Chapitre 41

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Trois jours s’étaient écoulés depuis sa libération, et leur destination était proche. Le détroit entre Utlos et Tallak se dessinait à l’horizon, mais il remarqua une chose bien étonnante.

— Nous ne sommes pas loin d’Anouk… ?

— Utlos et Anouk se trouvent sur le même archipel, mais la montagne les sépare. On ne peut pas débarquer au nord, là où se situe Utlos, lui répondit Meribi.

— Pourquoi ?

— L’îlot est protégé, tu te souviens ?

— D’accord, mais alors qu’est-ce que Utlos si ce n’est pas un village ?

— C’est un cimetière de navires. Les pirates jettent l’ancre dans cette zone, car les courants et la végétation les protègent des autorités.

Les deux garçons étaient assis sur la poulaine, dubitatifs sur les évènements à venir.

— Pourquoi Mannles se trouverait là-bas ?

— Il guette chaque entrée et sortie de navire à Anouk.

San le rejoint calmement. Oris, l’un des chats du capitaine, était blottis dans ses bras.

— C’est comme ça qu’ils ont réussi à vous tendre une embuscade.

— En nous suivant de lui, mais sans nous perdre de vue… en conclut Meribi.

— Cette fois-ci, c’est nous qui aurons l’avantage, n’est-ce pas ? demanda Earl.

— Arawn et Opal savent comment faire pour l’attaquer par surprise. Et puis, avec les deux bricks à nos côtés, nous sommes en supériorité numérique, le rassura le canonnier.

Le silence retomba sur le trio. Observé le passage s’approcher d’eux les inquiétait. Helm avait laissé sa place de timonier au barreur du Kingstone, Liham quant à lui avait rejoint le nid de poule. Mais il redescendit assez vite pour se diriger vers eux, une petite masse sur l’avant-bras.

— Au fait, Earl ! Je crois que j’ai retrouvé quelque chose qui t’appartient.

Le jeune mousse se tourna vers son camarade, les yeux grands ouverts et sourit. Le petit rapace qu’il avait sauvé était là, agripper au bras de la vigie, un peu plus grand que lorsqu’il l’avait perdu de vue.

— Comment l’as-tu retrouvé ? Je le pensais mort dans l’explosion, s’exclama-t-il en se levant.

— Il s’est enfui et a disparu dans la végétation de l’île. Une fois à bord du Kingstone, il s’est posé sur les vergues et n’a daigné nous rejoindre qu’au bout de trois jours. C’est Meribi qui en a pris soin, lui expliqua Liham en posant le rapace sur l’épaule de son vis-à-vis. Il a réussi à le dresser un peu, mais je pense que c’est à toi de finir le travail.

Le faucon secoua ses ailes et poussa un petit cri en regardant son fauconnier. Earl fut ravi de le voir en forme et un peu plus grand que lorsqu’il l’avait quitté. Ils restèrent sur la poulaine jusqu’au passage du détroit.

Assis à la proue, frôler les îles fut beaucoup plus impressionnant. Il crut même que la coque allait toucher les flans rocheux qui s’approchaient dangereusement d’eux. Mais le timonier du galion était expérimenté, et le navire glissa sur l’eau à travers ces falaises escarpées sans une égratignure.

Le convoi s’arrêta à la sortie du détroit, non loin du cimetière d’Utlos. Les équipages étaient en effervescence, prêts à l’attaque. Les capitaines et leurs seconds s’entretenaient sur la dunette, planifiant chaque coup et possibilité. Ils étaient sûrs d’une chose : le Neptune ne les verrait pas arriver.

Earl et San eurent comme ordre de rester dans la cabine du capitaine. Ils contestèrent, mais Arawn n’était pas d’humeur à discuter. Il les mena en dessous de la dunette et referma les portes derrière lui. Il installa les garçons sur le lit et les regarda.

— Si je vous demande de rester ici, c’est pour votre sécurité.

— Mais ont veux aider ! s’empressa de répondre son protégé.

— Earl. Tu nous aideras en restant ici.

— Vous viendrez nous chercher à la fin de l’attaque ? demanda San. Je veux pouvoir me venger également.

Le capitaine soupira. Il avait déjà du mal à gérer son protégé, il se retrouvait maintenant avec deux gamins intrépides et rancuniers. Un sourire germa sur le coin de ses lèvres malgré la situation.

— Vous vous êtes bien trouvés tous les deux. Ont pourrait presque croire que vous êtes frères.

Tandis que les amis se dévisageaient, le pirate se redressa et se dirigea vers la porte.

— Je viendrais vous chercher pour la sentence de Mannles.

Il sortit et ferma à double tour. Earl se précipita sur la poignée, mais même en la secouant dans tous les sens et en tirant dessus, ils étaient enfermés. Il n’aimait pas être enfermé dans une pièce et ne faire qu’écouter ce qu’il se passait dehors. Il commença à faire les cent pas dans la cabine, San l’observant sur le lit. Le garçon fouilla le bureau à la recherche d’une clé, mais ne tomba que sur des papiers confidentiels, des cartes ou des lettres, rien d’intéressant.

— Earl, le hublot.

Les garçons se précipitèrent vers la petite fenêtre et l’ouvrirent dans la volée. Ils ne pouvaient pas sortir par-là, mais au moins observer ce qu’il se passait dehors. Tandis que des pas précipités retentissait à leurs oreilles, ils contemplèrent le Kingstone et les deux bricks s’avancer vers le Neptune, amarrer proche d’un beaupré sortant de l’eau.

Un coup de semonce retentit dans l’air, très vite suivi par une volée de tir latérale. L’équipage de Mannles fut pris au dépourvu. Les Mannred les voyaient s’agiter sur le pont de leur bâtiment, se préparant à une riposte.

— Préparez les pièces de travers ! hurla Opal sur le pont. Canonniers à vos canons ! Guettez les mâts, et attendez qu’on soit bord à bord !

Le galion se positionna en parallèle à leur ennemi tandis que les deux bricks faisaient le tour pour se placer de l’autre côté, le bloquant de part et d’autre.

— Visez les canons ! Tirez en batterie, de la proue à la poupe !

Des volés de tir retentirent à leurs oreilles et firent vibrer le navire tout entier. Le Kingstone crachait ses boules de feu pour anéantir son ennemi tandis que les membres d’équipages se préparaient à l’abordage. Les deux garçons observèrent le Neptune être mis en charpie, les mâts tombèrent un à un dans l’eau, la coque fut percée comme du gruyère, le pont partait en lambeau. Après une dizaine de minutes d’acharnement, les canons se turent pour laisser place aux cris de rages des marins.

Les navires s’approchèrent lentement les uns des autres pour s’aborder. Quelques hommes du Neptune prirent les devants et sautèrent sur le Kingstone, mais ils rejoignirent rapidement les flots sous les yeux ébahis des garçons. Earl comprit bien vite : il n’y aurait pas de prisonnier. Le choc entre les coques fut brutal, si bien qu’ils en tombèrent à terre.

La coque du brick obstrua l’ouverture du hublot, les coupant du monde extérieur et de l’attaque qui faisait rage dehors. Ils restèrent assis à terre, les yeux dans les yeux, écoutant attentivement tout ce qu’ils pouvaient entendre. Des coups de feu, des lames qui s’entrechoquaient, des cris de rages ou d’agonie, des corps qui entraient dans l’eau. Puis le silence.

Une dizaine de minutes s’écoula dans le plus grand des calmes, faisant monter l’angoisse chez eux. Des pas résonnèrent sur le pont principal du galion, s’avançant jusqu’à leur porte. Ils se relevèrent et observaient l’ombre qui passait sous la porte. La serrure fut déverrouillée et le capitaine leur ouvrit.

— Nous avons terminé. Vous pouvez venir.

Earl fut le premier à sortir. Le pont du Kingstone n’avait aucune égratignure ni trace de combat. C’est en tournant la tête qu’il fit face à l’horreur. Il ne restait que quatre hommes sur le Neptune, le reste de l’équipage avait rejoint la mer, leurs sangs maculaient le bois de leur navire.

Ils montèrent à bord et firent face à Mannles. Ce dernier était à genoux, lames sous la gorge, gardée par les seconds du Kingstone et du Phoenix. Il était dans un sale état : sa peau était parsemée de nombreuses entailles, il avait reçu une balle dans la cuisse et l’épaule, ses mains avaient été privées de certains de ses doigts. En temps normal, cette image l’aurait répugné à l’en faire vomir. Mais il resta incroyablement calme face à ce spectacle.

Après tout, il n’a que ce qu’il mérite.

Arawn s’approcha de son prisonnier, sortit son sabre et plaça la lame sous son menton, l’obligeant à le regarder. Mannles ne semblait pas impressionner, il ricana en apercevant les deux Mannred aux côtés du phénix.

— Je suis heureux de vous revoir une dernière fois, clébard.

— Ferme-la. Tu es un traitre, et tu en connais les circonstances, le menaça Rackham.

— Et toi, tu cours à ta perte en protégeant des aberrations pareilles, tu ferais mieux de les abandonner à leurs sorts.

Le phénix ne répondit rien. Mannles en profita pour s’adresser directement à Earl.

— Tu es aussi inconscient que ta pauvre mère. Je me demande ce qu’elle aurait dit si elle te voyait en compagnie de ce renégat.

— Elle en serait fière et vous tuerait de ses propres mains, souffla froidement le concerné la tête haute.

— Pas comme toi en tout cas.

Le jeune homme vit rouge. Il ne réfléchit pas et saisit le pistolet du capitaine, chargea le chien et pointa son ennemi. La rage luisait dans ses yeux alors que sa peau se recouvrait d’une fine couche bleutée. San le contempla sans intervenir.

— Vas-y, énerve-toi. Montre à tout le monde le monstre qui sommeille en toi.

— Le seul monstre présent ici, c’est vous.

— Tu n’es qu’un imbécile en te pensant en sécurité à ses côtés. Il te vendra à la première occasion pour récupérer la perle, tu n’es que la clé qui l’y mènera.

— Et je le ferais consciemment.

— Tu n’es qu’un fou.

— Et vous un traitre.

Personne ne put réagir avant qu’il n’appuie sur la gâchette. La balle partit du canon pour se loger entre les deux yeux du capitaine déchu. Il chuta en avant, s’écrasant sur le pont de son épave. Arawn observa son protégé avec inquiétude, mais ne vit aucun dégout et peur dans ses yeux. Juste un sentiment de bien-être, fruit d’une vengeance accompli pour lui et sa mère.

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