La première fois, la voix s’est glissée dans son sommeil comme un fil invisible.
Pas un cri. Pas un appel.
Un simple murmure, fragile, qui frôlait la frontière des rêves.

— Marc… tu peux m’aider ?

Il a ouvert les yeux trop vite. L’obscurité avait la consistance d’un souffle retenu, et le silence pesait comme une pièce fermée de l’intérieur.

Il s’est redressé sur un coude, le cœur battant contre ses côtes.
Rien ne bougeait.
Le parquet exhalait une odeur de bois tiède.
La lumière orangée de la rue dessinait des cercles sur le mur, exactement comme la veille, exactement comme toutes les nuits depuis dix ans.

Et pourtant, quelque chose avait changé.

Il l’a senti avant de l’admettre :
une trace légère, suspendue dans l’air.
Vanille. Citron frais.
Le parfum de Jimmy.

Il ne voulait pas y croire.
Il ne voulait plus.
Mais la senteur vibrait, précise, obstinée — trop fidèle au souvenir pour n’être qu’un reflet du passé.

Une pensée s’est imposée, brutale :

Si le parfum est là, alors…

Mais la seconde suivante, il a reculé.
Il connaissait trop bien ce mécanisme, cette faille qui s’ouvrait dès qu’il fermait les yeux.

Jimmy était mort.
Cela faisait dix ans.
Et aucune voix, aucun parfum ne pouvait franchir cette frontière.
Il le savait. Il l’avait répété. Des milliers de fois.

Alors pourquoi, ce soir-là, la phrase avait-elle continué de tourner dans sa tête ?
Pourquoi son nom vibrait-il encore entre ses tempes, comme si quelqu’un venait à peine de le prononcer ?

Marc a reposé sa tête sur l’oreiller.
Les mains crispées.
Les yeux ouverts sur le plafond qu’il ne voyait plus.

Quelque chose venait de se réveiller en lui.
Quelque chose qu’il croyait avoir enterré.
Un manque, ou une présence.
Il n’aurait pas su dire.

Mais il y avait une certitude, une seule :
cette voix — qu’elle vienne de son esprit ou d’ailleurs —
ne le laisserait plus dormir.