva pour prendre deux gros morceaux de bois et les jeta dans le feu. Puis il reprit place sur le sable frais de la plage.

— Tu en sais un peu plus sur l’histoire de cette île. Que veux-tu savoir d’autre ?

— Comment contrôler mes pouvoirs.

Un ricanement grave retentit dans l’air. Le garçon se sentit vexer par ce rire et le fit savoir.

— Au lieu de vous marrer, nous pourrions commencer non ?

— Tu es bien trop impatient gamin. Nos pouvoirs ne se contrôlent pas en un claquement de doigts. Il faut qu’ils se réveillent en toi.

— Qu’ils se réveillent ?

— Exactement. Du brin de conversation que j’ai pu avoir avec Arawn, il semblerait que tu en as déjà fait usage.

Earl réfléchit. Quand ai-je déjà utilisé mes pouvoirs ? Il essaya de se remémorer tout moment où il aurait pu consciemment faire appel à ses facultés, mais n’en vit aucun.

— La plupart du temps, le réveil survient lorsque tu te trouves en danger ou que des éléments surnaturels t’entourent. Tu ne t’en souviens peut-être pas, les novices comme toi perdent souvent connaissance.

Lorsque nous sommes en danger ? Lors du supplice de la planche. Ou que des éléments surnaturels nous entourent ? À l’entrée de l’île. Il n’en avait pas conscience, mais ses pouvoirs s’étaient déjà réveillés en lui, lorsqu’il échappa pour la première fois à la faucheuse.

— Nous allons essayer quelque chose.

L’enseignant se leva et prit un bâton en main. Il tourna autour de son élève en souriant.

Je le sens mal…

— Concentre-toi sur le feu face à toi. Tu dois essayer d’éteindre sa flamme en utilisant tes facultés.

— Comment ?

— Les Mannred contrôlent l’eau, et parfois d’autres éléments. Tu dois imaginer l’eau éteindre le feu.

— C’est ridicule.

Il reçut un coup de bâton sur le haut du crâne.

— Aie ! Ça fait mal !

— Ce sera ta punition à chaque plainte de ta part. Éteins ce feu.

Grimaçant de douleur, le garçon fit ce qu’on lui demanda. Assis en tailleur, mais poser sur ses genoux, il se concentra sur les flammes qui dansaient face à lui.

Concentre-toi sur les flammes. L’eau doit venir les éteindre.

Wig l’observa un peu en recul. Mais aucun sourire n’apparut sur son visage. Il désespéra un instant. Ce gamin n’allait pas y arriver en s’y prenant de la sorte. Mais il devait savoir se débrouiller par lui-même, bien que ces instructions fussent un peu floues. Chaque Mannred avait sa façon de faire pour apprendre et contrôler ses pouvoirs. Earl devait trouver comment faire tout seul.

Après de longues minutes, le jeune homme expira fortement d’impatience. Il n’y arrivait pas. Il avait beau imaginer l’eau venir éteindre ce foutu feu, rien ne se produisait. Il bascula la tête en arrière et ferma les yeux.

— Le réveil survient lorsqu’un élément surnaturel est proche ou… lorsque je suis en danger…

Ses paupières s’ouvrirent d’elles-mêmes lorsqu’il vit la solution dans le noir.

— Je n’ai qu’à voir le feu comme un danger pour moi.

Il se remit en position et ferma les yeux. Dans l’obscurité, il visualisa les flammes plus grandes et plus menaçantes. Son imagination prit le dessus sur sa conscience et une image lui parvint. Il vit le Phoenix en proie aux flammes, et les membres de l’équipage prisonnier à l’intérieur.

Son mentor s’approcha lentement de lui lorsqu’il constata l’eau en mouvement sur le bord de la plage. Alors que les vagues s’échouaient et repartaient vers le large, une boule s’était formée sur le sable et grandissait lentement.

Dans sa vision, Earl contempla le navire dévoré par l’incendie. Son cœur s’emballa lorsqu’il aperçut le visage du capitaine se liquéfier par la chaleur de la fournaise. Paniqué, il ouvrit grand les yeux et la bulle qui s’était formée se jeta sur le feu de camp, l’étouffant immédiatement.

La respiration saccadée du garçon alerta le plus vieux qui vint à ses côtés. Alors qu’il s’attendait à voir le visage paniqué du plus jeune, il fut surpris d’y voir un sourire satisfait.

— J’ai réussi.

Il lança un regard à Wig qui lui redonna son sourire.

— En effet, tu as bien réussi.

Un sourire et un éclat de rire parcoururent le corps de l’enfant. Il avait compris.

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